Apprendre l’importance de la prise de risques grâce aux asticots
Catherine Charron|Publié le 30 août 2023«J’ai développé des trucs que je ne pensais jamais être capable de faire», se remémore Nathalie Palladitcheff près de quarante ans plus tard. (Photo: courtoisie)
LA PREMIÈRE JOB DU BOSS. Lorsque Nathalie Palladitcheff a mis les pieds pour la première fois dans la boutique de pêche et de chasse de sa tante et de son oncle en Bourgogne, la citadine de 16 ans qu’elle était alors ne connaissait strictement rien de ces activités extérieures.
«Ça me sortait de ma zone de confort, raconte-t-elle, encore surprise d’avoir vécu une telle première expérience. Ils m’ont proposé de venir passer l’été avec eux pour me donner une idée de ce que ça voulait dire de travailler, de gagner mon propre argent et de faire quelque chose de bien différent des études vers lesquelles je m’orientais.»
Carburant déjà à la nouveauté, aux changements et aux défis, celle qui deviendra PDG d’Ivanhoé Cambridge s’est appliquée à bien connaître sa marchandise afin d’offrir un service digne des attentes de sa clientèle.
N’empêche qu’au début, elle éprouvait une petite crainte de proposer autre chose à ses clients, essentiellement des hommes férus de chasse et de pêche, lorsqu’elle n’avait pas en stock l’item précis recherché, avoue-t-elle quarante ans plus tard. «C’est peut-être d’ailleurs ce qui m’a permis lorsque je suis rentrée en finance et en immobilier de m’en sortir, car le milieu était là aussi très masculin», suppose-t-elle.
Nathalie Palladitcheff était autant responsable de s’assurer que la caisse balance que de préparer de petites boîtes de vers de vase et d’asticots vendues aux pêcheurs. Au début, dégoûtée, elle ne pouvait se résigner à prendre soin de ces insectes. Encouragée par la bienveillance de son oncle et de sa tante, elle s’y est toutefois résolue. «À la fin, je faisais pratiquement ça de manière naturelle. J’ai développé des trucs que je ne pensais jamais être capable de faire.»
Cette première expérience de travail est ce qui lui aura donné le goût de l’indépendance, estime-t-elle aujourd’hui. Elle se souvient d’ailleurs encore très bien du sentiment de fierté qu’elle a éprouvé lorsqu’à la réception de sa première paie pour laquelle elle avait durement bossé, elle s’était procuré un «peignoir blanc avec un petit liseré doré».
La soif qu’elle s’est alors découverte est le même «moteur» qui lui permettra bien des années plus tard de «faire des choses qui lui donneront les moyens de réaliser ses ambitions, les moyens de mener la vie que je souhaitais.»
En travaillant dans la boutique, elle a développé de nombreuses compétences et une polyvalence qui lui servent encore aujourd’hui. «Ma force, ça a été ça, tout au long de ma carrière, de conjuguer plusieurs types de savoir-faire dans le cadre d’une mission, comme l’intelligence émotionnelle et quelque chose de plus rationnel.»
Il n’y a pas de rendement sans risque
Être «repoussée dans ses retranchements» devant les asticots, par exemple, aura permis à Nathalie Palladitcheff d’apprécier le rendement obtenu à la suite de la prise de risques, un phénomène qu’elle observe encore aujourd’hui dans le milieu de la finance.
Elle encourage d’ailleurs les jeunes qui commencent à travailler à se laisser surprendre par les occasions qui s’offriront à eux, plutôt que de tenter de tracer le chemin que devra emprunter leur carrière.
«Quand on essaye de tout planifier, c’est plus une source d’insatisfaction et de frustration qu’une source de satisfaction. Dans la vie, rien ne se passe comme on l’anticipe. Et si l’on est trop arrêté sur un plan, c’est la garantie qu’on va rater des choses, il y a plein d’opportunités que vous n’aurez pas eues.»