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Jean-Paul Gagné

Droit au but

Jean-Paul Gagné

Analyse de la rédaction

Accès au logement et à la propriété: il faut passer à l’action

Jean-Paul Gagné|Édition de la mi‑novembre 2022

Accès au logement et à la propriété: il faut passer à l’action

Au deuxième trimestre de 2022, le coût moyen d’une hypothèque atteignait 34 % du revenu disponible des ménages dans la région de Montréal, comparativement à 24 % en 2019 et à 20 % en 2016. (Photo: 123RF)

CHRONIQUE. Les gouvernements ont la fâcheuse habitude de procrastiner, attendant souvent de frapper un mur avant d’agir. La crise qui ne cesse d’empirer dans le secteur du logement abordable et social fournit une occasion de démontrer qu’on peut agir résolument s’il existe une volonté de passer à l’action.

Le premier gouvernement Legault a fait construire environ 5000 logements abordables et sociaux financés par Accès-Logis, lesquels avaient été promis avant son élection. Par contre, il a conclu avec la Ville de Montréal des ententes de financement de 46 millions de dollars (M$) en 2020, de 79 M$ en 2021 et de 30 M$ en 2022 dans l’espoir de faire démarrer la construction de logements promis avant 2017. Malheureusement, le processus de financement d’AccèsLogis est tellement lent que les sommes prévues se révèlent souvent insuffisantes lorsque vient le temps de réaliser les projets à cause de l’inflation des coûts de construction. D’où les nombreux reports dans les mises en chantier.

Une nouvelle ministre de l’Habitation a été nommée, soit France-Élaine Duranceau, qui était courtière en immobilier commercial. L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) a demandé au gouvernement de livrer en 100 jours un programme de construction de 100 000 logements. C’est une grosse commande, mais c’est au moins un objectif à considérer. On verra si Mme Duranceau verra la situation différemment de sa prédécesseure, qui s’appuyait sur ses « amis courtiers » pour ne pas intervenir.

La crise de l’habitation est bien réelle. Alors qu’il y a de graves pénuries de logements abordables partout, la situation est critique également dans le marché immobilier, avec une explosion des prix des maisons dans certaines régions (Montréal, Estrie, Laurentides). Pour les nouveaux propriétaires qui ont payé le gros prix en 2021 et 2022 et qui ont financé leur achat avec un prêt à taux variable, le risque de perdre leur maison est très élevé. En plus d’appauvrir des milliers de familles, cette situation fera baisser le taux de propriété, qui était de 59,9 % au Québec en 2021, comparativement à 61,3 % en 2016. Les taux de propriété étaient de 66,5 % et de 68,4 % respectivement Ontario et au Canada en 2021.

Au deuxième trimestre de 2022, le coût moyen d’une hypothèque atteignait 34 % du revenu disponible des ménages dans la région de Montréal, comparativement à 24 % en 2019 et à 20 % en 2016.

Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), il faudrait construire au pays 3,5 millions de logements de plus que ce qui est déjà prévu d’ici 2030 pour « rétablir l’abordabilité ». Pour le Québec, c’est une commande de 1,13 million de logements, soit 620 000 de plus que ce qui était projeté. Selon la SCHL, c’est la forte croissance de l’offre de logements qui va faire baisser les prix et retrouver un équilibre.

En Ontario, le gouvernement Ford a pris le taureau par les cornes. Il vient d’annoncer un programme de construction de 1,5 million de logements en dix ans et plusieurs mesures d’appui. Québec pourrait s’en inspirer.

 

Des solutions

Le gouvernement Legault a accordé aux villes un droit de préemption, soit la possibilité d’acquérir un terrain ou un bâtiment sur lequel un promoteur privé a déjà fait une offre d’achat. Une ville peut ainsi éviter la procédure d’expropriation, qui est longue et coûteuse.

Les municipalités pourraient être plus actives sur le plan du zonage pour faciliter la densification, par exemple en favorisant davantage la construction en hauteur, en permettant la construction d’un logement dans le sous-sol d’une maison ou même dans la cour d’une propriété si l’espace le permet et en augmentant la taxe foncière sur les terrains vacants pour les rendre plus accessibles.

La densification permet des économies sur les coûts d’infrastructures et pour les résidents si celle-ci est faite intelligemment, notamment en prévoyant des espaces verts et des services de proximité (alimentation, pharmacie, école, etc.) pour réduire les déplacements en automobile. Selon une étude de Hemson Consulting réalisée pour la ville d’Ottawa, la construction résidentielle à faible densité sur des terrains non aménagés coûte plus cher en services municipaux que les taxes perçues sur une base par habitant. À l’inverse, la construction d’immeubles à haute densité sur des terrains développés rapporte plus en taxes que les coûts des services fournis.

Évidemment, certaines mesures qui sont du ressort des villes nécessiteraient des compensations financières des ordres de gouvernement supérieurs. C’est le cas notamment pour l’abolition de la taxe de bienvenue et de la réduction de la TPS et de la TVQ sur l’achat d’une première maison.

François Legault veut réduire l’écart de richesse entre les Québécois et les Ontariens. Il pourrait aussi se donner un objectif équivalent pour le taux de propriété d’une maison, sachant que celle-ci est devenue un très important facteur d’enrichissement pour un ménage.

C’est même à se demander si le fait d’être propriétaire ou non d’une maison n’est pas devenu le principal différenciateur du degré de richesse des ménages. Ce n’est pas sans raison que bien des parents se demandent si leurs enfants pourront un jour devenir propriétaires sans une aide financière de leur part. C’est préoccupant.

 

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J’aime

Le Bureau de la concurrence est insatisfait de l’entente de fusion entre Rogers Communications et Shaw Communications. Rogers a fait une offre de 26 milliards de dollars pour acquérir Shaw. Pour faciliter la transaction, Shaw a accepté de revendre sa filiale de téléphonie cellulaire, Freedom Mobile, à Vidéotron, mais le chien de garde de la concurrence estime que ce n’est pas suffisant et que la fusion des deux câblodistributeurs pourrait entraîner des prix plus élevés et une baisse de la qualité du service. Si Rogers et Shaw n’arrivent pas à prouver que la fusion sera à l’avantage des consommateurs, la transaction pourrait être rejetée.

 

Je n’aime pas 

Le déménagement à Miami de certains postes de cadres supérieurs de Saputo et même de l’adjointe exécutive de son président et chef de la direction, Lino Saputo fils, indique une érosion du centre de décision de cette importante société québécoise. Ce glissement vers la Floride étonne d’autant plus que Saputo n’y a aucune usine. Aucune explication n’a été donnée. Serait-ce à cause de l’impôt sur les hauts revenus, qui sont moins taxés en Floride ? Serait-ce à cause du projet de loi 96 qui restreint l’usage de l’anglais dans les sièges sociaux ? Sauf erreur, aucun commentaire n’a émané du gouvernement Legault.