Le taux d'approbation en 2024 des résolutions sur les stratégies climat est en légère baisse par rapport à 2023 (89,3%), mais supérieur à 2022 (86,4%). (Photo: 123RF)
Hugo Cordeau, étudiant au doctorat en économie à l’Université de Toronto
COURRIER DES LECTEURS. Le Bye Bye et Infoman n’ont pas manqué de rappeler l’omniprésence de la crise climatique, mais était-ce vraiment tout ce qu’il y avait à retenir de 2023, des désastres naturels?
Mon analyse est bien différente: l’action climatique est en pleine accélération. Voici ce que je retiens.
D’abord, 2023 commence avec un volt-face de Sophie Brochu en renonçant à la direction d’Hydro-Québec. Bien que les détails soient inconnus, nous pouvons convenir qu’il y avait un clivage de vision : Brochu désirait davantage d’efficacité énergétique, alors que Legault-Fitzgibbon veulent produire davantage, afin d’attirer des investissements. Le gouvernement a eu gain de cause.
À l’automne, le nouveau PDG d’Hydro-Québec, Michael Sabia, nous a révélé le nouveau plan stratégique de la société d’État et prévoit doubler la production d’électricité d’ici 2035. L’objectif est colossal, mais ancré dans l’urgence d’agir. Effectivement, c’est le premier plan qui reconnaît que le Canada et le Québec ont d’importants objectifs de décarbonisation — nécessitant davantage d’énergie renouvelable.
À contrario, 2023 nous a offert des vertes et des pas mûres niveaux investissements. Songeons notamment à l’usine de GM à Bécancour qui contribuera à la production des batteries du Chevrolet Silverado EV, le GMC Hummer EV et le Cadillac Lyriq. Ce sont des voitures électriques, mais disons simplement que ce ne sont pas les plus vertes de leurs catégories. Et ça, c’est sans oublier que la construction de ces batteries nécessitera du gaz naturel. Pis encore, le sous-ministre de l’économie a rédigé une lettre d’appui afin d’autoriser le projet d’agrandissement du réseau gazier à Bécancour.
L’argument principal: le manque de capacité énergétique, ce qui souligne que, oui, le projet d’augmentation de la production par Hydro-Québec est plus nécessaire que jamais, mais rappelons que l’efficacité énergétique est tout aussi cruciale.
Toutefois, tout n’est pas noir. Les tissus industriels sont complexes et complémentaires; la présence d’un joueur rend le Québec plus alléchant pour toute l’industrie.
C’est probablement ce que nous observons avec Northvolt, un pionnier dans le domaine des batteries, qui positionne le Québec au cœur d’un secteur névralgique de la transition électrique.
Notons toutefois que le transport en commun demeure nettement plus porteur pour décarboner les transports. Alors que l’année 2023 peut être saluée pour la mise en service du REM réalisée à un coût et dans des délais records , elle peut aussi être critiquée en raison du report indéterminé du REM de l’Est et du tramway de Québec. Et à cela s’ajoute la résurrection du troisième lien routier qui contraste d’autant plus avec le sous-financement chronique du transport en commun.
À l’opposé, le fédéral met des milliards sur la table pour accélérer la construction de transport en commun, notamment, dans les milieux ruraux et autochtones. À cela s’ajoutent les nouveaux seuils de ventes de véhicules électriques qui favorisent la disponibilité des véhicules électriques en forçant la main aux constructeurs automobiles du Canada. Notamment, les véhicules zéro émission devront représenter 20% des ventes de voitures neuves en 2026, 60% en 2030 et 100% en 2035.
Une autre bataille de titan se déroule au fédéral avec le plafond sur les émissions du secteur pétrolier: une politique essentielle afin d’assurer que les plus grands pollueurs du pays — les pétrolières — diminuent leur pollution.
Ce combat aux allures locales est, en fait, bien international.
Prenons la COP28. Alors que l’événement a eu lieu dans un état pétrolier, la «transition hors des énergies fossiles» a finalement été clairement énoncée. Une victoire auquel le Canada a forcément contribué grâce à cette politique: alors que nous sommes le 4e plus grand producteur mondial de pétrole, nous sommes le seul état pétrolier à avoir une politique du genre. Et à cela s’ajoute la politique pour une transition juste, afin d’accompagner les travailleurs des secteurs polluants vers des emplois verts.
D’autres excellentes politiques ont vu le jour en 2023, notamment dans le budget fédéral qui contient 83 milliards destiné à la transition énergétique. Ce programme est une réponse directe au plan de décarbonation américain. Il vise notamment à assurer la pérennité économique du Canada, tout en étant bénéfique pour l’environnement. Ironiquement, l’un des principaux artisans de ce budget est aujourd’hui à la tête du moteur de la décarbonation de notre économie: Hydro-Québec.
Bref, l’année 2023 a été une période de contrastes marqués, allant des désastres bibliques à des avancées majeures dans les politiques climatiques.
Ce qui était jadis extraordinaire est dorénavant nécessaire et, dis franchement, probablement insuffisant.