(Photo: 123RF)
À VOS AFFAIRES. Alors que le gouvernement fédéral se targue d’aider les jeunes à devenir propriétaires, notamment par la création du compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP) à compter de 2023, il aurait peut-être intérêt à revoir au moins une règle. Surtout si elle se perpétue avec le CELIAPP.
Je m’entretenais récemment avec une dame (appelons-la Louise) qui a décidé d’aider sa fille à acquérir une première propriété. Louise est technicienne comptable, elle est donc habituée à jongler avec la fiscalité et les chiffres. Elle a fait plusieurs calculs pour son plan de match qui, s’il avait pu être mené à terme, aurait frisé la perfection.
Le principe est simple.
Elle fait un don en argent ainsi qu’un prêt — provenant de sa propre marge de crédit hypothécaire — à sa fille et à son gendre pour qu’ils puissent:
1. Faire une mise de fonds sur la maison envisagée
2. Cotiser à leur REER respectif dans une institution financière et dans un fonds de travailleurs
En profitant du régime d’accession à la propriété (RAP), ils retireraient les cotisations faites et bénéficieraient des avantages fiscaux des cotisations afin de repayer la marge de Maman et de payer les «à-côtés», tels que les frais de notaire, les frais de mutation et quelques rénovations mineures.
Louise a tout calculé et… ça marche. Ça passe serré, mais ça fonctionne.
Afin que les sommes accumulées dans un REER soient admissibles au RAP, elles doivent être déposées pendant au moins 90 jours avant d’être retirées. Louise en était très au fait. Pendant cette période d’«attente», les jeunes tourtereaux ont magasiné leur petit nid d’amour.
Ils l’ont finalement trouvé. C’est alors la course à l’offre d’achat. Souvenons-nous qu’avant la hausse des taux, on a vécu une période de frénésie sur le marché immobilier et il fallait souvent faire vite…
Tout s’orchestre pour passer chez le notaire et faire la mise de fonds avec le don de Maman. Les sommes cotisées aux REER avec son prêt ne peuvent pas encore être retirées parce que la période de 90 jours n’est pas écoulée.
C’est là le problème… Il existe une autre règle du RAP qui dit que l’argent doit être retiré d’un REER au plus tard 30 jours après la prise de possession de la maison. Or Louise ignorait cette règle, ayant ellemême profité du RAP il y a 25 ans et n’ayant jamais été ennuyée par celle-ci.
Or, la fin de la période de 90 jours avait dépassé la date limite de 30 jours après la prise de possession. Louise avait tout calculé, mais ignorait ce détail.
Le fonds de travailleurs ayant refusé de considérer ces sommes pour le RAP, elles sont donc «immobilisées»pendant au moins une trentaine d’années. Certes, la fille de Louise et son conjoint profiteront des avantages fiscaux spectaculaires de leurs cotisations à un REER de travailleurs, mais ils ne pourront rembourser son prêt avec la cotisation elle-même… Ça augmente leur fardeau et leur stress.
Bien que les sommes retirées d’un REER dans le cadre du RAP puissent servir à payer n’importe quoi (pas nécessairement une mise de fonds), cette règle de 30 jours peut parfois limiter grandement ce «n’importe quoi». Pourquoi ?
D’après mes calculs, le moment financièrement optimal pour faire l’achat d’une propriété est généralement lorsque la mise de fonds atteint 20 %. Pas plus (pour ne pas payer trop de loyer) et pas moins (pour éviter les frais de la SCHL).
Mais aujourd’hui, avec les taux d’intérêt plus élevés qui augmentent passablement les versements hypothécaires, il peut être très difficile pour un jeune couple de devenir propriétaire.
Assurez-vous, dans tous les cas, de connaître toutes les règles, même les moins sensées. Sinon… stress en vue !