Apprendre la gestion en côtoyant l’intelligence artificielle
Anne-Marie Tremblay|Édition d'août 2019Les Creative Destruction Lab tentent de façonner un éco- système autour des start-up en regroupant l’expertise pour qu’elles atteignent leur vitesse de croisière rapidement. (Photo : 123RF)
FORMATION MBA CADRES ET DIRIGEANTS. Au Creative Destruction Lab de Montréal (CDL-Montréal), des étudiants au MBA de HEC Montréal, triés sur le volet, sont jumelés avec des entreprises en démarrage dans le domaine de l’intelligence artificielle. C’est le cas de Rahel Haile, qui y a travaillé avec Deepen AI et InVivo AI. «Cela m’a permis d’avoir un accès privilégié au monde du capital de risque et des start-up. J’ai vraiment pu voir un côté un peu plus secret de ces entreprises, qui dévoilent rarement les détails de leur modèle d’affaires et leur stratégie.»
Voilà l’un des objectifs de ce programme d’accélération destiné aux entreprises en technologies à fort potentiel lancé en 2012 par la Rotman School of Management de l’Université de Toronto. «L’idée derrière CDL- Montréal était de voir comment nous pouvons créer des entreprises de haute technologie de taille significative partout au Canada», explique Louis Hébert, directeur du programme de MBA à HEC Montréal et codirecteur pédagogique du programme EMBA McGill – HEC Montréal. Le concept s’est ensuite implanté dans différentes villes du pays, et chaque laboratoire se concentre sur certains domaines. La version montréalaise du CDL, lancée fin 2017, se spécialise en intelligence artificielle et en chaînes d’approvisionnement.
Concrètement, les CDL tentent de façonner un écosystème autour des start-up en regroupant toute l’expertise nécessaire pour les aider à atteindre leur vitesse de croisière plus rapidement. «Au Canada, nous n’avons pas de déficit de financement ou d’innovation. Ce qui manque aux entrepreneurs, c’est l’opinion d’experts sur ce qu’ils font, fait valoir Claudia Loutfi, responsable des communications au CDL-Montréal. C’est ce que notre programme permet de combler, en réunissant dans une même salle autant des scientifiques que des universitaires et des responsables de fonds en capital de risque, tels Louis Têtu [de Coveo], Hélène Desmarais [responsable de plusieurs organismes en intelligence artificielle] et le chercheur Yoshua Bengio.»
Quant aux étudiants au MBA, ils appuient les entreprises tout au long de leur parcours. Une façon de combler les manques de plusieurs jeunes pousses, propulsées par une idée novatrice, estime précise M. Hébert. «Les scientifiques à la tête de ces entreprises ne sont pas nécessairement des gens d’affaires, mais plutôt des experts de leur domaine. Ils ont donc besoin d’un coup de main en gestion, en stratégie, en marketing.»
Passer à la prochaine étape
L’an dernier, le CDL- Montréal a reçu 260 candidatures de start-up provenant parfois d’aussi loin que l’Inde. Seules 50 ont été acceptées au sein du programme de neuf mois. Durant cette période, les entreprises sont conviées à quatre séances de travail durant lesquelles différents experts les conseillent et leur fixent des objectifs. Les atteindre est une condition sine qua non pour passer à la prochaine étape. À la fin, toutes les start-up du pays qui terminent leur parcours avec succès se rencontrent à Toronto.
«Les entreprises peuvent utiliser les connaissances des étudiants au MBA pour atteindre les objectifs établis par leurs mentors. Nous sommes vraiment là pour les épauler, les aider à y arriver», indique Mme Haile. Pendant ses études, cette dernière a pu travailler avec deux entreprises qui utilisent l’intelligence artificielle, Deepen AI et InVivo AI, respectivement spécialisées dans la conduite autonome et la pharmacologie. «Ce sont des entrepreneurs qui excellent dans leur domaine, note-t-elle, mais qui héritent de toutes sortes d’autres dossiers à gérer.»
La jeune femme, déjà diplômée en actuariat, a ainsi fait appel à ses connaissances en ressources humaines pour rédiger un guide afin de les aider à attirer les meilleurs talents. «J’ai préparé un état des lieux sur la rémunération par programme d’option d’achat d’actions et sur les stratégies d’embauche qui existent dans les start-up, détaille-t-elle. Cela leur permet de savoir ce qui se fait et de réfléchir à certaines pratiques. C’est vraiment utile, parce qu’elles n’ont pas les moyens de se payer le travail d’un grand cabinet.»
Le CDL-Montréal constitue un lieu d’apprentissage, tant pour les entreprises que pour les étudiants au MBA, résume Mme Loutfi. «L’objectif est de les éveiller à l’entrepreneuriat, de leur donner envie de s’impliquer dans cet écosystème, et même de lancer leur propre entreprise. Sans compter que plusieurs terminent le programme en intégrant la start-up avec qui ils ont travaillé.»
Mme Haile a plutôt été nommée associée chez Rio Investment Partners, un nouveau fonds de capital de risque axé sur l’innovation en agroalimentaire, quelque mois après avoir obtenu son MBA, mais son passage à CDL-Montréal y est certainement pour quelque chose.