(Photo: 123RF)
À VOS AFFAIRES. Vous avez probablement entendu parler, récemment, dans les médias, de ce sondage du Groupe financier BMO qui fait ressortir que les Canadiens croient qu’il leur faut à présent économiser 1,7 million de dollars (M $) pour prendre leur retraite, une augmentation de 20 % par rapport à 2020.
Cette croyance est-elle fondée ? Essayons d’y voir plus clair.
Quand on fait des projections financières, il est important de s’appuyer sur des normes, des balises. Or, au Québec, ces normes sont dictées par l’Institut québécois de planification financière (IQPF).
Comme je l’ai déjà mentionné à quelques reprises, la variable la plus importante est l’écart entre les taux de rendement prévus et ceux de l’inflation. Une projection avec un taux d’inflation annuel prévu de 8% et un taux de rendement annuel de 10 % ressemblera davantage à une projection contenant une inflation de 2 % et un rendement de 4 % (écart de deux points de pourcentage) qu’à celle illustrant une inflation de 3 % et un rendement de 7% (écart de quatre points de pourcentage).
Or, quelle est la différence entre le contexte actuel et celui de 2020 ? L’inflation. Devrait-on utiliser des taux d’inflation supérieurs quand on planifie notre retraite ? Peut-être est-ce cette variable qui fait craindre les Canadiens.
La Banque du Canada a comme objectif de contrôler l’inflation et de la ramener autour de 2 % (dans une fourchette de 1 % à 3 %). À moins d’échouer dans cette mission, l’inflation redeviendra (on ne sait pas quand exactement) «normale»et on sera alors très confortables avec l’idée de faire des projections avec une inflation moyenne de 2 % par année. Si tel n’était pas le cas (l’inflation resterait plus élevée), les écarts entre les rendements de portefeuille et l’inflation seront réduits.
Cela dit, a-t-on besoin de 1,7 M $pour prendre une retraite adéquate ? Évidemment, la réponse varie selon la situation de chaque investisseur. Alors qu’une personne à faible revenu aura peut-être assez de ressources financières provenant de l’État sans avoir besoin d’épargner quoi que ce soit, une personne riche aura peut-être besoin de 10 M$ ou plus…
Comme le sondage a été fait à l’échelle canadienne sans égard au revenu, prenons l’exemple d’une personne seule qui gagne le revenu annuel canadien moyen. En 2021, ce revenu était de 58 792 $, selon Statistique Canada.
Tout d’abord, il faut savoir que le revenu «brut» d’une personne n’a que très peu d’utilité pour l’une des variables, celle du coût de la vie. Il faut savoir combien une personne dépense pour planifier son avenir. De cette façon, on peut déterminer à quel moment une personne «peut»prendre sa retraite. À défaut de le savoir, on doit connaître le moment désiré de sa retraite pour estimer son coût de vie «possible».
Prenons le cas d’une personne de 62 ans (âge de retraite désiré moyen du sondage) à l’aube de sa retraite qui veut avoir assez d’argent pour se rendre à 95 ans, et mettons-lui 1,7 M$ dans son REER (ce qui est le plus pénalisant du point de vue fiscal).
Combien cette personne pourra-t-elle dépenser annuellement ? Selon mes calculs, avec des hypothèses réalistes (dont quelques-unes conservatrices) dont je vous fais grâce: près de 58 000 $! Pour un couple, on parle de quasiment le double !
Il y a donc une incohérence ici. Une personne qui gagne le revenu annuel canadien moyen pourrait ainsi «dépenser» presque l’équivalent de son revenu brut. Elle a donc mal planifié sa retraite, si tel est le cas, s’étant beaucoup trop privée pendant sa vie active. Accumuler 1,7 M$ avec un salaire annuel de 58 000 $, ça demande des sacrifices énormes !
Évidemment, ce n’est qu’un seul cas… mais pourquoi un cas «moyen» réel aurait des chiffres éloignés des nôtres ?
Cette incohérence est probablement due en partie aux 53% de personnes du sondage qui n’ont «aucune idée» du montant dont ils auront besoin… À vos crayons, svp, avant de décourager tout le monde !