En tant que leader, parent et grands-parents nous transmettons des valeurs et une histoire qui influenceront notre entourage, nos employés et les générations futures. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Chez les Premières Nations, l’apprentissage se fait par transmission, pour apprendre et comprendre, on regarde et on écoute. C’est dans le plus grand respect que les plus jeunes s’assoient avec les aîné.e.s, qu’ils les accompagnent, pas à pas, les observent et les imitent afin de développer leur propre autonomie. Puis, un jour, tout comme leurs ancêtres leur ont appris, en harmonie avec la terre mère, ces jeunes devenus adultes chasseront, broderont, cueilleront et fabriqueront ce dont ils ont besoin pour vivre.
Je me rappelle l’un de ces moments privilégiés lorsque j’étais à la chasse avec mon grand-père… Accroupie dans un sous-bois, observant les traces de l’orignal que nous traquions, mon cœur de petite fille battait la chamade. Ce matin-là, ce qui a marqué mon esprit, ce sont les odeurs, la lumière du lever du soleil, les couleurs et les sons de la forêt silencieuse. Accompagner mon grand-père m’a non seulement permis d’apprendre la patience et le sens du mot intuition, mais de les intégrer. En l’observant chasser, j’ai compris que pour entendre cette voix intérieure, il fallait s’arrêter, regarder et écouter.
Malheureusement, l’humain étant poussé par la performance, la vie allant toujours plus vite, rare sont les moments où nous nous arrêtons pour prendre le temps d’observer, d’écouter et d’apprendre sur soi et sur l’autre. Alors le plus souvent, nous prenons ici et là des bribes d’informations dans les livres, les séries télé, les contes, à travers les paroles de gens qui nous entourent ou dans les médias qui, pour la plupart, mettent souvent le focus sur les évènements négatifs.
Puis, nous nous forgeons des opinions basées sur des éléments dont nous n’avons souvent pas pris le temps de vérifier la source et la véracité. Le pire, c’est qu’elles deviennent nos croyances et parfois, notre vérité.
En 2013, lors d’un séjour à l’école de Beauce (EEB), j’ai discuté avec l’un des entrepreneurs qui m’accompagnait, que je considère très cultivé et intelligent. Il me dit en toute humilité et un peu mal à l’aise : « Tu sais Mélanie, moi à part « Lasagne », je ne connais pas grand-chose des autochtones. » Évidemment, tout le monde se rappelle cette crise d’Oka en 1990! C’est à ce moment que j’ai réalisé l’écart entre notre réalité et celle que les gens connaissaient de nous.
Heureusement, les choses tendent à changer. Déjà, certains médias ont osé donner le bâton de la parole aux gens des Premiers Peuples pour qu’ils puissent enfin s’exprimer et raconter leur version de l’histoire qui a jusqu’à maintenant été raconté par une société et un système d’éducation qui semble avoir omis quelques passages importants.
Je suis persuadée que si chacun prenait le temps de pousser un peu plus loin l’analyse de certaines nouvelles ou de certaines histoires légendaires, comme celle de la princesse Pocahontas, qui à première vue nous rappelle la « découverte des sauvages », cet écart de compréhension pourrait enfin commencer à s’estomper. D’ailleurs, à lui seul, le mot « découverte » entraîne déjà un sentiment subjectif de supériorité qui aura aussi servi à creuser ce fossé entre nos peuples. Et si on parlait plutôt de rencontre?
Tout comme j’ai appris de mon grand-père étant jeune, au cours des dernières années, j’ai appris en suivant les traces de mon père et en l’observant dans son rôle d’entrepreneur. Mon parcours à ses côtés, de même que celui de mon passage à l’EEB par l’observation de dizaine d’autres leaders, m’aura permis de comprendre que si nous voulons que les perceptions changent à l’égard des premières nations et des autres cultures, il faut d’abord s’ouvrir et prendre conscience des nombreux filtres que la société nous a imposés.
L’été dernier, j’ai eu le privilège de recevoir la visite de Marc Dutil, dans ma communauté. Après nos discussions et ses quelques lectures sur notre histoire, le président et chef de la direction du Groupe Canam et président fondateur de l’École d’entrepreneurship de Beauce m’a dit: «Nous faisons le tour du monde pour aller observer des cultures centenaires alors que si près de nous, nous pourrions découvrir une culture millénaire qui ne demande qu’à nous partager sa sagesse. Pour réaliser ce petit pas, il faut tout de même oublier quelques siècles de préjugés… c’est ce premier pas qui demeure le plus difficile.»
Tout comme nos aîné.e.s, chaque jour, nous sommes écoutés et observés. Chaque parole, chaque geste, chaque pas compte. En tant que leader, parent et grands-parents nous transmettons des valeurs et une histoire qui influenceront notre entourage, nos employés et les générations futures. Et vous, comment utilisez-vous votre bâton de la parole?