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Sylvie Cloutier

La face cachée de votre assiette

Sylvie Cloutier

Expert(e) invité(e)

Alimentation: des marges anémiques pour les fournisseurs

Sylvie Cloutier|Publié le 09 février 2023

Alimentation: des marges anémiques pour les fournisseurs

Tandis que les marges des détaillants alimentaires sont stables et que leurs profits ont connu de belles performances (due à une foule de facteurs), notamment depuis le début de la pandémie, les marges bénéficiaires des fabricants d’aliments et de boissons sont en baisse en 2022 après des années de relative stabilité. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. L’inflation alimentaire est préoccupante depuis plusieurs mois. Ces dernières semaines, quelques grands détaillants alimentaires annonçaient qu’après un gel des prix entre le 1er novembre et le 1er février pour leurs fournisseurs, de nouvelles augmentations étaient à prévoir pour les consommateurs.

C’est mathématique: ce gel des prix pour les fournisseurs des détaillants a des conséquences directes sur leurs marges bénéficiaires. Or, ce sont justement ces marges qui leur permettent d’investir dans de nouveaux produits et en innovation.

Tandis que les marges des détaillants alimentaires sont stables et que leurs profits ont connu de belles performances (due à une foule de facteurs), notamment depuis le début de la pandémie, les marges bénéficiaires des fabricants d’aliments et de boissons sont en baisse en 2022 après des années de relative stabilité.

Comme si l’augmentation des coûts sur tous les biens et services à l’échelle mondiale n’affecte pas aussi le secteur des fabricants d’aliments et de boissons!

On ne peut pas demander à un secteur manufacturier d’absorber seul les hausses successives des coûts sans que les entreprises de ce secteur en ressentent les revers financiers.

 

Un portrait réaliste

En 2022, la situation a été encore plus difficile qu’elle ne l’était en 2020, en pleine pandémie.

Et pour cause.

En 2022, après trois trimestres, les marges des transformateurs alimentaires (les entreprises qui garnissent les tablettes des épiceries) ont baissé de 6 % par rapport à 2021 et 2019, et à des niveaux inférieurs à la situation de 2020 alors que l’économie était étranglée par la COVID-19.

Bien qu’elle ne soit pas nouvelle, cette situation est exacerbée par la présente conjoncture économique marquée par plusieurs facteurs.

On parle ici de la rareté de main-d’œuvre, de l’augmentation des taux d’intérêt, de la hausse du coût des intrants et de la faiblesse du dollar canadien.

C’est sans parler de la perturbation des chaînes d’approvisionnement, qui freine les investissements, retarde les livraisons et implique des coûts opérationnels plus élevés.

L’aperçu de la situation macroéconomique au quatrième trimestre de 2022, présenté par Financement agricole Canada (FAC),confirme l’évaluation de la situation présentée dans l’énoncé économique de décembre 2022 par la ministre Freeland.

Pour l’année 2023, les économies du Canada et du Québec vont ralentir et possiblement subir une décroissance au cours des premiers trimestres.

L’inflation globale demeure élevée, particulièrement l’IPC pour l’alimentation qui dépasse largement la barre du 10 %.

Dans ces conditions, les taux d’intérêt vont fort probablement demeurer élevés jusqu’à la fin de 2023. Cela aura un impact direct sur les marges des entreprises et sur leur capacité à investir et à innover.

 

Des modifications aux habitudes de consommation

Sans avoir de boule de cristal, nous savons que les consommateurs sont inquiets par les hausses des prix des produits de consommation courante et avec raison: 2023 ne sera pas une année plus facile.

Une étude récente de NielsenIQ révèle que les consommateurs québécois se tourneront davantage vers les magasins à escompte à la recherche de meilleurs prix. Les marques privées des détaillants connaissent aussi des hausses ainsi que les ventes de produits alimentaires en ligne.

Cette spirale aura un effet pervers sur les entreprises alimentaires d’ici, sur nos objectifs d’autonomie alimentaire et sur toute l’économie québécoise.

Le secteur de la transformation alimentaire est un pilier solide dans l’économie d’ici avec des livraisons manufacturières dépassant les 33,4 G$ annuels (2021), soit 18 % du secteur manufacturier québécois.

 

Une industrie constituée de PME

L’industrie alimentaire québécoise est constituée très majoritairement de petites et moyennes entreprises. Les fluctuations de leurs marges peuvent donc faire une grande différence dans leur processus d’affaires.

En dépit d’une économie qui ralentit, l’industrie de la transformation alimentaire est un secteur manufacturier qui demeure stable même en période de turbulence. La raison est simple: l’aliment est essentiel à la vie et les gens doivent manger.

C’est pourquoi les entrepreneurs et les investisseurs peuvent – et doivent ! – investir davantage en innovation et élaborer des stratégies de développement à plus long terme.

L’année 2023 s’annonce rude pour plusieurs secteurs.

La fluidité des chaînes d’approvisionnement et la stabilisation des prix des intrants sur les marchés mondiaux demeurent donc la clé de voûte du secteur alimentaire.

Une situation qui engendrera une plus grande prévisibilité des coûts pour tous les maillons de la chaîne.

Et les consommateurs.

Souhaitons un retour rapide de ces conditions gagnantes pour tous.