ARCHITECTURE. Réemploi des bâtiments, récupération et réutilisation des matériaux : l’architecture circulaire s’active à sauver la planète, un bâtiment (de moins) à la fois. Le mouvement demeure néanmoins embryonnaire au Québec. Les Affaires a tenté de comprendre pourquoi.
Les chantiers de construction du Québec sont de véritables usines à déchets. Selon l’organisme Architecture sans frontières Québec (ASFQ), ceux-ci « produisent à eux seuls quelques trois millions de tonnes de matériaux résiduels, dont moins de 1 % est réutilisé ». Le réemploi représente une bonne solution pour verdir cette industrie qui en a bien besoin.
Plusieurs obstacles nuisent toutefois à l’adoption de l’architecture circulaire au Québec, comme la grande disponibilité des matériaux conventionnels et l’espace qui ne manque pas.
Pour le directeur général de l’ASFQ, Bruno Demers, l’utilisation de matériaux recyclés entraîne aussi des défis pour les architectes, qui doivent s’adapter à ce qu’ils ont sous la main. « Le marché du réemploi est très morcelé. Il n’y a pas de base de données, par exemple », souligne-t-il. Mieux prévoir en amont, en pensant à la fin d’un projet dès sa conception, pourrait améliorer la situation avec le temps.
Cependant, si l’architecture circulaire tarde à prendre son envol, « c’est surtout pour une question de coût », estime la présidente de l’Association des architectes en pratique privée du Québec (AAPPQ), Anne Carrier. « On entend souvent que ça coûte plus cher de recycler les matériaux que de les jeter, note-t-elle. Si on réutilise du bois, il faut par exemple enlever les clous et les vis ; ça prend du temps. »
Le président de l’Ordre des architectes du Québec, Pierre Corriveau, n’est pas convaincu par cet argument. Selon lui, il faut changer les paradigmes et considérer les coûts dans leur ensemble pour la société. « Si vous démolissez et que vous jetez des matériaux, vous augmentez la pollution. Si, au contraire, vous rénovez le patrimoine bâti, vous investissez dans l’économie locale par de la main-d’œuvre et des matériaux, expose-t-il. Pour le même million de dollars, vous aurez une beaucoup plus grande proportion qui reste chez vous si vous rénovez. »
Or, pour amorcer un réel changement, toutes les parties prenantes devront se rallier à la cause. « Actuellement, au Québec, nos donneurs d’ouvrage publics et privés ont une vision à court terme des enjeux économiques », constate Anne Carrier.
Quelques innovations
Certaines initiatives émergent afin d’aider le secteur à prendre le virage vers une architecture circulaire. Notamment le développement de plateformes mettant en lien les différents acteurs de la circularité, comme la conférence sur la reconstruction et le réemploi de l’organisme américain Build Reuse, qui a eu lieu plus tôt en octobre.
Au Québec, des acteurs de l’industrie de la construction sont tournés vers l’innovation pour tendre vers cet idéal. C’est le cas de Maçonnerie Gratton, de Montréal, qui a créé une machine servant à recycler les briques pour de nouvelles constructions.
Pour encourager architectes, entrepreneurs, particuliers et entreprises à disposer de leurs matériaux de façon écologique, l’ASFQ leur remet un reçu de charité égal à la valeur marchande de leur don, par l’entremise de son programme Matériaux sans frontières. L’ASFQ possède également, depuis cette année, Éco-Réno, une entreprise d’économie sociale spécialisée dans le réemploi des matériaux ayant pignon sur l’avenue Papineau, à Montréal.
Des chercheurs se penchent également sur le sujet. « Il y a des initiatives du Centre d’études et de recherches intersectorielles en économie circulaire (CERIEC) et de Québec Circulaire, énumère Anne Carrier. [Le Centre d’expertise sur la construction commerciale en bois] Cecobois fait de son côté la promotion et la valorisation du bois.»
Un projet pour réinventer Montréal
Des projets d’architecture circulaire existent tout de même au Québec, comme Les ateliers Cabot, par Sid Lee Architecture. Celui-ci vise à revitaliser le 4000, rue Saint-Patrick, dans l’arrondissement montréalais du Sud-Ouest. « On pense qu’on est rendus plus loin que de faire des projets qui sont simplement durables. On voulait être pleinement conscients des ressources (énergie, eau, matériaux) qu’on utilise dans le bâtiment, ce qui entre et ce qui en sort », explique Manuel R. Cisneros, l’architecte du projet gagnant du concours C40 Réinventer Montréal. Cet appel à projets a été lancé par le réseau mondial des grandes villes qui luttent contre les changements climatiques, baptisé C40, afin de transformer des sites sous-utilisés en espaces durables et à faible émission de carbone.
Les bâtiments industriels existants seront réutilisés et trois nouveaux s’ajouteront. L’ensemble multifonctionnel abritera des ateliers d’artistes, des espaces de bureaux, une pépinière industrielle et technologique de même que des installations consacrées à l’agriculture et à la transformation alimentaire.
« Les matériaux de construction seront catalogués pour pouvoir en réutiliser le plus possible », souligne Manuel R. Cisneros. L’énergie sera récupérée et redistribuée à même le bâtiment. La forêt urbaine permettra de recycler l’eau de pluie et les eaux grises. « On réutilisera aussi les résidus alimentaires pour faire de la bière et du pain sur place. Il y aura donc deux cycles : celui des matériaux et celui des matières organiques. »
Les boucles sont bouclées.
Réemploi des bâtiments, récupération et réutilisation des matériaux : l’architecture circulaire s’active à sauver la planète, un bâtiment (de moins) à la fois. Le mouvement demeure néanmoins embryonnaire au Québec. « Les Affaires » a tenté de comprendre pourquoi.
Les chantiers de construction du Québec sont de véritables usines à déchets. Selon l’organisme Architecture sans frontières Québec (ASFQ), ceux-ci « produisent à eux seuls quelques trois millions de tonnes de matériaux résiduels, dont moins de 1 % est réutilisé ». Le réemploi représente une bonne solution pour verdir cette industrie qui en a bien besoin.
Plusieurs obstacles nuisent toutefois à l’adoption de l’architecture circulaire au Québec, comme la grande disponibilité des matériaux conventionnels et l’espace qui ne manque pas.
Pour le directeur général de l’ASFQ, Bruno Demers, l’utilisation de matériaux recyclés entraîne aussi des défis pour les architectes, qui doivent s’adapter à ce qu’ils ont sous la main. « Le marché du réemploi est très morcelé. Il n’y a pas de base de données, par exemple », souligne-t-il. Mieux prévoir en amont, en pensant à la fin d’un projet dès sa conception, pourrait améliorer la situation avec le temps.
Cependant, si l’architecture circulaire tarde à prendre son envol, « c’est surtout pour une question de coût », estime la présidente de l’Association des architectes en pratique privée du Québec (AAPPQ), Anne Carrier. « On entend souvent que ça coûte plus cher de recycler les matériaux que de les jeter, note-t-elle. Si on réutilise du bois, il faut par exemple enlever les clous et les vis ; ça prend du temps. »
Le président de l’Ordre des architectes du Québec, Pierre Corriveau, n’est pas convaincu par cet argument. Selon lui, il faut changer les paradigmes et considérer les coûts dans leur ensemble pour la société. « Si vous démolissez et que vous jetez des matériaux, vous augmentez la pollution. Si, au contraire, vous rénovez le patrimoine bâti, vous investissez dans l’économie locale par de la main-d’œuvre et des matériaux, expose-t-il. Pour le même million de dollars, vous aurez une beaucoup plus grande proportion qui reste chez vous si vous rénovez. »
Or, pour amorcer un réel changement, toutes les parties prenantes devront se rallier à la cause. « Actuellement, au Québec, nos donneurs d’ouvrage publics et privés ont une vision à court terme des enjeux économiques », constate Anne Carrier.
Quelques innovations
Certaines initiatives émergent afin d’aider le secteur à prendre le virage vers une architecture circulaire. Notamment le développement de plateformes mettant en lien les différents acteurs de la circularité, comme la conférence sur la reconstruction et le réemploi de l’organisme américain Build Reuse, qui a eu lieu plus tôt en octobre.
Au Québec, des acteurs de l’industrie de la construction sont tournés vers l’innovation pour tendre vers cet idéal. C’est le cas de Maçonnerie Gratton, de Montréal, qui a créé une machine servant à recycler les briques pour de nouvelles constructions.
Pour encourager architectes, entrepreneurs, particuliers et entreprises à disposer de leurs matériaux de façon écologique, l’ASFQ leur remet un reçu de charité égal à la valeur marchande de leur don, par l’entremise de son programme Matériaux sans frontières. L’ASFQ possède également, depuis cette année, Éco-Réno, une entreprise d’économie sociale spécialisée dans le réemploi des matériaux ayant pignon sur l’avenue Papineau, à Montréal.
Des chercheurs se penchent également sur le sujet. « Il y a des initiatives du Centre d’études et de recherches intersectorielles en économie circulaire (CERIEC) et de Québec Circulaire, énumère Anne Carrier. [Le Centre d’expertise sur la construction commerciale en bois]
Cecobois fait de son côté la promotion et la valorisation du bois.»
Un projet pour réinventer Montréal
Des projets d’architecture circulaire existent tout de même au Québec, comme Les ateliers Cabot, par Sid Lee Architecture. Celui-ci vise à revitaliser le 4000, rue Saint-Patrick, dans l’arrondissement montréalais du Sud-Ouest. « On pense qu’on est rendus plus loin que de faire des projets qui sont simplement durables. On voulait être pleinement conscients des ressources (énergie, eau, matériaux) qu’on utilise dans le bâtiment, ce qui entre et ce qui en sort », explique Manuel R. Cisneros, l’architecte du projet gagnant du concours C40 Réinventer Montréal. Cet appel à projets a été lancé par le réseau mondial des grandes villes qui luttent contre les changements climatiques, baptisé C40, afin de transformer des sites sous-utilisés en espaces durables et à faible émission de carbone.
Les bâtiments industriels existants seront réutilisés et trois nouveaux s’ajouteront. L’ensemble multifonctionnel abritera des ateliers d’artistes, des espaces de bureaux, une pépinière industrielle et technologique de même que des installations consacrées à l’agriculture et à la transformation alimentaire.
« Les matériaux de construction seront catalogués pour pouvoir en réutiliser le plus possible », souligne Manuel R. Cisneros. L’énergie sera récupérée et redistribuée à même le bâtiment. La forêt urbaine permettra de recycler l’eau de pluie et les eaux grises. « On réutilisera aussi les résidus alimentaires pour faire de la bière et du pain sur place. Il y aura donc deux cycles : celui des matériaux et celui des matières organiques. »
Les boucles sont bouclées.Réemploi des bâtiments, récupération et réutilisation des matériaux : l’architecture circulaire s’active à sauver la planète, un bâtiment (de moins) à la fois. Le mouvement demeure néanmoins embryonnaire au Québec. « Les Affaires » a tenté de comprendre pourquoi.
Les chantiers de construction du Québec sont de véritables usines à déchets. Selon l’organisme Architecture sans frontières Québec (ASFQ), ceux-ci « produisent à eux seuls quelques trois millions de tonnes de matériaux résiduels, dont moins de 1 % est réutilisé ». Le réemploi représente une bonne solution pour verdir cette industrie qui en a bien besoin.
Plusieurs obstacles nuisent toutefois à l’adoption de l’architecture circulaire au Québec, comme la grande disponibilité des matériaux conventionnels et l’espace qui ne manque pas.
Pour le directeur général de l’ASFQ, Bruno Demers, l’utilisation de matériaux recyclés entraîne aussi des défis pour les architectes, qui doivent s’adapter à ce qu’ils ont sous la main. « Le marché du réemploi est très morcelé. Il n’y a pas de base de données, par exemple », souligne-t-il. Mieux prévoir en amont, en pensant à la fin d’un projet dès sa conception, pourrait améliorer la situation avec le temps.
Cependant, si l’architecture circulaire tarde à prendre son envol, « c’est surtout pour une question de coût », estime la présidente de l’Association des architectes en pratique privée du Québec (AAPPQ), Anne Carrier. « On entend souvent que ça coûte plus cher de recycler les matériaux que de les jeter, note-t-elle. Si on réutilise du bois, il faut par exemple enlever les clous et les vis ; ça prend du temps. »
Le président de l’Ordre des architectes du Québec, Pierre Corriveau, n’est pas convaincu par cet argument. Selon lui, il faut changer les paradigmes et considérer les coûts dans leur ensemble pour la société. « Si vous démolissez et que vous jetez des matériaux, vous augmentez la pollution. Si, au contraire, vous rénovez le patrimoine bâti, vous investissez dans l’économie locale par de la main-d’œuvre et des matériaux, expose-t-il. Pour le même million de dollars, vous aurez une beaucoup plus grande proportion qui reste chez vous si vous rénovez. »
Or, pour amorcer un réel changement, toutes les parties prenantes devront se rallier à la cause. « Actuellement, au Québec, nos donneurs d’ouvrage publics et privés ont une vision à court terme des enjeux économiques », constate Anne Carrier.
Quelques innovations
Certaines initiatives émergent afin d’aider le secteur à prendre le virage vers une architecture circulaire. Notamment le développement de plateformes mettant en lien les différents acteurs de la circularité, comme la conférence sur la reconstruction et le réemploi de l’organisme américain Build Reuse, qui a eu lieu plus tôt en octobre.
Au Québec, des acteurs de l’industrie de la construction sont tournés vers l’innovation pour tendre vers cet idéal. C’est le cas de Maçonnerie Gratton, de Montréal, qui a créé une machine servant à recycler les briques pour de nouvelles constructions.
Pour encourager architectes, entrepreneurs, particuliers et entreprises à disposer de leurs matériaux de façon écologique, l’ASFQ leur remet un reçu de charité égal à la valeur marchande de leur don, par l’entremise de son programme Matériaux sans frontières. L’ASFQ possède également, depuis cette année, Éco-Réno, une entreprise d’économie sociale spécialisée dans le réemploi des matériaux ayant pignon sur l’avenue Papineau, à Montréal.
Des chercheurs se penchent également sur le sujet. « Il y a des initiatives du Centre d’études et de recherches intersectorielles en économie circulaire (CERIEC) et de Québec Circulaire, énumère Anne Carrier. [Le Centre d’expertise sur la construction commerciale en bois]
Cecobois fait de son côté la promotion et la valorisation du bois.»
Un projet pour réinventer Montréal
Des projets d’architecture circulaire existent tout de même au Québec, comme Les ateliers Cabot, par Sid Lee Architecture. Celui-ci vise à revitaliser le 4000, rue Saint-Patrick, dans l’arrondissement montréalais du Sud-Ouest. « On pense qu’on est rendus plus loin que de faire des projets qui sont simplement durables. On voulait être pleinement conscients des ressources (énergie, eau, matériaux) qu’on utilise dans le bâtiment, ce qui entre et ce qui en sort », explique Manuel R. Cisneros, l’architecte du projet gagnant du concours C40 Réinventer Montréal. Cet appel à projets a été lancé par le réseau mondial des grandes villes qui luttent contre les changements climatiques, baptisé C40, afin de transformer des sites sous-utilisés en espaces durables et à faible émission de carbone.
Les bâtiments industriels existants seront réutilisés et trois nouveaux s’ajouteront. L’ensemble multifonctionnel abritera des ateliers d’artistes, des espaces de bureaux, une pépinière industrielle et technologique de même que des installations consacrées à l’agriculture et à la transformation alimentaire.
« Les matériaux de construction seront catalogués pour pouvoir en réutiliser le plus possible », souligne Manuel R. Cisneros. L’énergie sera récupérée et redistribuée à même le bâtiment. La forêt urbaine permettra de recycler l’eau de pluie et les eaux grises. « On réutilisera aussi les résidus alimentaires pour faire de la bière et du pain sur place. Il y aura donc deux cycles : celui des matériaux et celui des matières organiques. »
Les boucles sont bouclées.Réemploi des bâtiments, récupération et réutilisation des matériaux : l’architecture circulaire s’active à sauver la planète, un bâtiment (de moins) à la fois. Le mouvement demeure néanmoins embryonnaire au Québec. « Les Affaires » a tenté de comprendre pourquo