Un virus qui a des impacts insoupçonnés... (Photo: United Nations pour Unsplash)
CHRONIQUE. Avez-vous noté, comme moi, que nous nous sommes remis à parler de la COVID-19 depuis l’annonce d’un possible vaccin d’ici la fin de l’année? Et qu’avant ça, les bulletins d’information n’en parlaient plus qu’en dernier, et encore pour ne donner que les chiffres du jour, entre ceux de la Bourse et les prévisions météo? Qu’on était en train de banaliser la situation pourtant catastrophique du Québec sur le plan sanitaire, avec ses records constants de nouveaux cas quotidiens et ses morts comptabilisés par dizaines?
Je veux bien croire qu’une certaine lassitude a fini par nous prendre, qu’à force de marteler des données plus inquiétantes les unes que les autres on a fini par cogner dans le vide. Mais bon, si l’on veut espérer sortir un jour de cette pandémie sans être complètement esquintés, il est évident que le mieux est d’être correctement informés sur l’évolution du nouveau coronavirus au Québec, histoire de pouvoir s’y adapter tous au mieux. Individuellement comme collectivement. C’est là, je le souligne, une évidence.
D’où mon idée de regarder où nous en étions vraiment aujourd’hui, de me plonger dans des données délaissées par un trop grand nombre de gens, de vérifier si tout ce qu’on nous dit se vérifie bel et bien. Et de vous présenter l’essentiel de ce que j’ai ainsi déniché, à savoir des informations qui prennent le contre-pied de ce que, vous comme moi, prenions pour des vérités et qui sont, en fait, de dangereux leurres…
1. Non, le milieu de travail n’est pas le milieu le plus dangereux
Horacio Arruda, le directeur national de santé publique, a affirmé que «46% des éclosions provenaient du milieu de travail», lors d’un point de presse tenu à la fin d’octobre. Et il a ajouté que les principales éclosions ne provenaient pas «des centres hospitaliers, des CHSLD, des écoles, des garderies».
Nous en avons tous tiré la conclusion logique qu’il fallait désormais redoubler de prudence sur nos lieux de travail. Ce qui touchait un paquet de monde puisque seulement 1 PME sur 5 recourt aujourd’hui au télétravail – une donnée qui, soit dit en passant, en dit long sur l’impact de la récente injonction du premier ministre François Legault, qui invitait les propriétaires d’entreprises à recourir «le plus possible» au travail à distance.
Or, ce n’est pas dans le milieu de travail qu’ont lieu le plus de contacts entre les Québécois. L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) vient de dévoiler une étude qui l’indique clairement, une étude passée sous le radar d’à peu près tout le monde. Cette étude, dénommée Connect et pilotée par le professeur Marc Brisson et par l’épidémiologiste Mélanie Drolet, tous deux du Centre de recherche du CHU de Québec–Université Laval, montre en effet que:
(Source: Étude Connect, 2020)
> 8 contacts “dangereux” par jour. Avant la pandémie de COVID-19, les Québécois avaient en moyenne 8 contacts “dangereux” par jour. C’est-à-dire que 8 fois par jour ils parlaient avec une autre personne à une distance inférieure à deux mètres et/ou ils avaient un contact physique avec une autre personne (ex.: se serrer la main, s’embrasser, se donner l’accolade, dormir ensemble, etc.).
> Surtout au travail. L’essentiel de ces 8 contacts quotidiens survenaient sur le lieu de travail (moyenne de 2,5 contacts quotidiens), à la maison (1 contact avec les membres du foyer; 1 contact avec un visiteur) et à l’école (1,25 contact).
Si l’on considère maintenant les données de la rentrée, on note que:
> Pas vraiment au travail. Le nombre moyen de contacts au travail a chuté de moitié. Il est passé de 2,5 au début de 2020 à 1,5 en septembre et à 1,25 en octobre. Autrement dit, le message est passé, même si ce n’est pas encore parfait (l’idéal serait, bien entendu, qu’il n’y ait plus aucun contact “dangereux”): les Québécois font réellement attention sur leur lieu de travail. En conséquence, c’est ailleurs que ça se passe, comme on va le voir avec les données qui suivent…
> Le danger vient plutôt des visiteurs à domicile. Le nombre de contacts à la maison avec ses proches est resté constant, ce qui va de soi. En revanche, le nombre de contacts chez soi avec des visiteurs n’a, lui, guère diminué: il y en avait en moyenne 1 par jour avant la pandémie; en septembre, on est passé à 1 contact tous les deux jours; et en octobre, à 1 tous les trois jours.
Pour le dire encore plus clairement, les Québécois reçoivent encore des amis chez eux une fois tous les trois jours, en parlant avec eux sans protection aucune (ex.: pas de masque,…), à moins de deux mètres, et leur font parfois-même la bise ou l’accolade! Ce qui, on s’entend, est une attitude parfaitement irresponsable en pleine pandémie.
Je sais bien, le premier ministre François Legault a dit que des visites étaient encore possible en zone rouge, à condition que celles-ci soient «essentielles». Mais peut-être que le concept d’«essentiel» n’a pas été assez bien communiqué, ou a été trop librement laissé à l’interprétation de chacun. Qui sait? Certains estiment peut-être que la visite d’amis de leurs enfants est «essentiel» pour la santé mentale des petits, que la visite du son meilleur chum «qui ne présente aucun symtôme» est tout à fait légitime, ou encore que la visite de la tante qui est si famille et si chaleureuse est «essentiel» pour la joie de vivre de tout le monde. Allez savoir…
2. 1 survivant sur 5 souffre maintenant de troubles mentaux
Insomnie, anxiété, dépression,… Une étude de l’Université britannique d’Oxford menée auprès de 62.000 Américains contaminés vient de montrer que 20% des survivants à la COVID-19 souffrent à présent de troubles mentaux jugés sérieux. Et ce, «dans les 90 jours» suivant la contamination.
Les résultats de ces travaux indiquent que, dans certains cas, les troubles peuvent aller en s’aggravant: les survivants présentent «des risques significativement plus élevés que la normale de démence et d’affection cérébrale».
«On redoutait que les survivants de la COVID-19 soient plus à risque que les autres de problèmes de santé mentale, et nos résultats montrent que, de toute évidence, c’est bien le cas», a confié à l’agence de presse Reuters Paul Harrison, professeur de psychiatrie à Oxford.
Des spécialistes de la santé mentale qui ne sont pas directement impliqués dans cette étude publiée par The Lancet Psychiatry ont déclaré à Reuters que ces résultats corroboraient ceux d’autres chercheurs. «La COVID-19 s’attaque au système nerveux, et elle laisse des séquelles dont on verra si elles sont durables, ou pas, à mesure que nous avancerons dans le temps», a dit Simon Wessely, professeur de psychiatrie au King’s College de Londres.
Autrement dit, le nouveau coronavirus affecte le cerveau et l’esprit. Et cela laisse des traces parfois profondes.
Vous comme moi, nous avons l’impression qu’une fois remis de la COVID-19, tout va pour le mieux, ou presque. Et nous nous trompons lourdement. Ce virus fait des ravages, dans la tête comme on vient d’en avoir la preuve scientifique, mais aussi ailleurs: on relève de plus en plus de cas de survivants souffrant à présent de troubles nerveux, cérébraux, respiratoires, musculaires, etc. Des troubles, je le souligne, qui peuvent de révéler gravissimes: par exemple, des chercheurs se penchent en ce moment-même sur le nombre «curieusement élevé» de survivants faisant un accident vasculaire cérébral (AVC) peu après leur rétablissement…
Voilà. Il y a de belles nouvelles, comme cette annonce d’un possible vaccin bientôt disponible. Mais ne baissons pas la garde pour autant, car c’est en étant parfaitement bien informés au sujet de la pandémie que chacun de nous sera véritablement en mesure de se prémunir d’une éventuelle contamination, et des graves séquelles qui peuvent en découler. Et donc, en continuant de faire l’effort de mettre à jour les données au sujet de la pandémie dont nous disposons, oui, en continuant de nous informer auprès de sources authentiques (note pour ceux qui ne le sauraient pas encore: toute “information” dénichée sur les médias sociaux n’a aucune – je le souligne, je le martèle, au-cu-ne – crédibilité; il est impératif que la source soit toujours un média fiable et reconnu).
Bref, espérons, mais avec sagesse.
En passant, la chanteuse américaine Joan Baez aime à dire: «L’espoir est contagieux, comme le rire».
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Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.
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