Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires
  • Accueil
  • |
  • Bourse: la Fed souffle le chaud et le froid
Dominique Beauchamp

La Sentinelle de la Bourse

Dominique Beauchamp

Analyse de la rédaction

Bourse: la Fed souffle le chaud et le froid

Dominique Beauchamp|Publié le 22 septembre 2022

Bourse: la Fed souffle le chaud et le froid

La Fed a insisté sur le fait qu’elle est loin d’être parvenue à ses fins et a répété que les conséquences pour l’économie sont le prix à payer pour venir à bout de la forte inflation. (Photo: Getty Images)

Il aura fallu que neuf autres banques centrales haussent aussi leurs taux directeurs et que l’annonce de coupes d’impôts controversées en Grande-Bretagne fasse plonger la livre avant que le durcissement du message de la Fed ne revienne hanter les marchés américains dans une sorte d’effet boomerang. 

La récession mondiale devient le scénario de base et divers stratèges se sont empressés de réduire leurs cibles pour les indices boursiers et les profits, tirant les Bourses fortement vers le bas vendredi, avant que les chasseurs d’occasions ne limitent les dégâts.

La volatilité, qui était surtout présente dans les marchés obligataires et des monnaies, a finalement rejoint les Bourses. Le baromètre de la peur, le VIX a grimpé de 16% à 31,7 en cours de séance, vendredi.

L’indice mondial MSCI est tombé dans un marché baissier de 20% tandis que le Dow Jones l’a frôlé en cours de séance. 

Le S&P/TSX a particulièrement souffert de la chute de 5% du pétrole brut (WTI) dont la demande pourrait baisser dans une récession. L’indice torontois ainsi que le S&P 500 américain se sont affaissés de 4,7%, cette semaine.

 

Le jeu des attentes

Mercredi et jeudi, la réaction des marchés aux nouvelles prévisions de la Fed apparaissait modérée même si peu de financiers avaient scénarisé un taux directeur de 4,6% l’an prochain. 

Néanmoins, comme c’est souvent le cas lors des décisions monétaires, la banque centrale nourrit tous les points de vue, puisque les investisseurs interprètent ses propos en fonction de leurs propres attentes, avant sa déclaration.

D’un côté de la médaille, la possibilité que le taux directeur grimpe d’encore 135 à 160 points de pourcentage à un pic de 4,6% en 2023 a de quoi ébranler ceux qui misaient plutôt sur une pause par la Fed d’ici la fin de l’année, afin de prendre le temps d’observer l’effet décalé sur l’économie des hausses déjà décrétées.

De l’autre côté de la médaille, la prévision médiane des 19 membres de la Fed laisse entrevoir une dernière hausse de 25 points de pourcentage à 4,50-4,75%, en février ou en mars 2023, qui serait suivie par une pause et ensuite d’une première baisse du taux directeur en septembre 2023 (jusqu’à environ 4,3% en novembre 2023).

Ce portrait correspond globalement à ce que les marchés à terme avaient intégré pour l’an prochain, c’est-à-dire le pivot potentiel de la Fed, bien qu’il survienne quelques mois plus tard qu’attendu, fait remarquer Charlie Bilello, fondateur de Compound Advisors, sur Twitter.

 

Le pire de la hausse des taux est passé?

Les taux obligataires américains de deux ans, les plus sensibles à la politique monétaire, avaient déjà atteint 4% avant la décision de la Fed, ce qui signifie que 60 points de pourcentage séparent la prévision médiane de la Fed pour 2023 et les taux de deux ans (le 21 septembre). Cela se compare à la remontée rapide de 325 points de pourcentage déjà décrétée depuis mars 2022.

Bien que la détérioration de l’économie et des profits se fera de plus en plus sentir, le marché regarde vers l’avant et certains investisseurs parient que chaque hausse de taux rapprocheun peu plus la Fed de son but. La banque centrale prévoit toutefois que l’inflation atteindre l’objectif de 2% en 2025.

La bonne tenue de la Bourse, dans les circonstances, reflète aussi les espoirs, chez d’autres investisseurs, que la Fed se trompe et que l’inflation se modérera plus vite qu’elle ne le croit puisque plusieurs indicateurs piquent déjà du nez: les cours des matières premières, les composantes des prix payés dans les indices régionaux d’activités économiques, le désengorgement de la chaîne d’approvisionnement, la baisse du prix des maisons, etc.

 

Une grève d’acheteurs à court terme

Entre ces forces contradictoires, cependant, on assiste pour l’instant à une grève d’acheteurs plutôt qu’à une réelle fuite de la part des investisseurs. Il faut dire que les investisseurs avaient déjà une posture très prudente avant la Fed. En témoignent l’encaisse élevée (6,1% en septembre, un sommet en 21 ans) des gros gestionnaires mondiaux de portefeuille sondés par Bank of America ou encore le degré élevé de pessimisme (60% en septembre) des investisseurs sondés par l’American Association of Individual Investors (AAII).

Ceci dit, bien des observateurs conseillent de ne pas tirer de conclusions des fluctuations à court terme des marchés, puisque tous les scénarios sont encore sur la table.

On a vu et entendu cette semaine des stratèges prévoir un taux directeur de 5% — et même plus — tandis que d’autres ont averti les investisseurs trop complaisants contre l’impact sous-estimé d’une récession sur les profits des entreprises qui chutent de 20% en moyenne.

 

Pourquoi les taux à long terme ne grimpent pas autant

Même le marché obligataire divise les pros. Certains d’entre eux estiment que la stabilisation des taux à long terme indique que les négociateurs prédisent déjà que l’inflation sera bientôt sous contrôle.

D’autres financiers font valoir au contraire que c’est le risque croissant de récession qui envoie les investisseurs dans le refuge des obligations et leur rendement attrayant de 3,7% (pour les obligations américaines de 10 ans). L’achat d’obligations fait monter leur valeur marchande, mais abaisse leur rendement à l’échéance.

Les plus pessimistes avertissent que si la Fed est déterminée à ce que les taux réels (les taux moins l’inflation) redeviennent positifs, et ce pour toutes les échéances des obligations du Trésor, le pire est à venir pour les actifs financiers qui devront tous être réévalués à la baisse. Ce rajustement pourrait se produire de façon violente ou s’étaler sur une longue période ponctuée de rechutes.

Il n’est pas étonnant alors que les stratèges soient nombreux à prévoir un marché en dents de scie qui oscille entre les pôles de 3100 et 4300 dans les mois qui viennent.

La notion de temps influence aussi énormément les recommandations. Un négociateur qui cherche à battre le marché à court terme ne voudra pas ajouter à ses actions à l’aube d’une récession potentielle pour s’éviter des pertes, tandis qu’un investisseur plus patient sera disposé à magasiner des aubaines en espérant profiter de la reprise après la récession, quitte à subir des pertes pendant quelques mois ou même plus.