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ANALYSE. La hausse soudaine des taux à moyen terme a pris les investisseurs de court en février. Certains craignent que les plans de relance entraînent une surchauffe de l’économie et une poussée de l’inflation.
S’il est un secteur qui bénéficie toutefois de la croissance économique et de la hausse plus prononcée des taux à long terme par rapport aux taux à court terme, c’est bien celui des banques. Au premier trimestre, les six grandes banques canadiennes ont surpassé les attentes par 26 %, avec une augmentation de 15 % des bénéfices. Il s’agit du troisième trimestre consécutif de résultats supérieurs de 10 % aux prévisions.
Les titres bancaires ont déjà rebondi de 65 % depuis le creux pandémique atteint en mars 2020. Depuis le début de l’année jusqu’à la fin de février, leur gain de 6,7 % a surpassé celui de 3,6 % de l’indice torontois S&P/TSX.
La reprise est plus importante que les soucis
Stratèges et analystes estiment que les banques n’ont pas encore tout donné, bien que la conjoncture ne soit pas sans soucis. La récente hausse des taux canadiens de dix ans (jusqu’à 1,49 % le 26 février) est bénéfique aux marges d’intérêt et aux profits des banques. Par contre, toute remontée de taux hypothécaires fixes de cinq ans pourrait modérer la demande de prêts et même nuire à la capacité financière de certains ménages qui ont acheté leur résidence à prix fort. La remontée des taux déprécie aussi la valeur des obligations que les banques détiennent.
Une bonne part de leur performance financière, ces derniers trimestres, provient aussi de l’effervescence des marchés financiers qui soulève les profits des activités liées aux marchés des capitaux. La volatilité accrue incite généralement les investisseurs à négocier plus activement, tant dans le marché obligataire que boursier, mais ces activités non bancaires ont moins de valeur dans l’analyse des banques.
Ensemble, ces soucis ne sont pas assez importants pour faire échec à l’effet plus prononcé de la reprise économique qui s’amorce, disent les analystes. Ces derniers ont d’ailleurs relevé leurs prévisions de profits de 13 % pour 2021 et de 8 % pour 2022, précise Meny Grauman, analyste de la Banque Scotia.
«Malgré ces révisions, les banques offrent encore du potentiel si les marges s’améliorent plus que nous le prévoyons et si les elles continuent de diminuer les réserves constituées pour les pertes sur prêts qui ne se produiront pas»grâce à la reprise économique, explique cet analyste.
Le bénéfice global de 8,55 $par action prévu en 2022 pour les six grandes banques s’avérera encore inférieur au sommet d’avant la pandémie, signale-t-il. Au cours actuel, les banques se négocient à un multiple de 10,1 à 10,5 fois les bénéfices prévus en 2022, une évaluation encore inférieure à la moyenne de 11,1 fois à long terme.
«Les titres bancaires ne méritent peut-être pas une plus-value de pointe, mais le boom économique de plus en plus probable et le retour à la normale de la qualité du crédit qui l’accompagne ainsi que les surplus de capitaux de 23 milliards de dollars qui s’accumulent à leurs bilans ne justifient pas une évaluation sous la moyenne historique», fait valoir Meny Grauman. Les banques pourront relever leur dividende et racheter des actions à nouveau dès que le gendarme de l’industrie lèvera les restrictions pandémiques plus tard cette année, renchérit Scott Chan, de Canaccord Genuity. Paul Holden, de Marchés mondiaux CIBC, est encore plus catégorique que ses collègues. «Nous sommes au moment d’un cycle économique favorable à l’achat des banques», dit-il. En un mot, les dépenses augmenteront moins vite que les revenus, ce qui activera le levier de rentabilité des institutions financières en même temps que les marges d’intérêt et que les pertes sur prêts s’améliorent.
À ce stade du cycle bancaire, l’évaluation des titres tend à converger, note pour sa part Sohrab Movahedi, de BMO Marchés des capitaux. Il en conclut que la Banque Royale (RY, 109,76 $) et la Banque TD (TD, 78,82 $) pourraient voir leur plus-value s’effriter. Pour le moment, le secteur des matières premières profite le plus en Bourse des paris sur la «réaccélération»économique et d’inflation, pense Hugo Ste-Marie, l’analyste quantitatif de la Banque Scotia. Une fois que cette «impulsion»se modérera au cours des prochains mois, les banques devraient connaître un autre élan en Bourse.
S’il est un secteur qui bénéficie de la croissance économique et de la hausse plus prononcée des taux à long terme par rapport aux taux à court terme, c’est bien celui des banques.