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2e vague: quels métiers risquent d’être les plus touchés?

Olivier Schmouker|Publié le 28 septembre 2020

2e vague: quels métiers risquent d’être les plus touchés?

Les métiers de la santé sont en zone rouge. (Photo: S. Obijo pour Unsplash)

CHRONIQUE. Maintenant que la deuxième vague de la pandémie est là, la question brûle toutes les lèvres: quels secteurs d’activités vont être les plus touchés au Québec? Et par suite, en toute logique: mon entreprise va-t-elle être directement frappée? Et donc, moi-même?

Il se trouve que la réponse à ces interrogations existentielles existe. C’est que la Vancouver School of Economics (VSE) a concocté, avec la collaboration de HEC Montréal et de l’Université Dalhousie, un outil d’évaluation des risques socioéconomiques liés à la COVID-19, lequel permet notamment d’anticiper les risques que présentent les différents secteurs d’activités canadiens face à un regain marqué du nombre de personnes contaminées par le nouveau coronavirus. Que cet outil a été appliqué spécifiquement au Québec par une équipe de chercheurs pilotée par Marie Connolly et Catherine Haeck, deux professeures d’économie de l’ESG-UQÀM, par ailleurs chercheuses au CIRANO, assistées de leur étudiant Pierre-Loup Beauregard. Et que cet outil indique clairement que certains secteurs – et même certains métiers – sont nettement plus fragiles que les autres.

Voici ainsi le palmarès des 16 professions les plus vulnérables face à la deuxième vague, c’est-à-dire toutes celles qui présentent un risque «élevé» (indice entre 65-74) ou «très élevé» (indice entre 75 et 100):

1. Médecins, infirmières, dentistes, chiropraticiens, pharmaciens, etc.

Indice: 89

Nombre de travailleurs: 49.500

2. Denturologistes, hygiénistes dentaires, praticiens des médecines douces, infirmiers auxiliaires, massothérapeutes, etc.

Indice: 87

Nombre de travailleurs: 61.340

3. Optométristes, et autre personnel professionnel des soins de santé du commerce de détail

Indice: 86

Nombre de travailleurs: 3.670

4. Coiffeurs, esthéticiennes, etc.

Indice: 83

Nombre de travailleurs: 7.070

5. Assistants dentaires, aides-infirmiers, aides-soignants, préposés aux bénéficiaires, etc.

Indice: 82

Nombre de travailleurs: 71.240

6. Assistants optométristes, et autre personnel technique des soins de santé du commerce de détail

Indice: 79

Nombre de travailleurs: 12.735

7. Audiologistes, orthophonistes, ophtalmologistes, physiothérapeutes, ergothérapeutes, etc.

Indice: 79

Nombre de travailleurs: 1.775

8. Chefs, cuisiniers, bouchers, boulangers-pâtissiers, etc.

Indice: 76

Nombre de travailleurs: 30.880

9. Dispensateurs de soins en milieu familial, personnel de soutien familial, personnel de soutien en enseignement, huissiers, agents des services correctionnels, etc.

Indice: 71

Nombre de travailleurs: 5.830

10. Policiers (sauf cadres supérieurs), pompiers et militaires du rang des Forces armées canadiennes

Indice: 71

Nombre de travailleurs: 5.830

11. Réceptionnistes, garçons d’étage, commis, préposés aux commandes, livreurs à domicile, etc.

Indice: 69

Nombre de travailleurs: 17.590

12. Caissières, agents de comptoir, etc.

Indice: 68

Nombre de travailleurs: 15.505

13. Caissières de banque, commis au change de devises étrangères, etc.

Indice: 66

Nombre de travailleurs: 18.130

14. Travailleurs de services sociaux et communautaires, éducateurs, instructeurs, etc,

Indice: 66

Nombre de travailleurs: 7.425

15. Réceptionnistes de salle de spectacle, etc.

Indice: 66

Nombre de travailleurs: 1.535

16. Commis au comptoir du service à la clientèle, commis à l’information touristique, commis aux renseignements, etc.

Indice: 65

Nombre de travailleurs: 69.025

Qu’est-ce qui ressort de ce palmarès? Plusieurs constats:

> Les métiers de la santé en zone rouge. Sans surprise, toutes les professions en lien avec la santé sont les plus vulnérables: médecins, pharmaciens, praticiens de médecine douce, optométristes, etc. D’ailleurs, dans le secteur de la santé lui-même, les quatre professions les plus à risque ont un indice de risque très élevé, qui dépasse les 80 points.

En conséquence, une vigilance toute particulière doit être apportée par le gouvernement Legault à ces professions-là. Les notes des deux chercheuses qui accompagnent leur outil le disent sans ambiguïté: «La fragilité de ce secteur est particulièrement préoccupante et soulève de nombreuses questions quant à la gestion de ses ressources humaines, soulignent-elles. Advenant la confirmation d’une deuxième vague, il sera crucial de mettre l’accent sur la continuité d’emploi des personnes qualifiées.»

> Les métiers des hôtels, des restaurants et des bars en zone orange foncé. Le secteur de l’hébergement et de la restauration a été l’un des plus touchés par les mesures de confinement du printemps dernier, avec des pertes d’emploi de plus de 50% entre février et avril 2020. La majorité des 129.000 emplois perdus dans le secteur ont été ceux de travailleurs à faible revenu, «ce qui est très préoccupant par rapport à ce qui s’en vient», soulignent Mmes Connolly et Haeck. Car, une fois de plus, ce secteur-là risque fort d’être frappé de plein fouet cet automne, selon les données de l’outil des deux chercheuses. «Restreindre prochainement les activités dans ce secteur sera certainement fort dommageable pour les restaurateurs et les hôteliers», indiquent-elles.

> Les métiers de la fabrication, de la construction, du commerce de gros et du transport en zone jaune. Nombre de secteurs d’activités devraient être relativement épargnés par la deuxième vague, en particulier les quatre suivants: la fabrication; la construction; le commerce de gros; le transport et l’entreposage.

«Le secteur de la fabrication a un poids important dans l’économie québécoise (14% du PIB et près de 500.000 emplois) et présente des risques de transmission virale relativement faibles. Comme il constitue un secteur clé pour la relance économique, le fermer lors de la deuxième vague n’est pas une option», indiquent les deux professeures de l’ESG-UQÀM.

Et d’ajouter : «Le commerce de gros, le transport et entreposage ainsi que la construction sont trois autres industries pour lesquelles les indices de risque sont également faibles. Leur fermeture ne réduirait vraisemblablement pas assez la transmission virale pour en justifier la fermeture lors de la deuxième vague».

Par ailleurs, certains facteurs peuvent affecter la relative immunité de certaines professions, si bien que certaines personnes oeuvrant dans un secteur a priori hors de danger risquent malgré tout de subir les contrecoups socioéconomiques du regain annoncé de la pandémie.

Un exemple frappant est celui d’une éventuelle fermeture des écoles… «Lors de la première vague, la fermeture des écoles a été un frein important à la poursuite du travail pour plusieurs professions, poursuivent-elles. Idem, des travailleurs pourront bientôt être démesurément affectés par de nouvelles fermetures d’école.»

C’est que le pourcentage de travailleurs avec des enfants d’âge primaire oscille entre 7,8% et 34,6%. Et parmi les professions dont 24% des travailleurs et plus ont des enfants d’âge primaire, on trouve une foule de métiers essentiels au bon fonctionnement de la société, dont les éducatrices de la petite enfance, les infirmières auxiliaires, les enseignants aux niveaux préscolaire, primaire et secondaire, les hygiénistes dentaires, les policiers, les gestionnaires des systèmes informatiques ainsi que les directeurs des ressources humaines.

Autrement dit, nombre de ces travailleurs risquent fort de devoir de nouveau conjuguer la scolarisation des enfants et la poursuite de leur activité professionnelle, ce qui – soyons honnêtes – ne donne pas les meilleurs résultats qui soient – ni pour les enfants ni pour les travailleurs. Si jamais l’opération devait se reproduire cet automne, cela représenterait «un frein important à la poursuite du travail pour plusieurs professions», un frein tel que nombre de travailleurs en viendraient à remettre en question l’un des deux enjeux: arrêter de faire à l’école à la maison pour pouvoir continuer de travailler, ou inversement arrêter de travailler pour assurer l’école à la maison.

Enfin, un autre exemple frappant est celui des conducteurs d’autobus… Il se trouve en effet que le tiers des conducteurs d’autobus ont plus de 60 ans, et que 42% d’entre eux habitent avec une personne âgée de plus de 60 ans. Ce qui signifie qu’en cas de confirmation de la deuxième vague, on pourrait voir nombre de trajets d’autobus carrément supprimés, faute de conducteurs disponibles. Et donc, assister à une désorganisation des transports en commun, en particulier dans le Grand Montréal.

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Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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