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Bombardier: les explications d’Alain Bellemare

Karl Moore|Publié le 29 février 2020

Bombardier: les explications d’Alain Bellemare

M. Bellemare revient sur les décisions prises par l'avionneur dans les derniers mois. (Photo: Getty Images)

BLOGUE INVITÉ. Quand Alain Bellemare a pris la direction de Bombardier Inc. en 2015, il était sûr qu’en cinq ans, il pourrait redresser l’organisation montréalaise. Le dirigeant chevronné savait qu’il faudrait s’attaquer au problème de l’endettement de Bombardier, mais il n’avait pas envisagé un processus de désinvestissement aussi vigoureux que celui qu’il a dû mener au cours de son mandat.

« Lorsque j’ai rejoint Bombardier il y a cinq ans, j’étais convaincu que les problèmes de l’entreprise tournaient autour de la CSeries, qui représentait une importante perte de liquidités pour l’organisation, se souvient M. Bellemare. Je pensais qu’une fois que ce problème serait réglé, je pourrais me concentrer sur le reste de l’entreprise. Mais j’ai ensuite réalisé que nous avions des défis à relever à travers presque toute l’organisation. »

Ces défis ont atteint un point culminant le mois dernier. Le 13 février, Bombardier a annoncé le transfert de sa part de 33,6 % dans l’A220 à Airbus SE et au gouvernement du Québec, et le 17 février, Bombardier a confirmé la vente de sa division ferroviaire à Alstom SA pour 8,2 milliards de dollars américains. En l’espace d’une semaine, l’entreprise s’est retirée des secteurs de l’aviation commerciale et du transport ferroviaire.

L’accord entre le géant français du rail Alstom et Bombardier était nécessaire, selon M. Bellemare. Alors que la société québécoise faisait face à une pression croissante pour réduire sa dette et qu’elle avait peine à dynamiser certains programmes à problèmes tels que les avions CRJ et Q400, elle a dû déterminer laquelle de ses deux activités restantes devait être vendue.

Depuis 2015, Bombardier a exécuté des projets ferroviaires phares comme la MTA de New York et les services TTC et Metrolinx de Toronto, mais ces projets ont souvent été marqués par des difficultés techniques et des retards de livraison. M. Bellemare attribue en partie ces difficultés à la complexité du développement et de l’intégration des logiciels dans le secteur ferroviaire.

« Il y a eu un changement technologique important du côté des trains et cela a complexifié nos opérations, dit-il. Nous devions ajouter un ensemble de compétences très différentes à l’entreprise, que nous n’avions pas en interne. Il a donc fallu du temps pour s’adapter à cette technologie nouvelle et évolutive du côté des trains. »

De plus, en raison de la croissance rapide de la capacité ferroviaire chinoise, M. Bellemare estime que l’industrie a besoin de consolidation considérable. Le PDG de Bombardier avait voulu faciliter cette consolidation depuis son arrivée dans l’entreprise, mais leur budget ne leur permettait pas de faire progresser les conversations qu’ils avaient entamées avec Hitachi, Siemens et Alstom.

« Nous avons décidé que si ce n’était pas nous qui menions la consolidation, nous devions envisager de vendre, dit le PDG à propos de leur accord avec Alstom. »

Suite à ces derniers désinvestissements, Bombardier peut désormais se concentrer exclusivement sur son activité d’aviation privée. Les produits à marge élevée de la société comprennent les appareils de la série Global, qui devraient représenter une part importante des 160 livraisons d’avions de la société en 2020.

M. Bellemare s’attend à ce que la demande mondiale de jets d’affaires augmente avec le temps et il réfute les craintes des analystes concernant la nature cyclique du marché de l’aviation privée.

« Nous vendons aux grandes entreprises et nous vendons aux personnes qui ont l’argent pour acheter ces gros jets, explique-t-il. Par conséquent, nous avons constaté un découplage très important entre le cycle économique et ce segment de notre activité au cours des dix dernières années. »

Si Bombardier n’a plus de parts dans l’aviation commerciale, M. Bellemare ne pense pas que les efforts de l’entreprise pour développer la CSeries seront vains. Bon nombre des progrès technologiques qui ont servi à développer la CSeries ont été transférés au segment des avions d’affaires, créant un effet de vague sur la gamme des produits de Bombardier.

Pour le PDG de l’avionneur, la C Series a également mis en évidence le talent de la main-d’œuvre locale qui a su produire un avion à la hauteur des offres d’Airbus et de Boeing.

« Notre capacité d’ingénierie au Québec est sans égale, dit M. Bellemare. Nous sommes très capables, mais quand on entre dans une autre ligue, il faut avoir la force financière pour pouvoir lancer un tel projet, le réaliser, le faire monter en puissance et l’amener sur le terrain. Et c’était vraiment notre plus gros problème. »

Après cinq années éprouvantes au sein de l’entreprise, M. Bellemare a l’intention de continuer à mener le redressement qu’il avait prévu au début de son mandat. Il espère que le talent des employés locaux de Bombardier, combiné à la promesse du secteur des jets d’affaires, contribuera à stabiliser l’avenir de l’entreprise.

« Avec le temps, les gens verront un nouveau Bombardier, capable de rivaliser à l’échelle mondiale, ici même, depuis Bombardier, espère M. Bellemare. C’est toujours une grande entreprise qui a une croissance du chiffre d’affaires, une piste d’expansion des marges, une clientèle incroyable et des produits fantastiques. Tous les ingrédients sont là pour que le succès soit au rendez-vous. »

Lien vers le balado (en anglais seulement)

Le présent article est une transcription condensée et modifiée d’une entrevue animée par Karl Moore, professeur agrégé à l’Université McGill, dans le cadre de l’émission The CEO Series, présentée sur les ondes de CJAD et produite par Marie Labrosse, étudiante à la maîtrise en langue et littérature anglaises à l’Université McGill. L’entrevue intégrale fait partie de la plus récente saison de The CEO Series et est disponible en baladodiffusion