N.D.L.R. Dans un marché turbulent et plein d’incertitudes, les fonds ayant une encaisse élevée sont particulièrement bien placés pour acheter des aubaines. Morningstar Canada a recensé pour nous huit fonds d’actions canadiennes dont le trésor de guerre dépasse 14 % du portefeuille. Quatre de leurs gestionnaires ont accepté de partager leurs motivations et leur stratégie.
Gestionnaire du Fonds Fidelity Grande capitalisation Canada depuis 2009, Daniel Dupont place la préservation du capital en tête de sa démarche.
La prudence du natif de l’Estrie est souvent à contresens de son industrie.
L’encaisse, qui a grimpé jusqu’à 45 % du fonds il y a six mois, étonne pour un fonds d’actions, mais le financier dispose d’une énorme latitude pour gérer ses fonds comme bon lui semble.
« Depuis deux ou trois ans, de moins en moins d’entreprises remplissaient mes critères de qualité et de valeur. J’avais déjà repoussé les limites des multiples que j’étais disposé à payer, mais à un moment donné, il faut revenir à l’essentiel », raconte celui qui a grandi sur une ferme laitière à Saint-Herménégilde.
L’an dernier, le S&P 500 comptait le plus grand nombre de titres affichant un multiple de 10 fois et plus les revenus. Pas seulement chez les titans de la technologie, précise-t-il.
Par ailleurs, les risques liés au bilan, à l’exploitation et à l’évaluation d’une société, trois tests au cœur de sa démarche, se détérioraient.
Dans de telles circonstances, les liquidités redeviennent une « option peu coûteuse sur les occasions futures », affirme-t-il, paraphrasant une formule chère aux investisseurs Warren Buffett et Seth Klerman.
L’amateur d’entreprises de qualité à bon prix a redéployé 1,2 milliard de dollars de son actif au cours des derniers mois, en Europe et en Grande-Bretagne surtout. « Nous avons bougé rapidement parce que le dédain des investisseurs pour l’Europe a créé des occasions. Nous sommes en hiatus en ce moment, mais si les Bourses devaient vivre d’autres reculs importants, je serais très content de profiter des soldes », a évoqué le gestionnaire de Montréal.
L’encaisse d’encore 3 G$ pourrait être investie en quelques mois si les marchés piquaient à nouveau du nez, car les cours intègrent déjà le ralentissement économique et la possibilité d’une récession.
Parmis ses achats, le financier cite le fabricant britannique de cigarettes Imperial Brands (IMBBY, 33,56 $ US), qui se négocie à huit fois ses profits et dont le dividende procure un rendement de 8 %. Sa capacité à générer des flux de trésorerie élevés a pourtant bien peu à voir avec le Brexit.
M. Dupont a aussi acheté l’exploitant italien d’infrastructures Atlantia (ATL.MI, 20,64 €), détenu à 30 % par la famille Benetton, au pire d’une crise réputationnelle.
Déjà impopulaire auprès de la classe politique italienne pour s’être moquée de sa gestion du flot de migrants en 2017, la société a été mise au pilori après l’effondrement du pont Morandi, à Gênes, en août 2018.
Le propriétaire de ponts, de routes et de stationnements sera éventuellement puni pour ses torts, mais son évaluation a déjà fondu de 25 à 10 fois ses profits, indique le diplômé de McGill.
En Allemagne, le géant médico-chimique Bayer AG (BAYRY, 19,06 $ US) est aussi tombé à 9 fois les bénéfices, dans la foulée des poursuites liées à l’herbicide Roundup de sa filiale Monsanto.
En Amérique, le gestionnaire de Fidelity a acheté des actions du fournisseur d’informations spécialisées Thomson Reuters (TRI, 68,78 $) pendant la confusion entraînée lors la vente de 55 % de sa principale division de services à l’industrie financière au fonds privé Blackstone (BX, 33,71 $ US). « La transaction complexe a été mal comprise initialement. Il était difficile de donner une valeur à la part que conserve Thomson dans Refinitiv », explique le diplômé de McGill.
Le titre est devenu une aubaine classique pour qui sait évaluer l’entreprise en pièces détachées.
Derrière tout ce branle-bas, M. DuPont reste toujours aussi loyal à l’épicier Metro (MRU, 47,78 $), dont il a 18,49 des actions.
« C’est certainement l’une des entreprises les mieux gérées du pays, tant sur le plan opérationnel que de la répartition du capital », soutient-il.
Le gestionnaire s’attend à ce que l’intégration de Jean Coutu, dont Fidelity était le principal actionnaire, rapporte.
« S’il y a une équipe capable d’aller chercher des synergies, c’est bien celle de Metro, et je suis patient », conclut-il.
HUIT FONDS D’ACTIONS ARMÉS POUR SAISIR DES OCCASIONS —