Antoine Amiel, président et chef de la direction du Groupe Vision New Look (Photo: Martin Flamand)
CHAPEAU LES PDG: MOYENNE ENTREPRISE. Antoine Amiel est un homme qui ne laisse rien au hasard. Chaque fois que le Groupe Vision New Look songe à faire une acquisition, son président et chef de la direction visite incognito les magasins de la candidate potentielle pour s’assurer que la philosophie de gestion est compatible avec sa vision stratégique très décentralisée.
C’est ce qu’il a fait dès 2013 lors de la toute première acquisition de l’entreprise. La PME québécoise zieutait alors Vogue Optical, un leader dans la vente de produits d’optiques, qui exploitait 65 succursales principalement situées dans les Maritimes. «Je suis allé voir tous les magasins de l’entreprise dans les provinces de l’Atlantique. Tous !» assure en entrevue celui qui a grandi en France et qui a notamment travaillé chez le géant de l’optique Nikkon-Essilor (en Asie et en Europe) avant de se joindre à Groupe Vision New Look, en 2012, à titre de viceprésident du conseil.
Antoine Amiel a répété ce modus operandi quand la PME a jeté son dévolu sur l’ontarienne Forward Vision Group (en 2016), la québécoise IRIS (en 2017) ou l’américaine Edward Beiner (en 2019), un fabricant de lunettes de luxe. «On n’acquiert pas des magasins que je n’ai pas visités», explique le patron de l’entreprise qui vend surtout des lunettes avec ou sans ordonnance (85 % de son chiffre d’affaires) ainsi que des lentilles cornéennes.
Antoine Amiel a même visité incognito le siège social de la start-up californienne Topology avant de faire une offre de partenariat à ce fabricant de lunettes sur mesure de San Francisco, en 2019. Sa technologie permet de faire et d’ajuster des lunettes à distance (un game changer durant la pandémie), et Groupe Vision New Look a l’exclusivité pour la vente des produits Topology au Canada.
Des acquisitions bien réfléchies
Si ce modus operandi de démarchage sur le terrain du patron de Groupe Vision New Look peut faire sourire, il procure des avantages stratégiques et concurrentiels indéniables à la PME montréalaise. Comme Groupe Vision New Look a une gestion des opérations très décentralisée (les sociétés acquises gardent leur nom, leur marque, leur culture et leurs dirigeants), cette approche minutieuse permet de dénicher les perles rares et de s’assurer d’un mariage pratiquement parfait.
«Nous n’avons jamais perdu un dirigeant d’une entreprise que nous avons acquise», souligne avec fierté Antoine Amiel, en précisant que les rares dirigeants qui ont quitté le navire sont tous simplement partis à la retraite. Bref, ils n’ont pas divorcé de Groupe Vision New Look.
La société montréalaise fait certes des acquisitions d’entreprises, grandes et petites, mais elle acquiert avant tout des gens, de l’expertise et des valeurs, et non pas des revenus et une clientèle, précise l’entrepreneur.
«À plusieurs reprises, on n’a pas fait d’acquisition même si c’était une très belle business, soit parce qu’il n’y avait pas d’équipe et pas de symbiose possible, soit parce qu’il y avait une équipe avec laquelle la symbiose semblait difficile.»
Par conséquent, une fois que Groupe Vision New Look a acheté une entreprise avec la bonne équipe, elle peut la laisser sans souci gérer ses affaires comme bon lui semble. «Le siège social à Montréal est une entité de soutien, insiste-t-il. Nos entités d’affaires sauront toujours mieux que nous comment faire leur business sur leur propre marché.»
Cette stratégie d’acquisition et de décentralisation est gagnante. De 2012 à 2020, les revenus de Groupe Vision New Look sont passés de 82,3 à 274,7 millions de dollars (M$). En raison de la COVID-19, les revenus devraient atteindre près de 400 M$en 2021, avec un bénéfice avant intérêt, impôts et amortissement (BAIIA) de 100 M$, selon Antoine Amiel.
La croissance de ses revenus, sans parler de son innovation, fait partie des facteurs qui ont permis à Groupe Vision New Look de se distinguer auprès du jury indépendant de Les Affaires.
Multiplier la clientèle par 10
Le patron de Groupe Vision New Look n’est pas seulement minutieux, il est aussi très ambitieux. La PME compte actuellement près d’un million de clients en Amérique du Nord. À long terme, Antoine Amiel veut porter ce nombre à 10 millions en faisant de nouvelles acquisitions. Dans les cinq prochaines années, Groupe Vision New Look les réalisera en Amérique du Nord, à commencer par les États-Unis.
En mai, l’entreprise a quitté la Bourse. Elle a aussi choisi de nouveaux investisseurs dans sa structure à capital fermé, dont FFL Partners, un investisseur à court terme (de quatre à cinq ans) de San Francisco qui connaît bien l’industrie de l’optique. «C’est un investisseur à court terme qui nous apporte de l’expertise aux États-Unis», souligne Antoine Amiel, en précisant que cet investisseur a été choisi minutieusement afin de développer le marché américain.
La prochaine étape sera d’attaquer le marché mondial. À ce moment-là, Groupe Vision New Look pourra s’appuyer sur la Caisse de dépôt et placement du Québec — un actionnaire lorsqu’elle était inscrite en Bourse, et qui est à nouveau un actionnaire clé dans la nouvelle société à capital fermée — pour l’aider notamment à dénicher de nouvelles acquisitions potentielles.
Encore une fois, Antoine Amiel ne cherchera pas des marchés géogra-phiques (par exemple, la Chine) ou des entreprises affichant une forte en croissance pour atteindre sa cible de 10 millions de clients.
Comme depuis 2013, les gens seront plutôt la clé du succès, insiste-t-il. «On trouvera ces clients là où ils sont déjà servis par une équipe extraordinaire. Ça peut être en Belgique, ça peut être au Cameroun ou ça peut être en Argentine.»
Grandes réalisations en 2021
- Groupe Vision New Look a embauché environ 200 personnes depuis le 1er janvier g Pour les 12 mois terminés le 27 mars (la société a fermé son capital et quitté la Bourse ce printemps), ses revenus étaient en hausse de 27,3 %.
- En juin, la bannière IRIS (propriété du Groupe Vision New Look) a conclu un accord avec la canadienne Diagnos pour utiliser l’intelligence artificielle dans l’analyse des images rétiniennes.
- En septembre, elle a conclu un partenariat stratégique avec l’américaine Black Optical, leader dans l’optique de luxe et la lunetterie aux États-Unis.