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Dominique Beauchamp

La Sentinelle de la Bourse

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Analyse de la rédaction

Bourse : la remontée ratisse des sceptiques

Dominique Beauchamp|Publié le 31 mars 2023

Bourse : la remontée ratisse des sceptiques

Le S&P 500 a avancé de 7% au premier trimestre, mais reste 14% sous le sommet de janvier 2022. (Source: VettaFi)

La Bourse a le don de déjouer les pronostics comme en témoigne le fort premier trimestre aux États-Unis. L’Europe et les marchés mondiaux profitent tout autant de la remontée.

Malgré la neuvième hausse du taux directeur de la Fed et les craintes que la crise bancaire étrangle la capacité des banques à prêter, le S&P 500 s’est offert un gain de 7% qui le rapproche du sommet récent de 4195 du 2 février 2023.

À Toronto, l’indice S&P/TSX a avancé de 3,8% au premier trimestre en dépit du déclin de 3,8% des cours des matières premières (dont le pétrole) au premier trimestre et la chute de 7% du secteur financier en mars.

Les amateurs d’annales boursières et les financiers qui les citent, font miroiter un autre bon mois en avril, qui s’avère être le deuxième mois de l’année le plus rentable (+1,4% en moyenne), après le mois de juillet (+1,7% en moyenne) depuis 1928.

Les analystes techniques eux signalent qu’en 50 ans, le S&P 500 ne s’est jamais apprécié pendant deux trimestres consécutifs pendant les marchés baissiers. Ils en concluent que le creux d’octobre 2022 tiendra et qu’il s’avérera le début d’une nouvelle phase haussière.

La remontée étonnante des cours, surtout dans le secteur malmené de la technologie en 2022, a attiré des acheteurs en quête de bons rendements pour clore le premier trimestre. Le secteur de la technologie de l’indice S&P 500 a grimpé de 21,5% au premier trimestre et de 10,9% en mars, celui des communications, de 20,2% et de 10,4% respectivement.

Les vendeurs à découvert, particulièrement actifs dans les titres de technologie, ont aussi acheté des actions afin de limiter leurs pertes.

La forte performance des titans de la technologie laisse bien des observateurs perplexes. Pour certains, le mouvement de refuge dans les riches ténors de la technologie peu touchés par la crise bancaire indique que le rebond boursier profite à trop peu de titres et reste fragile.

D’autres au contraire saluent le fait que les investisseurs s’abritent dans les poids lourds de la techno, en espérant voir les autres secteurs plus cycliques prendre ensuite le relais, au lieu de quitter la Bourse.

Toutes sortes de raisons sont évoquées pour expliquer le rebond vigoureux de la technologie que ça soit la fièvre ChatGPT, le nouveau recul des taux qui revalorise leurs cours, la stabilisation des prévisions de bénéfices technologiques ou encore les liquidités de 720 milliards de dollars américains injectées en mars par les banques centrales américaine, européenne et japonaise pour amortir le stress financier mondial.

 

Se projeter en 2024

Martin Roberge de Canaccord Genuity sent aussi une certaine lassitude chez ses clients à propos de la récession annoncée qui n’arrive pas, même si la rechute des taux et l’écart entre les taux à court et à long terme sont tous deux annonciateurs de récession.

«Plusieurs cherchent des pousses vertes et les trouvent dans la résilience de la Bourse face au resserrement monétaire et à la mini-crise bancaire. Cela suffit à ranimer leur enthousiasme», évoque-t-il.

Plusieurs d’entre eux considèrent aussi que l’évaluation du S&P 500 est assez «raisonnable» pour se projeter en 2024 et ainsi fermer les yeux sur les bénéfices de 2023, pour soupeser l’attrait des actions.

Martin Roberge est d’accord pour dire que le multiple de 16,8 fois les bénéfices prévus en 2024 du S&P 500 n’est pas excessif, mais il rappelle qu’après une récession, il faut compter plus de deux ans en moyenne avant que les profits ne retournent au point culminant du cycle précédent.

Après une récession, il faut compter plus de deux ans avant de retrouver le sommet des profits du cycle précédent (Source: Canaccord Genuity)

Les bénéfices du S&P 500 ayant culminé à 220$ US en septembre 2022, et la récession des profits ayant commencé, cela suggère que les bénéfices ne retrouveront pas le niveau de septembre 2022 avant la fin de 2025, donne-t-il en exemple. Les clients devront donc prendre leur mal en patience. 

«Bien que nous soyons plus optimistes que le consensus pour les profits, en prévoyant un recul de 7% pendant la récession, nous sommes plus pessimistes au sujet de la période de récupération ensuite, comme l’histoire le suggère», explique le stratège de Montréal.

Les Bourses auront bientôt à passer un autre test des profits puisque les résultats du premier trimestre seront dévoilés dès la mi-avril aux États-Unis. Dans son bulletin de vendredi, Martin Roberge se demande si les entreprises obtiendront le même passe-droit qu’au premier trimestre.

Les bénéfices avant impôts déclinent depuis deux trimestres aux États-Unis, pour la première fois depuis la pandémie, selon les comptes nationaux qui servent à mesurer le produit intérieur brut, signale David Rosenberg, économiste à la firme qui porte son nom.

Les marges bénéficiaires ont déjà fondu du sommet de 17% à 13,9%, mais elles restent élevées par rapport à la moyenne historique, précise pour sa part Liz Ann Sonders, stratège en chef de Charles Schwab & Co.

Les investisseurs sont entre deux eaux comme la Bourse qui vivote entre le combat contre l’inflation encore élevée et la menace d’une récession.

La performance des deux derniers trimestres fait un peu oublier la double chute historique des actions et des obligations de 2022. Si on prend un peu de recul, le S&P 500 est encore 14% sous le sommet du 3 janvier 2022.