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Arrêter de fumer pour de bon avec de l’IA

Emmanuel Martinez|Publié le 17 juin 2021

Arrêter de fumer pour de bon avec de l’IA

Avec environ 1,3 milliard de fumeurs dans le monde selon l’Organisation mondiale de la santé, Ditch Labs ne manquera certainement pas de clients. (Photo: Shaun Meintjes pour Unsplash)

DÉFI START-UP. « La première fois, je l’ai encouragé ; à la deuxième tentative, je me suis dit “oh non pas encore un autre enfer !” » Ceux qui ont côtoyé des proches qui veulent définitivement écraser leur cigarette savent que ce n’est pas facile.

Mais une start-up montréalaise a une solution : Ditch Labs veut enrayer la dépendance au tabagisme grâce à l’intelligence artificielle et un dispositif unique au monde.

Elle a créé un vaporisateur, appelé DitchPen, ressemblant à une cigarette électronique. Il contrôle le dosage de nicotine pour la réduire progressivement au fil du temps. Et l’application qui vient avec recommande des solutions en temps réel si l’usager a trop besoin de cette substance addictive.

« Le problème, c’est que le vapotage a remplacé la cigarette traditionnelle, explique Laurent Laferrière, PDG et cofondateur de l’entreprise fondée l’an dernier. Mais la cigarette électronique n’est pas conçue pour arrêter de fumer. La dépendance persiste. »
Or, les pilules, les gommes et autres timbres pour se défaire du tabagisme évacuent les facteurs psychologiques ou sociaux liés à la consommation de tabac, selon lui. D’où leur efficacité limitée.

« Il n’y a aucune solution sur le marché qui s’attaque à l’interaction psychologique et physiologique. Par contre, notre appareil, qui est lié à une application avec des algorithmes, permet de détecter les “craving”. On peut ainsi avertir le fumeur que leur consommation est en hausse. Le dispositif peut même envoyer des inhalations placebo, sans nicotine. »

En cas de hausse anormale de la consommation de nicotine avec l’appareil, l’application alertera l’utilisateur et pourra même lui recommander des solutions comme des exercices de respiration, afin de contrôler ses envies. Il pourra aussi le renseigner sur sa consommation :  fume-t-il lorsqu’il s’ennuie, lorsqu’il est stressé, après le souper?

« C’est en quelque sorte une approche personnalisée », précise Laurent Laferrière.

Une spécialiste en matière de dépendance fait d’ailleurs partie de son équipe et travaille sur les meilleures interventions à suggérer en cas d’envies de nicotine.

 

Au Royaume-Uni

Pour développer sa technologie et obtenir les approbations nécessaires de l’État, Ditch Labs vient de récolter 1,3 million $ lors d’une première ronde de financement. Amplify Capital, Desjardins Capital, Boreal Ventures et Anges Québec sont parmi les investisseurs.

L’entreprise en démarrage devra effectuer des études de toxicité du prototype, tel qu’exigé par Santé Canada et son pendant américain, la FDA. Elle doit aussi davantage tester son logiciel pour s’assurer de la précision des doses de nicotine envoyées par l’appareil.

« On se considère comme un produit médical donc on veut passer par toutes les étapes réglementaires », déclare Laurent Laferrière.

« On fait ce que bien des entreprises de cigarettes électroniques auraient pu faire si elles avaient vraiment voulu combattre la dépendance à la nicotine, ajoute le patron de la start-up. Le but ultime, c’est d’enrayer le tabac et le vapotage. »

Il espère commercialiser son dispositif à la fin de l’an prochain au Royaume-Uni, où le contexte réglementaire est plus favorable qu’en Amérique du Nord. Il souhaite faire son entrée ici et aux États-Unis en 2024.

« C’est un long processus, mais c’est le temps que cela prend pour développer un produit sécuritaire et efficace », note-t-il.

Avec environ 1,3 milliard de fumeurs dans le monde selon l’Organisation mondiale de la santé, Ditch Labs ne manquera certainement pas de clients.

« On m’a déjà demandé si je n’avais pas peur de m’autocannibaliser, car si mon produit fonctionne, j’ai moins de potentiel, confie Laurent Laferrière. Mais avec le nombre de fumeurs sur la planète et un taux de tabagisme de plus de 40 % en Chine, si jamais on atteint notre but, on va avoir eu une très belle entreprise qui aura aidé du monde. Je pourrais donc prendre ma retraite très heureux. »

 

 

En bref : le tabagisme

  • Le tabac tue la moitié des fumeurs. Huit millions en meurent chaque année dans le monde. (source : OMS)
  • Environ 80 % des fumeurs vivent dans pays à revenu faible ou intermédiaire. (source : OMS)
  • En 2019, 14,8 % des Canadiens âgés de 12 ans et plus fumaient, soit environ 4,7 millions de personnes (source :Statistique Canada)
  • En 2019, 17 % de la population au Québec fumait tous les jours ou à l’occasion. C’est plus que la moyenne nationale de 14,7 %. (source : Statistique Canada)
  • Les coûts du tabagisme sur le système de santé s’élevaient 16,2 milliards $ au Canada en 2012 (source : Santé Canada)
  • On estime à 45 464 le nombre de décès attribuables à la cigarette au Canada en 2012. (source : Santé Canada)