(Photo: 123RF)
À VOS AFFAIRES. Dans le beau monde de la fiscalité, on rencontre parfois des aberrations. Par exemple, recevoir un remboursement d’impôt de 6 000 $ grâce à une cotisation de 5 000$ à son REER, ou encore ne pas pouvoir bénéficier d’un crédit d’impôt important parce qu’on paie une pension alimentaire. Aujourd’hui, ce n’est pas une terrible aberration que je veux dénoncer, mais une mécanique fiscale qui peut coûter cher aux personnes non averties : le traitement de l’impôt étranger.
En fait, il existe une règle simple pour les actifs détenus à l’étranger. Ces derniers peuvent être des immeubles à revenus ou simplement des titres, comme des actions cotées à une Bourse située à l’extérieur du Canada, comme le NASDAQ, par exemple.
Comme résident canadien, la règle générale fait que vous devez payer de l’impôt sur l’ensemble de votre revenu, peu importe où il est généré. Les revenus gagnés à l’étranger sont donc imposés au Canada. Cependant, le pays où les actifs sont détenus gardera généralement un impôt à la source. Les taux d’imposition sont généralement établis dans les conventions fiscales entre le Canada et les autres pays.
Or, pour éviter une double imposition sur ces revenus, le Canada accorde un crédit d’impôt qui vient réduire, voire annuler l’impôt payé dans un autre pays. La même chose se produit à l’inverse : pour un citoyen étranger, un impôt à la source est payé ici et l’autre pays accorde généralement un crédit.
Où est le problème alors ?
Sur le plan individuel, ce n’est pas un problème de crédit d’impôt, mais plutôt une possible nonreconnaissance de certains avantages fiscaux. Par exemple, un CELI n’est pas reconnu comme un régime de retraite aux fins de l’impôt américain. Si vous détenez des titres étrangers dans un CELI, les revenus de ces derniers se verront donc imposés à la source. Vous manquez ainsi une bonne occasion d’épargner de l’impôt.
Cependant, pour les sociétés par actions, la situation est différente.
Au Québec, le principe d’« intégration » (le fait que l’impôt total d’une société et de son actionnaire devrait être environ égal à celui d’un individu) souffre déjà d’une bonne distorsion pour des revenus de source canadienne. Par exemple, alors que le taux d’imposition marginal maximal d’un individu est de 53,31% sur un revenu d’intérêt en 2021, il grimpe, selon mes calculs, à 58,15 % si c’est une société qui le gagne, qu’elle paie son impôt et qu’elle verse ensuite le résidu à son actionnaire.
Il faut savoir que les revenus étrangers sont généralement pénalisants pour une société. Avez-vous idée à quel taux maximal on peut faire face? 64,34%… pour des revenus de dividendes de sociétés américaines, dont le taux d’imposition à la source est de 15%.
S’il s’agit du revenu d’un pays dont la convention fiscale avec le Canada fixe une retenue à la source de 25%, le taux combiné devient carrément indécent, à 68,46%!
Plus des deux tiers des revenus s’en vont en impôt. A moins d’un rendement extraordinaire, vous n’en voulez pas dans votre société.
Dans ce cas, le meilleur des deux mondes (celui où on peut avoir accès aux rendements des marchés étrangers, mais en ne payant pas un impôt aussi élevé) se trouve dans les fonds constitués en sociétés. Ces derniers sont des fonds communs de placement ou des fonds négociés en Bourse (FNB) qui ont été incorporés.
Par conséquent, au lieu de verser aux investisseurs des revenus qui conservent leur nature originale (intérêt, dividende, gain en capital), ces fonds « canadiens » éliminent en priorité les revenus toxiques, paient l’impôt sur leurs bénéfices et versent la balance aux investisseurs sous forme de dividende seulement.
Alors, oui aux titres étrangers pour leur rendement… mais non à leur impôt ! Malheureusement, il n’est pas toujours évitable.