Après un juin historique, juillet commence sur un bon pied pour le S&P 500. (Source: Bloomberg)
L’espoir que la Réserve fédérale amorce un cycle d’assouplissement monétaire diminue, mais pour les bonnes raisons.
Résultat: la Bourse américaine a légèrement fléchi de 0,2% le 5 juillet après l’annonce de la création surprise de 224 000 emplois en juin.
La Bourse américaine s’est offerte une autre semaine de gains 1,2 à 1,9% pour les trois grands indices.
Le S&P 500 a même engrangé trois records au cours de la semaine ponctuée par le congé de la Fête nationale du 4 juillet.
À Toronto, le recul de 2% de l’or a fait fléchir le S&P/TSX de 0,3% le 5 juillet, mais l’indice a surnagé de 0,9% pendant la semaine écourtée.
Le rebond de l’emploi américain, incluant 17000 dans le secteur manufacturier, suggère que l’économie américaine résiste mieux que prévu au ralentissement mondial provoqué par le conflit commercial sino-américain.
Cette résilience rappelle que l’énorme économie américaine dépend moins (12,5%) que d’autres du commerce mondial.
Le secteur manufacturier, où la faiblesse se concentre, représente seulement 12,5% de l’activité économique américaine puisque les services et les consommations dominent.
La Fed n’aime pas surprendre
La plupart des observateurs croient encore à une baisse imminente de 0,25% du taux directeur par la Fed parce que la banque centrale a rarement surpris les marchés lorsqu’ils incorporent déjà un scénario.
Les contrats à terme accordent une chance de 100% à une première coupe du taux interbancaire d’un jour par la Fed le 31 juillet, selon Pension Partners.
Par contre, les probabilités d’une coupe de 0,50% sont tombées de 29% à 9%.
En se fiant à la proportion de 14,7% des employés américains qui quittent leur emploi pour un autre – un sommet en 20 ans – Stéfane Marion, stratège de la Financière Banque Nationale, prévient que la Fed ne sera pas aussi énergique que ne l’espèrent les investisseurs.
Les travailleurs sont les plus nombreux à quitter leur emploi pour un autre en 20 ans, un signe que le marché de l’emploi se porte bien. (Source: Financière Banque Nationale)
Cinq motifs de baisser les taux
Pourquoi la Fed baisserait-elle son taux directeur alors que la Bourse américaine enfile des sommets et que l’économie reste résiliente?
La banque centrale doit essentiellement retirer la hausse de taux de décembre 2018 qui était injustifiée compte tenu du parcours de l’inflation depuis, disent certains.
De plus, la Fed n’évolue pas en vase clos non plus. Les récentes coupes de taux ailleurs dans le monde ont un effet gravitationnel sur sa politique monétaire, expliquent d’autres. Ce mécanisme vise à éviter les grands déséquilibres mondiaux.
Un trop grand écart entre les taux américains et ceux de l’Europe et du Japon, entre autres, pourrait pousser le dollar américain davantage à la hausse et ainsi nuire encore plus à la compétitivité américaine dans les échanges commerciaux.
En même temps, la Fed bénéficie de plus de marge de manoeuvre que ses consoeurs pour abaisser ses taux si le conflit commercial s’éternisait et affaiblissait trop l’économie et les profits des entreprises.
L’imposition d’énormes tarifs sur l’acier importé du Vietnam, cette semaine, illustre d’ailleurs que l’administration américaine maintient la ligne dure.
Si l’économie américaine reste «solide», selon le plus récent rapport à mi-année de la Fed, le reste du monde perd pied.
L’indice manufacturier mondial PMI de JP Morgan est tombé sous le seuil de croissance de 50 pour un deuxième mois consécutif en juin, au plus bas niveau depuis octobre 2012.
L’activité manufacturière de 18 des 30 pays répertoriés se contracte, précise aussi Pension Partners
Pour toutes ces raisons, la Fed voudra sans doute s’offrir une «police d’assurance», en réduisant son taux directeur à la fin de juillet, croit Manesh Deshpande, stratège américain de Barclays.
Les sommets boursiers ne sont pas un obstacle non plus à un assouplissement par la Fed, soutient l’économiste Douglas Porter de la Banque BMO, citant les précédents de 2007, 1995, 1990, 1986 et 1985.
« La comparution de Jerome Powell devant le Congrès américain les 10 et 11 juillet, donnera au patron de la Fed une nouvelle occasion d’encadrer les attentes. »
Le 9 juillet verra aussi le coup d’envoi officieux des résultats du deuxième trimestre aux États-Unis, avec la PepsiCo (PEP, 103,02$US).
Les entreprises dévoileront leurs perspectives pour la première fois depuis que la Chine et les États-Unis ont convenu de reprendre le dialogue le 29 juin lors du sommet du G20.
Renflement du multiple cours-bénéfices
M. Deshpande croit que la hausse en Bourse peut se poursuivre parce que le ralentissement manufacturier ne dégénérera pas en récession grâce à la force du secteur des services.
Il accorde une probabilité de 65% au scénario l’élan boursier, de 15% à celui d’une escalade de la guerre commerciale et de 20% à celui d’une récession.
Il est dans l’intérêt de la Fed de soutenir l’économie étant donné le danger que pose le niveau déjà très modeste des taux et de l’inflation, dans l’éventualité d’une récession.
«Les baisses de taux en période de ralentissement gonflent historiquement l’évaluation des cours de deux points», indique le stratège de Barclays.
Deux à trois baisses de taux pourraient donc enfler le multiple cours-bénéfices de 17,5 à 19,9 fois, imagine le stratège.
Après un gain historique de 19% depuis le début de l’année, l’appréciation du S&P 500 suscite toujours plus de doutes que de célébrations.
Stratèges et observateurs sont nombreux à évoquer leur inconfort après un tel élan, dans un contexte très incertain.
François Trahan, d’UBS, craint que les investisseurs se piègent en interprétant positivement les mauvaises données économiques, a-t-il dit à l’agence Bloomberg.
Pour sa part, Samantha Azzarello, de JP Morgan Chase & Co. croit prudent d’encaisser des gains, de rééquilibrer le portefeuille et d’augmenter l’encaisse afin de parer aux soubresauts potentiels.
Ce blogue fera relâche jusqu’en août. D’ici là, bonnes vacances à tous.