(Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Au cours des deux dernières décennies, il y a eu une explosion de biens et services qui sont à la fois gratuits pour les utilisateurs, mais aussi d’une très grande valeur. L’outil de recherche Google ainsi que GoogleMaps, Facebook, Whatsapp, Skype et Wikipedia ne sont que quelques exemples.
Mais au juste, quelle est la vraie valeur de ces services gratuits? Heureusement, des chercheurs dans le domaine universitaire comme Erik Brynjolfsonn, Avinash Collisa et Felix Eggers ont déjà effectué des travaux.
Dans leur étude, ils ont demandé aux utilisateurs de Facebook combien ils devaient être payés (1$ à 1 000$) pour ne pas utiliser Facebook pendant un mois. Afin de rendre les enjeux réels, ils ont promis de verser l’argent à un échantillon de personnes interrogées si elles n’utilisaient pas le réseau social.
Il s’est avéré que l’utilisateur médian de Facebook aux États-Unis avait besoin d’une indemnisation d’environ 48$, soit 576$ par an pour se priver du service. Le lecteur astucieux nous fera remarquer que même si son utilisation est libre, Facebook capte une certaine valeur sous forme de dollars publicitaires. C’est vrai, mais même sur leur marché le plus développé (États-Unis et Canada), où ils réalisent un revenu annualisé de 125,85$ par utilisateur, il est clair que Facebook ne reçoit pas toute la valeur perçue par utilisateur. Du moins, pas encore!
Même pour les produits dits dispendieux, ce phénomène prix-valeur ne cesse de réapparaître. Chaque fois qu’Apple lance un téléphone à 1 000$, la compagnie est généralement critiquée par une partie des consommateurs ou par la presse qui se lamente des prix élevés. Ce que ces gens oublient généralement de mentionner, c’est que ces nouveaux téléphones peuvent remplacer de nombreux produits tels le téléphone fixe, l’appareil photo, le GPS, l’écran de télévision, le lecteur de musique, la lampe de poche, l’agenda et bien plus encore. Il y a quelques années à peine, si ces biens devaient être achetés individuellement, leur coût aurait facilement pu être plusieurs fois supérieur au prix du téléphone.
Qu’est-ce que tout cela signifie pour l’économie mondiale et le monde de l’investissement? Premièrement, il faut regarder les chiffres de la croissance du PIB avec un peu de suspicion. Bien que la croissance du PIB mondial ait été lente, les augmentations réelles de richesse et de productivité sont probablement beaucoup plus élevées. Par exemple, selon l’économiste Hal Varian, nous avons pris 80 milliards de photos en 2000 et 1,6 billion en 2015, mais le prix par photo est passé de 0,50$ à 0$. La croissance du nombre de photos n’apparaîtra pas dans les chiffres officiels du PIB, bien au contraire. Comme investisseur, l’utilisation d’anciennes mentalités peut vous faire rater les entreprises et leurs produits qui possèdent un pouvoir de tarification inexploité. Ce qui ressemble à un téléphone coûteux pour un investisseur représente un pouvoir de tarification inexploité pour un autre.
Au risque de citer encore une fois Warren Buffett, ce qu’il a dit à propos des actions est probablement tout aussi applicable à ces nouveaux modèles commerciaux et à leurs produits gratuits: le prix est ce que vous payez, mais la valeur est ce que vous obtenez en retour! Les utilisateurs ont de toute évidence reçu beaucoup de valeur ces dernières années.
Patrick Thénière, CIM, Associé Barrage Capital