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Dominique Beauchamp

La Sentinelle de la Bourse

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Analyse de la rédaction

Bourse: un petit répit de la Fed au lieu d’un pivot

Dominique Beauchamp|Publié le 21 octobre 2022

Bourse: un petit répit de la Fed au lieu d’un pivot

Le S&P 500 a gagné 4,75% lors de sa meilleure semaine depuis juin (Source: Advisor Perspectives)

Il aura fallu que les marchés mondiaux se dérèglent un peu ces derniers temps pour que la Fed américaine adoucisse un tant soit peu sa posture verbale et offre un répit aux investisseurs petits et gros.

Le S&P 500 a gagné 4,75%, sa meilleure semaine en quatre mois, mais l’indice n’est pas bien loin du niveau qu’il avait … en juin. Le Nasdaq s’est apprécié de 5,2% tandis que le S&P/TSX a avancé de 2,97% au cours de la semaine écoulée

Le jour même où la banque centrale entre dans la période de silence imposée jusqu’à la prochaine réunion de la Fed, le Wall Street Journal a éventé le fait que les membres de la Fed n’appuient pas unanimement une autre hausse de 75 points de pourcentage le 14 décembre. L’auteur de l’article, le journaliste, Nick Timiraos, est souvent considéré comme le messager furtif de la Fed.

La présidente de la Réserve fédérale de San Francisco Mary Daly en a rajouté, le 21 octobre, en déclarant lors d’une allocution à l’université de Californie qu’il faudra bientôt envisager de ralentir la cadence de la hausse des coûts d’emprunt.

Il n’en fallait pas plus pour renverser l’humeur en Bourse, même si ce n’est pas le pivot espéré. Mary Daly a rappelé qu’un taux directeur qui culmine entre 4,5 et 5% en 2023 reste une prévision raisonnable.

D’ailleurs, «la Fed n’a jamais, jamais, jamais réduit son taux directeur lorsque l’indice des prix surpasse le taux de chômage», ont gazouillé les stratèges de Richard Bernstein Advisors, en précisant que l’IPC est de 8,2% alors que le chômage s’établit à 3,5%.

Cs dernières semaines par contre, de plus en plus d’observateurs critiquent ouvertement la Fed pour le tour de vis monétaire très énergique des derniers mois qui risque de disloquer les marchés ou de causer un «accident financier», tel qu’une défaillance de paiement, craignent-ils.

Les taux de 10 ans ont enfilé douze semaines de hausses, surpassant le record de onze semaines observé en 1973.

Après le message adouci de la Fed, les taux de deux ans se sont un peu calmés, passant du sommet récent de 4,62% atteint le 20 octobre à 4,49%, en fin de séance vendredi.

 

Des spasmes à calmer après cinq longs trimestres de resserrement monétaire

Les hausses rapides par la Fed ont font fait monter le dollar américain de 20% en un an par rapport aux autres monnaies. Cela oblige certaines banques centrales à intervenir afin de freiner la dépréciation de leur propre monnaie et l’inflation des importations en vendant des obligations du Trésor américain, ce qui peut pousser les rendements obligataires américains encore plus vers le haut, dans une sorte de cercle vicieux.

La montée en flèche des taux américains fait monter le dollar forçant certaines banques centrales à vendre des obligations du Trésor pour freiner la dépréciation de leur monnaie (Source: Canaccord Genuity)

Les pays étrangers qui ont émis des titres de dettes en dollars américains doivent aussi acheter des dollars afin de verser leurs intérêts et rembourser la dette à l’échéance. Ces pays rachètent aussi des obligations locales afin de limiter la hausse des taux obligataires néfaste à leur économie interne, explique Martin Roberge, stratège quantitatif de Canaccord Genuity, dans son plus récent bulletin.

Le mini répit verbal de la Fed survient à la suite d’une série d’événements importuns qui ont attiré l’attention de la Fed et de la Secrétaire du Trésor Janet Yellen qui aurait privément demandé aux courtiers – qui assurent le bon fonctionnement de la négociation des obligations du Trésor – s’il serait avisé pour le Trésor américain de racheter des obligations afin de huiler l’engrenage des échanges.

La Banque centrale suisse aurait aussi fait appel au programme de contrats d’échange (swap) de devises de la Réserve fédérale à deux reprises depuis deux semaines pour mettre la main sur quelque 11 milliards de dollars américains, a rapporté l’agence Reuters.

Comme l’a démontré la réaction violente aux mesures budgétaires britanniques et leur effet sur les taux et la livre sterling, en période de disfonctionnement, il arrive que les marchés financiers imposent leur volonté.

Martin Roberge croit d’ailleurs que le Trésor américain pourrait injecter des dollars dans le système financier mondial à l’aide de « swaps » afin de donner plus d’air au marché, ce qui freinerait la hausse du dollar, pendant que la Fed conserve sa stratégie monétaire.

C’est dans ce contexte de stress que la Fed a adouci le ton avant de devoir garder le silence jusqu’à la prochaine réunion de la banque centrale les 1er et 2 novembre.

«Si d’autres présidents de la Fed appuyaient le ralentissement dans les hausses de taux, les prévisions en décembre (pour le pic du taux directeur des 12 présidents régionaux de la Banque centrale) resteraient au niveau actuel de 4,60% et la Bourse pourrait terminer l’année dans un mouvement haussier», entrevoit Martin Roberge, stratège quantitatif de Canaccord Genuity.

Ce ne serait pas nécessairement le coup d’envoi à une appréciation durable en Bourse, ajoute-t-il, parce que le repli des taux de 10 ans serait aussi un signe que l’économie et que les profits se détériorent.