Le gouvernement Legault doit choisir: ou bien conserver sa promesse de baisser les impôts, ce qui accroîtra les déficits et la dette publique; ou bien renoncer à sa promesse et peut-être se mettre quelques électeurs à dos. (Photo: 123RF)
CHRONIQUE. N’eût été des élections d’octobre, Eric Girard n’aurait pas à jouer les équilibristes en préparant son prochain budget.
Son principal défi, c’est la promesse de son parti de réduire les impôts des particuliers de 7,4 milliards de dollars (G$) au cours des quatre prochaines années, alors que l’économie surchauffe et que la probabilité d’une récession est élevée. On parle de deux réductions de un point de pourcentage des deux premiers paliers d’imposition dès 2023 et de baisses subséquentes de 0,25 point de pourcentage par année de 2027 à 2032.
Pour atténuer les effets de l’inflation, le gouvernement Legault a déjà été très généreux pour 6,5 millions de citoyens: d’abord, un crédit d’impôt de 500$ au printemps 2022 et, en décembre, des chèques de 400$ à 600$ modulés selon les revenus des ménages. On aidera aussi 1,1 million d’aînés de 70 ans et plus et on plafonnera la hausse des tarifs gouvernementaux à 3% par année pendant quatre ans. Coût total de ces mesures: plus de 16G$ en quatre ans. S’y ajoutent les 2G$ que coûtera l’indexation du régime fiscal au taux de 6,44% en 2023.
Lorsque François Legault a promis de réduire les impôts, il prévoyait un taux de croissance de l’économie de 1,7% en 2023. Cela devait permettre de revenir à l’équilibre budgétaire en 2027-2028 après quatre années de déficits. Rappelons que le cadre budgétaire de la CAQ prévoit d’éliminer la réserve de 2 G$ par année et de réduire de 8 G$ en quatre ans la somme qui devait être versée au Fonds des générations. Puisque ce Fonds a été créé pour réduire la dette de l’État dans un esprit d’équité intergénérationnelle, cette ponction pénalisera les générations futures, qui auront à contribuer davantage pour la dette résultant d’emprunts passés, faits pour payer des dépenses courantes de l’État.
Autre facteur à considérer, la marge de manoeuvre du gouvernement s’étiole. Lors de sa mise à jour budgétaire du 8 décembre dernier, Eric Girard a réduit de 1,7 % à 0,7% sa prévision du taux de croissance du PIB pour 2023, ce qui a pour effet d’accroître les déficits prévus. Or, les prévisionnistes de Desjardins anticipent un recul du PIB de 0,2 % en 2023, tout en soulevant la possibilité d’une récession.
Certains économistes anticipent un recul de l’économie pendant deux à trois trimestres, ce qui aurait pour effet de réduire encore les revenus de l’État, d’accroître encore les déficits prévus et, finalement, de menacer le retour à l’équilibre en 2027-2028. Eric Girard a lui-même avancé l’hypothèse d’un recul de 1% du PIB québécois en 2023. La grande inconnue est l’inflation, qui est encore alimentée par les problèmes des chaînes d’approvisionnement et géopolitiques. Toutefois, si l’apaisement actuel se maintient du côté de l’inflation, on pourrait envisager une relaxation des taux d’intérêt et un point d’inflexion dans l’évolution de l’économie dans quelques mois.
À noter que la plupart de ces données proviennent de documents du ministère des Finances, de l’Institut du Québec et de l’Association des économistes québécois.
Le moindre mal
Le gouvernement se retrouve donc dans le dilemme suivant:ou bien conserver sa promesse de baisser les impôts, ce qui accroîtra les déficits et la dette publique; ou bien renoncer à sa promesse, ou soit la reporter ou l’atténuer, par exemple, en réduisant les baisses promises.
Il est risqué pour un gouvernement de renoncer à des promesses électorales, mais il pourrait invoquer plusieurs raisons pour justifier cette décision. Le Québec a été trois fois plus généreux que le reste du Canada pour protéger le pouvoir d’achat des ménages pendant la pandémie. Le gouvernement du Québec a accru ses dépenses de programmes par habitant de 27 % de 2018-2019 à 2021-2022, comparativement à 11% pour l’Ontario.
De plus, plusieurs services en santé et en éducation et de nombreux organismes communautaires indispensables pour des clientèles précaires ont besoin d’un financement accru pour accomplir leur mission.
Les besoins sont également énormes dans deux secteurs stratégiques, soit le logement abordable et social, où les pénuries sont grandes, et le transport collectif, qui doit maintenir son offre de service même si les revenus des sociétés de transport ont baissé.
Nos infrastructures ont aussi besoin d’amour. Le gouvernement a accru considérablement le Plan québécois des infrastructures, qui atteint 150 G$ sur dix ans, mais le budget consacré au maintien des actifs est très déficient. Québec prévoyait accroître le budget de maintien des infrastructures de seulement 1 G$ par année entre 2022 et 2027, alors que le déficit de maintien de ces actifs a augmenté de 2,7 G$ entre 2017 et 2022. Autrement dit, les infrastructures se détériorent presque trois fois plus rapidement que l’on investit pour les maintenir en état. Le réseau routier est particulièrement négligé.
Alors que le chômage est très faible (3,9 %), que la main-d’œuvre manque partout, que les capacités de production sont étirées au maximum et que le renouvellement des conventions collectives du secteur public ajoutera de la pression sur les finances publiques, il serait inopportun pour l’État de réduire les impôts. Il vaudrait mieux, dans les circonstances, miser sur le retour à l’équilibre.
////////
J’aime
Le ministre fédéral de l’innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a demandé aux organismes subventionnaires fédéraux, dont la Fondation canadienne pour l’innovation et Génome Canada, de s’assurer que les universités, centres de recherche, laboratoires, etc.s’abstiennent de réaliser des projets de R-D avec des organisations chinoises liées à l’industrie militaire. La Chine compte 65 universités et 160 laboratoires qui ont des liens avec l’industrie militaire du pays. Des chercheurs d’environ 50 universités canadiennes ont réalisé des projets de R-D avec des chercheurs chinois. Connaissant l’intérêt et l’expertise de la Chine pour l’espionnage de toute nature, il est évident que tous ces projets conjoints de R-D sont des occasions exceptionnelles de vol de propriété intellectuelle.
Je n’aime pas
Google, qui a déjà accaparé des milliards de revenus publicitaires aux dépens des grands médias canadiens, a décidé de priver 4% de Canadiens de contenu d’actualité canadienne. Cette mesure est une protestation contre le projet de loi fédéral C-18, qui propose d’obliger les géants du Web à rétribuer les médias canadiens pour le contenu qu’ils mettent sur leur propre réseau pour monnayer leur auditoire en vendant de la publicité. Facebook a déjà utilisé la même tactique d’intimidation en Australie, mais elle a fini par obtempérer. Meta, la société-mère de Facebook, n’a pas pris de mesure semblable à Google au Canada.