«Cinquante ans plus tard, le Stade olympique est à la croisée des chemins.» (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Je ne dois pas avoir été le seul surpris d’entendre la semaine dernière le premier ministre Legault se porter à la défense du Stade olympique. La plupart d’entre nous entretiennent une relation amour-haine avec l’emblématique œuvre — réputée être la plus haute tour inclinée au monde — de l’architecte français Roger Taillibert.
Le projet du stade prend vie dans les années 1960, avec la volonté du maire Jean Drapeau d’attirer une équipe de baseball professionnelle et de poser la candidature de Montréal comme ville hôte des Jeux olympiques de 1976.
La première pelletée de terre de ce projet pharaonique est donnée en avril 1973. Mais les problèmes apparaissent à peine quelques mois plus tard (fragilité du sol, complexité des structures, grèves, corruption, fraude, coût des matières premières, etc).
Face au chaos, à l’explosion des coûts, et à un retard mettant à risque même la tenue des Jeux, l’Assemblée nationale adopte la Loi constituant la Régie des installations olympiques (RIO), responsable que le stade soit prêt pour l’ouverture des JO. Les principaux travaux à l’exception de la tour et des aménagements extérieurs sont terminés à peine quelques jours avant la cérémonie d’ouverture.
En 1980, le rapport de la Commission d’enquête sur le coût de la 21e olympiade rend publics les coûts de construction du stade, alors encore incomplet. «Selon les données de la RIO au 31 octobre 1976, le Parc olympique [aurait] coûté 937 millions de dollars. Ce chiffre tient compte de la construction du Vélodrome, des piscines du Centre sportif, des 4 000 places de stationnement intérieur, du Village olympique et du viaduc Sherbrooke», indique le site du Parc olympique.
En 1987, 14 ans plus tard, la pose du toit rétractable et l’inauguration du funiculaire permettant de se rendre à l’observatoire au sommet de la tour marquent la fin des travaux.
Cinquante ans plus tard, le Stade olympique est à la croisée des chemins. Des investissements majeurs seraient nécessaires pour le garder à niveau, sans le remettre à neuf.
En toute franchise, écrire ces mots me rend triste, car je trouve le stade magnifique. Trônant fièrement au cœur de Montréal, il symbolise à mes yeux l’ambition et les visées internationales des Montréalais insufflées par Expo 67 et les JO de 1976. Et que dire du super complexe Espace pour la vie que j’adore visiter annuellement avec mes enfants.
Cependant, je ne crois pas qu’il faille faire l’autruche face à son avenir, et surtout à son utilité. Il faut avoir le courage de s’exprimer, de poser des questions, parfois difficiles, et surtout d’extraire toute émotion de la discussion.
Malgré une équipe menée par le passionné Michel Labrecque, PDG de la Régie des installations olympiques — il faut l’entendre parler du stade! — qui se bat corps et âme pour accomplir des miracles années après années, le manque de courage politique des dernières décennies, l’absence de vision et de volonté, combiné au sous-financement chronique ont mené le stade aux soins intensifs.
Maintenant que faire?
Maintenant que faire? Continuer à brûler annuellement des centaines de millions de deniers publics pour rapiécer ici et là les morceaux les plus à risques? Mettre en place un plan d’investissement massif permettant de répondre aux plus hautes exigences qu’offrent les stades les plus modernes, afin de pouvoir l’exploiter à sa juste valeur? Ou tout simplement le démolir et tourner une triste page de notre Histoire?
Nous devons prendre une décision. Presque un demi-siècle de statu quo a démontré à quel point l’inaction coûte cher, à quel point remettre à demain n’est pas une stratégie gagnante, à quel point il faut avoir le courage de trancher.
Pour ma part, la décision serait simple: nous devons investir massivement pour moderniser le stade et enfin, lui donner l’utilité dont on a tant besoin. Montréal ne peut pas vouloir se positionner comme une grande ville internationale sans avoir les moyens de ses ambitions.
Le stade pourrait très bien recevoir les congrès d’affaires de grande envergure que le Palais des Congrès doit refuser assez souvent par manque d’espace. Moderniser le stade, ce serait aussi réinventer un quartier, faire de celui-ci une destination de choix, pas une option par défaut.
Est-ce normal qu’aucun spectacle d’envergure n’a été donné en son enceinte entre 2015 et 2023; que même si une équipe de baseball revenait par intervention divine à Montréal, elle ne voudrait rien savoir d’y établir domicile ; ou que nous sommes encore en pleine tergiversation sur le fait d’hiverner ou non le stade dans une ville où l’hiver règne six mois par année?
Bien qu’une incertitude économique plane sur le Québec et que le timing de ramener le stade à l’avant-plan est discutable, l’intervention du premier ministre permet au moins d’ouvrir, une fois de plus le débat. Espérons seulement que celui-ci ne s’éternisera pas pour les 50 prochaines années.
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