CAE prend les moyens pour réussir son redécollage
Dominique Beauchamp|Édition de la mi‑novembre 2020(Photo: 123RF)
ANALYSE. Maintenant que les vaccins ravivent l’espoir que les voyageurs rempliront à nouveau les avions, CAE (CAE, 29,38 $) se donne les moyens de réussir sa relance en procédant à une rare émission d’actions.
L’entreprise profite du fort rebond de 113 % de son action depuis le creux de mars pour récolter presque un demi-milliard de dollars, incluant 150 millions (M$) de la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui veut l’« accompagner » dans ses projets d’expansion.
L’émission a surpris, comme en témoigne la chute de 6,4 % du titre, le 7 novembre, parce que CAE finance historiquement ses projets à même ses fonds internes. L’achat de son rival et client européen, Flight Simulation Company (pour 108 M$), plaît pour son réseau et à ses clients complémentaires, mais il utilise seulement le quart des fonds récoltés.
Bay Street préfère lorsque les entreprises investissent rapidement les capitaux frais pour qu’ils rapportent, mais deux gestionnaires estiment que CAE a raison d’être prudente pendant que son industrie est encore fragile. « Il est sage de se constituer un bon coussin au moment où le retour à la normale de l’aviation est encore imprévisible », indique Vim Thasan, de Beutel, Goodman & Compagnie, qui a accumulé 17,8 M$ ou 6,7 % des actions, selon Refinitiv.
Ce gestionnaire d’actions canadiennes a acheté ses premières actions au printemps, pendant la chute du titre. La dégringolade de 63 % lui semblait alors exagérée pour une société de cette « qualité » offrant un service aussi « essentiel », peu importe le cycle des nouveaux appareils des avionneurs ou encore les modèles d’affaires des transporteurs aériens, à long terme.
L’émission d’actions, qui accroît le nombre d’actions en circulation par 5 %, signale que la société voit diverses possibilités d’expansion dans son hublot. Son bilan ne posait pas problème en fonction du parcours prévu des flux de trésorerie, indique David Caron, d’Industrielle Alliance. « La société se retrouve aujourd’hui avec un bilan enviable (une encaisse de 600 M$) pour capter les occasions que la pandémie met au jour et renforcer sa position concurrentielle », ajoute-t-il.
Ce gestionnaire fait référence au fait que les transporteurs aériens « externalisent » de plus en plus la formation de leurs pilotes afin d’économiser. Ces occasions exigent parfois que CAE prenne en charge des actifs ou qu’elle co-investisse avec une société aérienne, comme elle l’a fait avec Singapore Airlines et Air Asia.
Mieux qu’un retour à la normale
De prime abord, l’action de CAE n’est plus bon marché en fonction des bénéfices encore affaiblis attendus pour 2021 et 2022, mais les investisseurs patients devraient être bien servis, croient les deux gestionnaires consultés.
L’action s’échange à un multiple de 36 fois les bénéfices prévus dans 12 mois par rapport à une moyenne de 26 fois depuis trois ans. Seulement un analyste sur cinq en recommandait l’achat avant le placement d’actions puisque le cours de CAE avait déjà atteint la cible moyenne de 31 $.
Le formateur de pilotes a plusieurs pistes encore inexploitées qui devraient au minimum ramener la rentabilité à son sommet d’avant la pandémie et même la dépasser. « Quand on pèle l’oignon, on découvre plusieurs catalyseurs qui relèveront les marges, que ce soit le rétablissement du taux d’utilisation des centres de formation de pilotes commerciaux, les futurs achats ciblés, la prise en charge de la formation des sociétés aériennes ou le redressement en cours de la division de formation militaire », énumère Vim Thasan.
Le gestionnaire de Beutel, Goodman & Compagnie est convaincu que la capacité bénéficiaire de la société sera supérieure après la pandémie parce que l’entreprise intégrait encore les activités de formation de pilotes d’avions d’affaires de Bombardier lors du dernier pic de l’industrie en 2018.
À cette liste de catalyseurs, David Caron ajoute l’effet encore à venir de la rationalisation de 50 M$ réalisée pendant la crise et le retour en vol des appareils Boeing 737 MAX, qui exigera une nouvelle formation obligatoire.
Comme pour toute relance, le parcours s’exécute souvent par étapes. L’optimisme suscité par les vaccins a devancé la remontée de l’action prévue par les financiers d’ici un an, mais CAE a encore plusieurs jalons devant lui pour gagner en altitude. Son action reste inférieure de 14 % à son cours en début d’année.