Un Québécois génère en moyenne par année 700 kilogrammes de déchets. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. C’est dans la mouvance d’une relance économique verte que seront lancés les travaux du BAPE sur l’avenir des résidus ultimes. Cette initiative gouvernementale a fait ressortir dans les médias une statistique peu réjouissante : l’homo quebecus génère chaque année près de 700 kg de déchets. Avec une population de 8 millions et des poussières, on parle de tout un monticule!
Parallèlement, on a appris récemment que le lieu d’enfouissement technique de Lachenaie avait reçu le feu vert du BAPE pour accroitre sa superficie. Sa taille actuelle ne permettrait pas de recueillir nos détritus au-delà de 2029.
Bonne nouvelle? Oui et non.
D’abord, il faut bien mettre nos poubelles quelque part. Si possible, hors de notre vue (et loin de notre nez). Toutefois, octroyer une telle autorisation sans attendre les résultats des consultations sur le devenir du résidu ultime, n’est-ce pas avouer l’échec du processus avant même qu’il ne soit amorcé?
Mais restons optimistes.
Alors que nous mesurons, en ce moment-même, l’impact de la santé de l’environnement sur la santé humaine (bonjour pandémie), sommes-nous prêts à revoir notre façon de gérer l’ensemble de nos ressources?
Quelle valeur accorde-t-on réellement à notre environnement?
Répondre honnêtement à cette question serait un bon point de départ.
Le coût de l’enfouissement au Québec est peu élevé. Oscillant entre 75$ et 100$ la tonne, il rend la vie dure à toute option de recyclage ou de valorisation. Rendre ces résidus désirables à nos yeux a un coût qui n’est pas à la portée de toutes les bourses.
Les remettre en marché exige de nombreuses manipulations : tri, lavage, transport, conditionnement, etc. Il existe une solution simple à mettre en place qui favoriserait sans conteste l’essor d’alternatives plus nobles, soit de doubler le coût de l’enfouissement.
Et on peut le faire demain matin.
Pour autant qu’on le veuille.
Plus qu’un déchet, une ressource
Au début des années 90, le livre Rubbish! de William Rathje et Cullen Murphy dressait un portrait étonnant de notre société de consommation, basé sur une analyse archéologique de déchets excavés de sites d’enfouissement depuis 1973.
Ils soulèvent au final une question intrigante.
Et si ces sites étaient les mines du futur?
Les auteurs vont jusqu’à avancer qu’avec la mécanisation de la collecte des ordures, la taille des poubelles a augmenté, incitant les citoyens à jeter leurs biens plutôt que de les entreposer au sous-sol ou de les donner.
La taille des poubelles a augmenté, incitant les citoyens à jeter leurs biens. (Photo: Paweł Czerwiński pour Unsplash)
Cela irait, affirment-ils, jusqu’à nuire aux efforts de recyclage.
Au Québec, un réseau relativement efficace est déjà en place pour les matières issues de la collecte sélective, le fameux bac bleu. Mais beaucoup reste à faire pour les commerces et les industries.
Effectuer une réelle transition vers l’économie circulaire en valorisant les déchets tels de véritables ressources permettrait non seulement d’allonger la durée de vie des sites d’enfouissement, mais aussi de dynamiser l’économie.
«Le marché canadien des activités de recyclage était estimé à 375 millions de dollars en 2020 selon IBIS World. On peut attribuer une part d’environ 35% au Québec», indique Marie-Josée Loiselle, économiste et spécialiste en attraction d’investissements chez Stratégies immobilières LGP.
Ce n’est pas rien.
Imaginez si on détournait davantage de matières de l’enfouissement… On parle ici de réelles opportunités d’affaires en devenir!
Une définition qui pose problème
La règlementation québécoise ne facilite pas les choses. Toute matière usagée est étiquetée comme matière résiduelle et ne peut être utilisée comme intrant dans la fabrication d’un autre produit sans autorisation préalable.
Ainsi, une entreprise souhaitant intégrer cette matière secondaire à son procédé doit s’armer de patience et obtenir du ministère de l’Environnement une autorisation en bonne et due forme.
Le processus, long et rébarbatif, en décourage plus d’un.
Résultat? Exit l’économie circulaire.
Moins compliqué de louer un conteneur et de s’en débarrasser… à peu de frais.
«Il y aurait lieu de réviser la définition de matière résiduelle en se posant la question suivante : à quelle étape du cycle de vie d’une matière doit-on la qualifier de résiduelle?», propose Christine Duchaine, avocate spécialisée en environnement et présidente de Sodavex.
«Est-ce nécessairement après la première utilisation, même si elle peut être encore utilisée pour les mêmes fins ou pour d’autres?, ajoute-t-elle. C’est pourtant ce que notre ministère considère.»
À ses yeux, il ne faut pas confondre matière usagée et matière résiduelle «afin de favoriser le déploiement de l’économie circulaire».
Accélérer la transition
La dernière mouture de la politique québécoise de gestion des matières résiduelles aborde les moyens à mettre en œuvre pour réduire l’enfouissement et privilégier les options de valorisation dans le respect de la hiérarchie des 3RV (réduire, réutiliser, recycler et valoriser).
Tout y est. Pourquoi n’observe-t-on donc pas les résultats escomptés?
Parce que ça manque de dents.
Identifions des actions concrètes, nommons des responsables et mesurons les résultats.
Rappelons que le bois devait être banni de l’enfouissement en 2012 et les matières organiques en 2020. D’autres ont réussi ou sont en voie de le faire, comme la ville de Banff et cinq autres villes d’Alberta qui mettent tout en œuvre pour atteindre le zéro déchet d’ici 2030.
Non, ce ne sera pas facile. Certains ne se feront pas d’amis.
Mais le temps presse, car la relance verte est en route.
Qu’est-ce qu’on attend pour peser sur l’accélérateur?