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Dominic Gagnon

Innovation entrepreneuriale

Dominic Gagnon

Expert(e) invité(e)

Avoir connu la pauvreté: un avantage entrepreneurial!

Dominic Gagnon|Publié le 22 juin 2023

Avoir connu la pauvreté: un avantage entrepreneurial!

Photo : Towfiqu Barbhuiya pour Unsplash.com

EXPERT INVITÉ. Dans le monde de l’entrepreneuriat, on associe très souvent le succès à la richesse et à la stabilité financière. Il serait donc possible de croire que les entrepreneurs disposant de plus d’argent et venant de famille bien nantie risquent d’avoir une longueur d’avance sur les autres pour entreprendre.

En revanche, plusieurs traits de caractère propre à l’entrepreneuriat risquent d’être beaucoup plus développés lorsqu’on grandit dans un milieu modeste où il est toujours nécessaire d’être créatif et persévérant contrairement aux gens qui sont nés avec une cuillère d’argent dans la bouche.

Souvent, le fait d’être ou d’avoir été pauvre sert de catalyseur pour l’innovation, la résilience et l’ingéniosité, permettant finalement aux entrepreneurs de transformer cette difficulté en richesse!

Je me rappellerais toujours d’un discours de Guy Laliberté, le fondateur du Cirque du Soleil qui affirmait que « lorsqu’on produit un spectacle au Québec, nous avons beaucoup moins de budgets qu’à Las Vegas, mais les attentes sont encore plus élevés – cette limite de budget est aussi ce qui nous rend plus créatifs et fait le succès du Cirque ».

Tout comme M. Laliberté, je pense que l’aspect de venir d’un milieu modeste, voire pauvre, peut aussi être un avantage pour un futur entrepreneur. Avoir manqué d’argent peut servir de catalyseur pour l’innovation, la résilience et l’ingéniosité, permettant finalement aux entrepreneurs de transformer l’adversité en opportunité.

Être affamé!

L’une de mes citations préférées de Steve Jobs est « Stay hungry, Stay foolish » («restez affamés, restez fous») qu’il a mentionnées lors de son très inspirant discours prononcé à Stanford. Cet état d’esprit, qui relève de rester affamé est souvent propre à des entrepreneurs ayant connu ce qu’était la faim et qui sont par conséquent animés par un désir ardent d’échapper à la pauvreté et ont une soif de réussite sans précédent.

Contrairement aux mieux nantis, les entrepreneurs ayant connu la pauvreté sont habitués à chercher constamment de nouvelles opportunités plutôt que de s’en contenter. Évidemment, la peur de rester dans un état de pauvreté devient un puissant facteur de motivation, nous poussant souvent à prendre des risques et à travailler sans relâche pour atteindre nos objectifs. Cette poursuite incessante pour une vie meilleure alimente aussi une profonde passion pour leur entreprise, augmentant la tolérance à l’adversité.

Pour ma part, après avoir tout perdu il y a quelques années à la suite d’un échec entrepreneurial, j’ai développé une aversion complète envers le confort. J’ai réalisé que dès que j’étais confortable (surtout financièrement), je devenais aussi un peu plus paresseux et moins à l’affut. Je perdais cette faim qui m’anime et me pousse à être meilleur. De plus, lorsque la réussite de ton entreprise devient une question de survie, pour garder ta maison et mettre de la nourriture sur la table, vous devenez instantanément un excellent vendeur, croyez-moi!

Débrouillard et créatif, une question de survie!

Selon moi, l’un des avantages les plus significatifs d’avoir été pauvre est le développement de l’ingéniosité et de la créativité. On dit souvent que la nécessité est la mère de l’invention, ce qui oblige les entrepreneurs à sortir des sentiers battus et à trouver des solutions innovantes à leurs défis.

Tout comme M. Laliberté le disait dans son discours, l’accès limité au capital et aux ressources oblige à faire preuve d’ingéniosité et de créativité pour être en mesure d’accomplir plus avec moins. Souvent, ces contraintes, qui peuvent parfois sembler insurmontable, deviennent pour l’entrepreneur un moteur pour tirer parti de son réseau et de ses compétences pour accomplir plus avec moins.

C’est aussi l’esprit de la start-up, qui, contrairement à la grande entreprise, ne dispose d’aucun moyen et pourtant, réussit souvent à réaliser des choses qui auraient été totalement impossibles dans ces organisations aux moyens quasi infinis! Comme quoi l’argent ne permet pas tout.

Savoir être agile et s’adapter!

Dans un monde qui évolue de plus en plus rapidement, les entrepreneurs doivent plus que jamais pouvoir faire preuve d’agilité et s’adapter aux réalités du moment. Les entrepreneurs qui ont connu la pauvreté comprennent l’importance de s’adapter rapidement aux circonstances changeantes. Ils sont habitués à naviguer dans des environnements incertains et volatils, ce qui leur permet de faire pivoter rapidement leurs stratégies lorsqu’ils sont confrontés à des défis inattendus.

Selon moi, cette capacité à s’adapter à des conditions dynamiques leur donne un avantage concurrentiel, car ils sont plus à l’aise pour prendre des risques et saisir des opportunités que d’autres pourraient négliger.

C’est exactement ce que nous avons vécu chez Connect&GO durant la pandémie. Nous avons en quelques semaines perdu 90% de nos revenus. L’entreprise était en mode survie. Cet instinct d’agilité et d’adaptabilité nous a poussés à prendre des décisions audacieuses, que ce soit d’augmenter les budgets ventes et marketing ou encore d’accélérer notre pivot dans le monde des attractions. Nous avons accompli en quelques mois ce qui, aujourd’hui, nous prendrait des années, car c’était une question de survie.

Forte éthique de travail

La majorité des entrepreneurs que j’ai connus qui avaient passé par des épisodes de pauvreté sont aussi ceux qui avaient la plus grande éthique de travail. N’ayant pas les moyens financiers d’avoir des équipes dès leur lancement, ils ont rapidement compris l’importance du travail acharné que demande l’entrepreneuriat ainsi que la persévérance.

Par conséquent, ils sont prêts à consacrer de longues heures et à faire des sacrifices pour bâtir leur entreprise à partir de zéro. Cet engagement inébranlable envers leur vision les pousse à aller au-delà, les distinguant de ceux qui peuvent tenir le succès pour acquis.

Lors d’un séjour à Gatineau pour rencontrer des entrepreneurs, le propriétaire d’une entreprise m’a raconté qu’il souhaitait que son fils prenne la relève, mais que celui-ci n’était pas prêt à travailler après 17h et qu’il préférait les Rolex au travail. Ma réponse fut sans équivoque : s’il prend la relève, il va mettre l’entreprise par terre. Ce fils a été trop à l’aise toute sa vie et ne comprend clairement pas ce que son père a dû réaliser pour amener l’entreprise à ce niveau.

De l’empathie et un désir de changer les choses!

Les plus grandes idées viennent souvent de frustrations personnelles. Lorsqu’on tente de résoudre un problème auquel nous avons fait personnellement face, notre passion en est décuplée. Par conséquent, les entrepreneurs qui ont connu la pauvreté possèdent, selon moi, une compréhension unique des défis auxquels sont confrontées les communautés mal desservies.

Leurs expériences personnelles leur donnent aussi une profonde empathie. Cela les aide à se mettre dans la peau du client et ainsi développer un produit ou un service répondant à un réel besoin.

Bien que la pauvreté présente de nombreuses difficultés, il est aussi important de reconnaître les avantages cachés qu’elle peut offrir aux aspirants entrepreneurs. La soif de réussite, l’ingéniosité, l’agilité, une solide éthique de travail et une profonde empathie ne sont que quelques-unes des qualités précieuses qui peuvent être cultivées à travers l’expérience de la pauvreté. En exploitant ces avantages, les entrepreneurs peuvent transformer l’adversité en occasions, alimentant leur parcours vers le succès.

Aujourd’hui plus que jamais, il est essentiel pour l’écosystème entrepreneurial d’accueillir et de soutenir les individus qui sont sortis de la pauvreté, car ils apportent une perspective unique et une remarquable capacité à innover face à l’adversité.