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Ça va saigner dans l’allée des petits pois

Julie Cailliau|Édition de la mi‑mai 2019

Ça va saigner dans l’allée des petits pois

(Photo: 123RF)

Depuis tout ce temps que je participe à la célébration des succès d’affaires, je n’avais jamais été à une soirée de la Chambre de commerce et d’industrie française au Canada (ce qui est d’autant plus étonnant qu’elle et moi partageons la bi-nationalité). J’ai pu combler cette lacune le mois dernier, en assistant au gala de remise des Prix de Reconnaissance 2019. 

Sous l’impulsion de sa directrice générale Sandrine Perreault et de son conseil d’administration, la Chambre a décidé cette année de se renouveler et d’ajouter aux simples mondanités, quoique plaisantes, une dimension de maillage économique plus forte.

Ce maillage s’affirmait d’abord par l’impressionnante délégation diplomatique à l’événement : l’ambassadrice du Canada en France, l’ambassadrice de France au Canada, la Consule générale de France à Québec et la Consule générale de France à Montréal, ainsi que la ministre des Relations internationales et de la Francophonie du Québec (toutes des femmes, #grlpwr !).

Il s’affirmait également dans les catégories des prix, puisqu’on soulignait les réussites française au Canada, les réussites canadienne en France, et les partenariats public-privé. Quand on travaille ensemble, on est plus fort… À la Une de votre journal, c’est justement d’une de ces réussites transatlantiques qu’il est question.

À (re)lire: Bonduelle à la conquête du règne végétal

La multinationale française s’est faite remarquée au fil des années par sa stratégie de croissance par acquisitions. Arrivée au Québec en 2007 à la faveur du rachat d’Aliments Carrière, elle a depuis intégré, entre autres, les américaines Ready Pac Foods (2017) et Del Monte (2018). On la présentait d’ailleurs à l’époque comme «Un géant mondial affamé de croissance en Amérique» en marge d’une conférence des Événements Les Affaires sur la croissance à l’international.

Ce qui est intéressant dans cette histoire de croissance, c’est le contexte et l’intention qui la sous-tendent.

Le contexte, d’abord. Près de 10% des Canadiens disent pratiquer le végétarisme ou le véganisme et les Canadiens de moins de 35 ans sont trois fois plus susceptibles de choisir une de ces options que ceux de plus de 49 ans, selon des chiffres compilés par l’Université Dalhousie. Autrement dit, le marché de l’alimentation végétale promet d’enfler. D’après une étude de la firme Nielsen publiée en 2018, les ventes de la catégorie Fruits et légumes et celle de la catégorie Produits vegan ont déjà augmenté de 6 à 7 fois plus rapidement que l’ensemble des ventes de boissons et aliments aux États-Unis au cours des trois années précédentes. Anecdotique mais symptomatique, plusieurs cabanes offraient même cette année un menu du temps des sucres exclusivement végan ou végétarien.

L’intention, ensuite. Bonduelle veut dominer ce marché de l’alimentation végétale parce qu’elle est convaincue que c’est bon pour elle, mais aussi bon pour la planète, alors qu’elle défend le concept de l’agroécologie, une production agricole qui maximise le potentiel des écosystèmes sans les détruire

Bonduelle a des assises fortes pour atteindre son objectif, mais elle fera face à une concurrence épicée. Toujours selon Nielsen, les ventes de produits innovants dans le créneau de l’alimentation végétale, comme les substituts à la viande ou aux fromages, connaissent des croissance à deux chiffres, voire trois chiffres (+ 115% pour les nouilles véganes). De quoi attirer les plus convaincu des carnivores. En avril 2018, le géant américain de la transformation de viande Tyson Foods achetait une participation dans la jeune entreprise américaine Beyond Meat, qui produit une steack haché végan «qui goûte comme la viande» et qui, accessoirement, vient d’annoncer qu’elle se prépare à entrer en Bourse.

Certes, il y a quelques jours, Tyson a revendu sa participation. Désillusionné quant à l’avenir du marché des protéines végétales ? Bien au contraire ! Tyson a l’intention de développer sa propre marque de «viande» végétale.

Ça promet de saigner dans l’allée des petits pois.

En passant, le palmarès de la CCI France Canada honorait la start-up On mange quoi, la PME Avalanche, ainsi que la Société générale, Boralex et Thales. Bonduelle, elle, était finaliste.

Julie Cailliau
Éditrice adjointe et rédactrice en chef, Groupe Les Affaires
julie.cailliau@tc.tc
@julie140c