Café Williams a récemment commencé à importer des grains de café par voilier, pour un trajet en mer sans émission de gaz à effet de serre (GES). (Photo: courtoisie)
EXPERT INVITÉ. Sans avoir trop peur de me tromper, je gagerais que oui, vous l’avez pris, et la raison est simple: mondialement, le café se classe tout juste derrière l’eau et le thé au rang des boissons les plus consommées. Même qu’à certains endroits du monde, dont au Québec, il surclasse largement le thé. Évidemment, une telle consommation implique une énorme production, et d’incontournables effets sur l’environnement et les cultivateurs.
Heureusement, voilà déjà plusieurs années qu’un mouvement de producteurs autant que de consommateurs plus soucieux des écosystèmes naturel et humain a pris naissance et ne cesse de faire toujours plus d’adeptes. En réponse à ces préoccupations sont apparues plusieurs certifications de produits bios ou équitables, comme Fairtrade Canada.
Au chapitre du café, cela signifie que la culture de grains se fait dans un plus grand respect de la nature et des conditions des travailleurs. Beaucoup de gros joueurs de l’industrie du café s’approvisionnent sous le sceau de telles certifications, dont la PME québécoise Café William.
Noir ou deux crèmes, deux sucres?
Café William, elle, prend son café vert, c’est-à-dire qu’il n’est pas torréfié. Elle s’approvisionne auprès de cultivateurs de divers pays situés sur la ceinture équatoriale pour obtenir des grains de café, qu’elle transporte ensuite jusque dans son usine de transformation à Sherbrooke.
Mais il n’y a pas que les grains qui soient verts chez Café William.
«On vise vraiment à produire le café le plus durable au monde», m’a expliqué Rémi Tremblay, copropriétaire de cette organisation déjà bien installée dans l’industrie. «Pour y arriver, on fait attention à nos choix tout au long de la chaîne de production du café. Approvisionnement, transport, transformation, mise en marché… Tout y passe!»
Parmi les trois piliers de l’ESG (environnement, société, gouvernance), on peut dire que c’est tout particulièrement sur le plan environnemental que M. Tremblay et les deux autres copropriétaires, Serge Picard et Jonathan Haley, rivalisent d’idées de grandeur afin de toujours plus réduire l’empreinte écologique de leur organisation.
Par exemple, ils ont récemment commencé à importer des grains de café par voilier, pour un trajet en mer sans émission de gaz à effet de serre (GES). Pour l’instant, un seul voilier a fait le voyage de la Colombie jusqu’en Amérique du Nord, en janvier 2024. Et ce, au terme d’une longue épopée parsemée de bien des écueils coûteux pour dénicher le bon équipement et les bons partenaires pour l’expédition.
Selon M. Picard, le jeu en valait la chandelle: «Cette expédition pilote a jeté les bases pour la mise en place d’une importation par voiliers qui soit de plus grande envergure et régulière. À l’automne, un chargement plus imposant à bord de cargos-voiliers fournira environ 15% de tous nos grains de café pour 1 an. Éventuellement, ce sera 30%, 50%, puis 100%… La limite, c’est à nous de la repousser, ce qui est très inspirant.»
Laissant libre cours à cette inspiration, les trois copropriétaires ont aussi concrétisé une autre de leurs «lubies». Pour alimenter leur torréfacteur, plutôt que d’utiliser une énergie fossile (souvent du gaz naturel) comme tous – vous avez bien lu, TOUS – les autres gros producteurs de café du monde, Café William a ambitionné de recourir à l’hydroélectricité.
Le hic, c’est qu’un tel torréfacteur n’existait pas! L’équipe a donc démarché pour collaborer avec une firme d’ingénierie prête à la suivre dans sa folie et à concevoir ce qui n’avait jamais été fait jusqu’ici: un torréfacteur électrique industriel. C’est l’équipementier allemand Neuhaus Neotec qui a embarqué et relevé le défi. La PME d’ici a donc obtenu son torréfacteur révolutionnaire. Et fait, installer son entrée électrique d’un mégawatt pour pouvoir l’exploiter. Et réduit son empreinte environnementale de 25% à 30%.
(Photo: courtoisie)
Parlons chiffres
Personne ne se surprendra de lire que ce genre d’innovations repose sur des investissements, disons-le, gigantissimes. Mais tout ne se calcule pas qu’en argent; chez Café William, on aime aussi calculer en GES, notamment. Par exemple, le nouveau torréfacteur permet d’éviter l’émission annuelle de 730 tonnes de CO2.
C’est que les copropriétaires de la PME de café ne voient pas l’avenir uniquement sous la loupe de la rentabilité financière, mais aussi sous celle du développement durable. «L’argent, ce n’est pas ce qui nous motive à nous lever chaque matin. On a décidé qu’on voulait être une bonne compagnie avec de bons humains pour offrir du café qui fait du bien, du point de vue des saveurs comme des valeurs, a défendu M. Tremblay. Nos choix audacieux rejoignent nos valeurs et celles des consommateurs et consommatrices. Partant de là, possible que les autres producteurs de café entrent dans la danse un moment donné. On aura tous et toutes gagné à la fin.»
En d’autres mots, ce ne sont pas des choix économiques, mais ils n’en sont pas moins logiques.
La preuve: Café William a vraiment le vent dans les voiles.