(Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Le notaire, cet officier public reconnu par l’État, possède divers rôles, dont celui de conseiller juridique et d’émettre des documents notariés. Ces documents, au caractère authentique, sont incontestables devant les tribunaux, que ce soit quant à leur contenu ou à l’exactitude de la date et des signatures apposées.
Le notaire conserve l’original du document notarié (la minute). Il ne peut donc pas être perdu ni altéré. Selon la loi, les actes notariés sont conservés à perpétuité.
La technologie blockchain, quant à elle, permet de créer un grand registre de contenus validés par les pairs, horodatés, infalsifiables et perpétuels.
Je suis confiant d’affirmer qu’il y a une symbiose potentielle.
Réfléchissons ensemble
Les précieux conseils d’un notaire constituent, selon moi, l’élément différenciateur par rapport à la technologie blockchain. Mais qu’en est-il réellement?
Mondialement, plusieurs projets convergent pour tenter de chambouler la profession de notaire. Que ce soit la création de testaments numériques, la possibilité d’échanger des contrats avec des signatures numériques ou des initiatives utilisant la chaîne de blocs comme base de données.
Par contre, il existe des enjeux difficiles à surmonter. Comment garantir que derrière mon écran je suis bien la personne que je prétends être et, en l’occurrence, détenir ce que je prétends détenir?
Je l’ai mentionné dans mes articles précédents, l’identité numérique reliée à une clé de signature privée est un pilier manquant pour faire avancer et permettre ce genre d’application.
Cette nouvelle technologie, dont la force réside dans la fiabilité du contenu, doit être associée à des processus technologiques permettant de confirmer mon identité et, éventuellement, que je détiens réellement les biens que je décris.
Contrairement au bitcoin, dont le contenu monétaire est créé à même le réseau par les mineurs, il faut trouver comment certifier que le contenu externe (identité, registre foncier, document financier et autres) est véridique.
Il faut donc considérer la complexité qu’apporte l’interfaçage entre le monde numérique et le monde «réel».
Pour que la blockchain remplace un jour le notaire, ce n’est pas aussi simple que de mettre un PDF dans une blockchain ou de scanner un document papier.
L’assistance du notaire lors de transactions importantes permet d’aider les gens par rapport à leurs choix, mais également d’identifier les personnes. Selon un notaire expert de mon entourage, en moyenne 10 documents externes peuvent être analysés par le notaire afin de certifier les propos des participants.
On peut donc conclure que le rôle différenciateur du notaire va bien au-delà de celui de conseiller. L’identification et la validation dans le monde réel des individus et des biens sont nécessaires, pour le moment; des composantes essentielles de la mission d’officier public.
Les pistes d’action
Dans un premier temps, je perçois une opportunité pour standardiser certains documents qui, une fois remplis, pourraient être digitalisés sur un réseau blockchain par des notaires. Éventuellement, l’obtention d’un pedigree pour les éléments transigés pourrait être intégrée au processus. Celui-ci permettrait d’illustrer l’historique des évènements pour un élément précis.
Les entités qui implémenteront ce genre de technologie devront toutefois être visionnaires afin de rendre ces documents et contrats connectables.
Selon moi, l’étape 1 est de numériser certains documents, d’en normaliser le contenu par type et de s’assurer que les participants puissent conserver leurs clés privées de façon sécuritaire.
L’étape 2 est d’ajouter le pedigree des biens négociés via un identifiant unique dans les documents ou les contrats. Par exemple, on peut penser à un registre foncier connectable ou un «carproof» pour les véhicules.
L’étape 3 est de concevoir des déclencheurs numériques qui permettraient une interaction intercontenue. Par exemple, la réception d’une somme d’argent permet le transfert d’un élément ou l’acte de décès déclenche un transfert des biens et autres. Dans ce scénario, les contrats intelligents garantissent que certains actifs ne sont transférés qu’après la réalisation de certaines clauses.
Il y a beaucoup de chemin à faire avant d’arriver à cette étape.
L’étape 4 dans une approche visionnaire mais réaliste est la liaison éventuelle des éléments de documents standardisés et signés par les participants à une forme d’intelligence artificielle. Dans un cas de litige, ces éléments pourraient être utilisés comme intrant pour permettre à l’IA d’analyser rapidement différents contrats ou propos.
Nouveau canal de distribution
Actuellement, je crois que certains documents plus simples pourront être normalisés et utilisés sans l’aide d’un notaire. Par contre, dans le cas de transactions importantes, le notaire jouera le rôle d’expert-conseil et validera les identités et propos des participants.
Comme la «LegalTech» est offerte à l’échelle mondiale, il est important d’optimiser l’expérience utilisateur, sans quoi, des firmes d’ailleurs pourront offrir leurs services à nos concitoyens.
Pour ce créneau de l’industrie, je crois que la technologie blockchain est une variable supplémentaire qui fait prendre conscience qu’il y a des avancées technologiques qui sont disponibles pour innover. Cependant, à court terme, je crois qu’il s’agit principalement d’un enjeu de canal de distribution. Celui-ci doit évoluer et être disponible sur mobile, sur tablette et sur ordinateur.
Monde numérique, le rôle du notaire
Je crois que le rôle du notaire restera similaire. Celui-ci devra s’assurer que les contrats virtuels ou intelligents développés reflètent bien l’intention des participants, qu’il devra conseiller. Il pourra ainsi continuer d’occuper les rôles de conseiller juridique et d’officier public.
Les notaires auront donc à se tailler une place dans le nouveau canal de distribution créé et à trouver comment interagir facilement avec leurs clients. Un regroupement de notaires pourraient par exemple développer et approuver une banque de contrats virtuels.
Je vous laisse sur une pensée: pour faire un testament, il faut être en mesure de comprendre et d’exprimer sa volonté. Dans le monde virtuel, quels sont les recours lorsqu’un proche désire aider une personne inapte qui ne peut pas utiliser sa clé de signature privée? Qui gouvernera dans le monde virtuel?