(Photo: 123RF)
SECTEUR MARITIME. Grâce à un investissement de 105 millions de dollars (M $) annoncé dans le budget provincial de mars 2023, le Port de Saguenay a pu changer sa stratégie de développement économique pour adopter une attitude de démarchage beaucoup plus agressive.
«Pendant longtemps, notre stratégie a été d’essayer de convaincre les entreprises de s’installer au port pour ensuite construire les infrastructures, explique Carl Laberge, PDG du Port de Saguenay. Or, on se rend compte que c’est très difficile de se démarquer de cette façon, dans le monde compétitif d’aujourd’hui, marqué par beaucoup d’incertitude. Pour convaincre une entreprise de s’installer ici, il faut que les infrastructures soient prêtes dès le jour un.»
En tant que zone industrialo-portuaire, le port de Saguenay compte déjà quelques atouts dans son jeu. «Dans les années 1970, le port a été relocalisé en dehors de l’ancienne ville de Chicoutimi par le gouvernement fédéral. Nous avons de grands terrains qui nous appartiennent; ils ne sont pas occupés et ne sont pas zonés agricoles, ce qui est rare au Québec. Et nous sommes un hub intermodal, connecté au chemin de fer continental et au réseau routier.»
Avec les 105 M $, le Port projette maintenant de construire un convoyeur de marchandise en vrac multiusager, une rampe de chargement et de déchargement sur roues destinées au transport maritime courte distance (TMCD), de développer de nouvelles capacités énergétiques et de construire un boulevard industriel doté des services municipaux de base qui mène directement aux terrains industriels.
«Cet investissement nous aide grandement dans le démarchage que l’on fait avec Investissement Québec international et la corporation de développement économique Promotion Saguenay, fait valoir Carl Laberge. Si on pense à l’activité forestière et minière qui se fait au nord, on offre un endroit idéal pour faire une transformation additionnelle des matières premières qui proviennent de ces industries.»
Le PDG pense tout particulièrement aux projets miniers en lien avec la filière batterie. «Il y a plusieurs projets prometteurs en développement au niveau des métaux critiques.» Mais pas seulement. En effet, le Port de Saguenay ne limite pas sa prospection à des projets industriels en lien avec des matières premières provenant du Québec. «Le meilleur exemple est l’industrie de l’aluminium, qui fonctionne depuis 100 ans au Saguenay, alors que la matière première pour la produire, la bauxite, vient de Guinée ou de Jamaïque. On a d’autres avantages, soit l’énergie et la logistique.»
Tout juste avant Noël, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE), Pierre Fitzgibbon, a par ailleurs confirmé que le Port de Saguenay obtiendrait suffisamment de «mégawatts» pour «deux ou trois projets»industriels importants. La déclaration s’est faite dans un contexte où la mairesse de Saguenay, Julie Dufour, réclame depuis plusieurs mois un bloc de 500 mégawatts pour le développement de la zone industrialo-portuaire de Saguenay.
Carburants alternatifs et TMCD
À plus long terme, Carl Laberge croit que le Port de Saguenay peut se positionner avantageusement dans une chaîne d’approvisionnement mondiale qui cherche à se décarboner. «C’est facile d’électrifier de petits véhicules. Or, dans le transport lourd et dans le transport maritime, tout indique que l’on va se tourner vers des carburants alternatifs, comme l’hydrogène et ses dérivés. Et il y a une dimension stratégique à produire des carburants verts là où ils seront distribués [dans des lieux de transits intermodaux]», explique le PDG, qui aimerait bien voir s’établir de tels producteurs à Saguenay.
La question se rattache d’ailleurs au dossier du TMCD. «Lorsqu’un port peut accommoder le TMCD, comme ce sera le cas à Saguenay avec notre rampe de transbordement, ça devient particulièrement intéressant. Si des bateaux refont régulièrement les mêmes trajets, on pourra plus facilement établir un réseau de distribution de carburant vert à l’échelle locale.»Voilà une belle vision maritime «durable»pour Saguenay.