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Aurélie Hélouis défend la place des femmes en technologie

Karl Moore|Publié le 12 juillet 2021

Aurélie Hélouis défend la place des femmes en technologie

« S’il n’y a pas de place à la table, il est temps de se construire sa propre maison», affirme Aurélie Hélouis. (Photo: courtoisie)

BLOGUE INVITÉ. Aurélie Hélouis, ancienne officière supérieure et directrice technique dans la marine française, est la définition même d’une leader capable d’être performante sous pression. Responsable de plus de 80 techniciens de moteurs à réaction alors qu’elle n’avait que 24 ans, elle a développé depuis le début de sa carrière la capacité de guider les autres dans des projets complexes, tout en gardant la tête froide. 

Sa formation d’ingénieur et son MBA de l’Université McGill lui ont permis de progresser au Mila, l’Institut québécois d’intelligence artificielle, où elle a rencontré le professeur Jean Michel Sellier. Cette rencontre a été le point de départ de la création de sa start-up d’informatique analogique quantique, infinityQ.

« Je pense que j’ai attrapé le virus de l’entrepreneuriat lorsque j’ai assisté à la soirée consacrée à l’entrepreneuriat dans le cadre de ma formation à McGill, raconte la principale intéressée. Helge Seetzen de l’incubateur TandemLaunch y a présenté ce qu’est l’entrepreneuriat. J’étais fascinée et j’ai senti que c’était quelque chose que je voulais faire. À la fin du cours, il a dit : “Si vous voulez un demi-million de dollars, un doctorat en tant que cofondateur, et si vous avez une idée technologique géniale et cool, faites-moi signe.” Et je lui ai envoyé un courriel, j’ai quitté mon emploi et je suis devenue entrepreneur. »

Après sa rencontre avec l’homme d’affaires allemand et avoir mis le pied dans l’écocystème des start-up, Aurélie Hélouis a fondé infinityQ. Cette entreprise de calcul analogique quantique a pour vocation de révolutionner l’espace technologique grâce à des capacités de calcul vertes à très haut débit qui dépassent largement celles créées par les spécialistes de longue date dans ce domaine.

« Il y a des problèmes que l’informatique classique ne peut pas aborder facilement, comme les problèmes d’optimisation très complexes et les simulations de Monte-Carlo, explique-t-elle. Ils peuvent les aborder, mais cela prend des heures. Les IBM et les Google du monde entier promettent l’informatique quantique, mais il leur faut cinq à dix ans. Il est donc vraiment nécessaire d’accélérer maintenant. Et nous sommes déjà cent à mille fois plus rapides que l’informatique classique pour ce type de problèmes. » 

Du point de vue des affaires, infinityQ est en passe de devenir un outil indispensable pour les acteurs financiers et pharmaceutiques, qui doivent résoudre des problèmes extrêmement complexes dans des délais très courts. Les ordinateurs infinityQ peuvent évaluer les risques et créer des simulations à la vitesse de l’éclair, permettant ainsi aux acteurs du marché classique de bénéficier de la force de l’informatique quantique analogique.

« Nous avons beaucoup d’intérêt de la part du monde financier pour l’optimisation de portefeuille, l’arbitrage, soit les problèmes qui nécessitent beaucoup de temps de calcul, explique l’ingénieure. Le grand intérêt est également dans la pharmacie avec la dynamique moléculaire, les effets secondaires des médicaments, et les logiciels de docking des protéines. Nous pouvons nous attaquer à ce type de problèmes dès maintenant. »

L’objectif principal de l’entreprise est de résoudre les grands problèmes du monde grâce aux capacités suralimentées de l’informatique quantique. Pour y répondre aujourd’hui, plutôt que dans dix ans, l’équipe majoritairement féminine d’infinityQ apporte son expertise en ingénierie de haut niveau, son sens des affaires favorable aux investisseurs et sa perception empathique de la résolution de problèmes.

« Notre entreprise est fondée, dirigée et conçue par des femmes, précise Aurélie Hélouis. La plupart des gens pensent que ce que nous réalisons est impossible avec la technologie d’aujourd’hui. Mais les femmes gèrent l’impossible tous les jours. Et je dirais que les femmes fondatrices voient les choses différemment et ont plus d’empathie. Nous sommes également très attachées à l’obtention de résultats. Et peut-être parce que nous sommes des femmes, nous ressentons le besoin de prouver que nous avons les compétences pour le faire. »

Lorsqu’elle conseille de jeunes femmes sur le point de commencer leur carrière, en particulier dans le secteur des technologies, l’ingénieure a de sages tuyaux à partager. Elle prône notamment le fait de rester fidèle à ses convictions et de se lancer dans ce qui nous tient à cœur, quoi qu’en disent les autres.

« Concentrez-vous sur votre rêve et n’écoutez pas les personnes qui vous disent que ce n’est pas possible, conseille-t-elle. Si vous voulez poursuivre une carrière technique, n’écoutez pas les gens qui disent que vous seriez mieux ailleurs. Lorsque j’étais la cheffe de la technologie de mon escadron dans la marine, mon commandant m’a dit : “Aurélie, vous êtes très bonne en RH,” et j’ai répondu : “Merci, mais je suis la cheffe de la technologie…” Les femmes sont tout à fait capables d’occuper ce type de poste. »

Qu’il s’agisse d’avoir le soutien nécessaire pour faire de multiples tentatives d’entrepreneuriat sans se décourager ou de ne pas avoir peur d’entrer dans des espaces dominés par les hommes, elle souligne l’importance d’avoir des alliés dans la communauté technologique qui peuvent soutenir le développement continu des jeunes femmes qui font leur entrée dans ce domaine.

« Chaque femme mérite de vivre ces moments de réussite et je continuerai toujours à promouvoir et à encourager leurs parcours entrepreneuriaux dans le secteur de la technologie, et j’espère que mon histoire y contribuera, souhaite Aurélie Hélouis. Je ne me considère pas comme une exception, mais comme le début d’une nouvelle norme. »

Et que faire quand les affaires se corsent ? « S’il n’y a pas de place à la table, il est temps de construire sa propre maison », conclut-elle.

 

Karl Moore et Haley Crawford. Karl est professeur agrégé dans la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill et Haley est récente diplômée de la Ivey Business School.