BUDGET QUÉBEC 2019. Le scribe qu’on enferme une journée dans un huis clos budgétaire sans la possibilité de communiquer avec l’extérieur, c’est un peu comme lui demander de retenir son souffle longtemps longtemps. C’est une épreuve à laquelle il se prête de bonne grâce en échange d’un p’tit os. Il veut des surprises.
Il n’a pas été gâté cette année. Du moins celui qui comme moi se concentre sur les annonces visant les particuliers. Ah! Il y a bien du concret, mais rien de gros qui n’était pas anticipé. Je vous dirais même que ce pourrait être un peu décevant en comparaison de ce que laissait présager la fanfare qui paradait à la fin de l’année dernière.
Le gouvernement caquiste entreprend traaaaanquillement l’abolition des contributions additionnelles pour frais de garde et l’uniformisation de la taxe scolaire. Il entend compléter la première promesse d’ici la fin de son mandat, en 2022, et la seconde, en trois ans.
Le ministre des Finances Eric Girard a aussi annoncé une bonification du crédit pour travailleur d’expérience (rebaptisé «crédit d’impôt pour prolongation de carrière») et le renouvellement du programme Roulez Vert. Soulignons que le crédit d’impôt à la rénovation RénoVert a connu un sort différent : il est mort.
Au total, les mesures destinées aux particuliers présentées dans ce budget représentent une dépense de plus de 530 M$ (à laquelle s’ajoutent 358 M$ déjà annoncés lors du point économique de l’automne).
D’abord, la contribution additionnelle pour frais de garde. Ne vous emballez pas trop vite, bien des jeunes parents ne goûteront jamais à la garderie à prix unique, leur bambin pourrait bien avoir quitté le service de garde pour l’école (la maternelle quatre ans?) avant que le tarif modulé ne soit totalement aboli, et pour autant que cela se réalise comme promis. Cette année, de surcroît, l’allègement semble bien modeste: 70 cennes par jour.
Les parents qui envoient leurs enfants dans un service de garde subventionné paient 8,25$ par jour par enfant en plus d’une contribution additionnelle. Celle-ci est payable lors de la production de la déclaration de revenus, au printemps de l’année suivante. Elle varie en fonction du revenu du ménage, de 0,70$ à 13,90$ par jour pour le premier enfant, la moitié de cela pour le deuxième et tombe à zéro à partir du troisième.
Pour l’année 2019, le gouvernement de la CAQ se contente de réduire de 0,70$ ce supplément pour tous les parents concernés.
Les ménages dont les revenus se situent entre 52 200$ et 78 800$, soit ceux qui versaient la contribution supplémentaire minimum, sont donc délestés de cette facture. Selon les chiffres avancés par Ottawa, cela représente quelque 40 000 familles.
Pour les autres, il faudra attendre. En 2020, tous les ménages avec moins de 108 000$ de revenu paieront seulement le tarif unique, puis en 2021, cela inclura les familles qui gagnent moins de 140 000$ et enfin, l’année suivante, tous les parents de jeunes enfants, qu’importe leur situation économique.
Précisons que chaque année, la contribution supplémentaire est réduite pour tous les parents qui doivent encore la payer. Le coût maximal par enfant, excluant le tarif de base, passe de 13,90$ à 13,20$ cette année, puis à 8,80$ en 2020 et à 4,40$ en 2021 pour disparaître en 2022.
D’ici cinq ans, cela représentera 687 M$ de plus dans les poches des parents. En 2022, les ménages qui génèrent 170 000$ et plus de revenus, ultimement les plus favorisés par cette mesure, épargneront 3600$ de frais de garde pour le premier enfant.
Cette année, l’économie de tous les jeunes parents réunis s’élèvera à 42 M$, ou 182 $ pour chaque famille avec un enfant. C’est vous dire qu’il reste du chemin à faire avant de retrouver le tarif unique de frais de garde.
Ce n’est pas la seule politique que le gouvernement applique de manière progressive. C’est aussi le cas de l’uniformisation de la taxe scolaire, ou la CAQ avance plus énergiquement, mais non sans risque de s’enfarger.
L’objectif du gouvernement est d’arriver à la taxe scolaire harmonisée dans trois ans. Cette mesure coûte dès cette année 200 M$ aux finances publiques, et devrait à terme représenter un coût annuel de 800 M$, ce qui n’est pas projeté correctement dans le document budgétaire. Ce chapitre paraît brouillon, l’atteinte de l’objectif repose sur une forte progression des entrées fiscales, comme bien des éléments de ce budget.
Si Québec parvient à uniformiser la taxe scolaire comme prévu, ce pourrait représenter un soulagement financier perceptible pour bien des propriétaires. En Mauricie, par exemple, celui qui détient une résidence de 270 000$ verra ses taxes scolaires réduites de 500$ par année. L’économie varie d’une région à l’autre, en fonction de la lourdeur fiscale actuelle avec laquelle doivent composer les propriétaires immobiliers. Dans les Laurentides où les taxes sont déjà peu élevées, les propriétaires ne gagneront rien de cette mesure.
En campagne électorale, François Legault avait promis une somme additionnelle de 1200$ en allocations parentales pour chaque enfant. À l’automne, au moment de la mise à jour économique de son gouvernement, le chef caquiste a annoncé une allocation famille qui correspondait à une aide supplémentaire de 500$ pour les deuxième et troisième enfants. Le budget ne fait aucune mention de la différence entre ce qui a été promis et ce qui a été livré.
La pression risque de monter sur le gouvernement à mesure qu’il progressera dans son mandat. On ne peut lui reprocher d’y aller par étape, on peut seulement constater que le plus gros des promesses reste à livrer, et que leur réalisation complète repose sur beaucoup d’optimisme.