Ce commis de 11 ans excelle dans l’art de l’expérience client
Daniel Lafrenière|Publié le 07 septembre 2022On voit de tout dans les marchés publics, des vertes et des pas mûres (Photo: Katie Jowett pour Unsplash)
BLOGUE INVITÉ. J’aime bien les marchés publics. C’est un lieu où se rassemblent des producteurs, des artisans et des clients. C’est aussi un lieu pour observer la pratique, ou devrais-je dire l’art du commerce.
Samedi matin, 9h00. Les producteurs et artisans sont présents depuis 6h00 pour remplir leurs étalages et s’assurer de ne manquer de rien pour répondre à la demande. Ce premier jour de week-end est ce que l’on appelle une grosse journée. J’effectue un tour des stands, pour le plaisir, même si je sais pertinemment que je vais retourner chez mes deux producteurs préférés, un pour les légumes et l’autre pour les fruits.
Certains marchands derrière leur stand sont passifs. Quand ils n’ont pas le nez rivé sur leur téléphone intelligent pour lire leur fil Facebook, Instagram ou TikTok, ou trop occupés à je ne sais trop quelle tâche. Ils ne sourient pas et n’interpellent pas les clients, ne serait-ce qu’avec un beau « Bonjour ! » bien senti. J’observe aussi que le contact visuel est plutôt difficile, voire absent. Heureusement, il s’agit d’une minorité.
D’autres marchands, plus actifs, sont là pour vrai. On sent leur plaisir de nous faire découvrir leurs produits. Leur sourire et leur accueil sont généreux. Ils ne dévient pas leur regard quand on leur parle. Leurs étalages sont bien remplis, les clients aiment ça. Le nom des fruits, des légumes, des saucisses, des pains, des fromages, etc. et leur prix sont affichés clairement. Ces commerçants connaissent leurs produits et prêtent leur assistance dans l’achat des meilleures tomates des champs, « sentez-moi cette tomate ! », ou du « meilleur maïs deux couleurs, sucré à souhait ! » Vendeurs, ils vont vous faire une offre du genre « 5 $ pour un sac, 7 $ pour deux » sans insister.
Après avoir fait ma tournée, je me présente au kiosque de légumes d’un producteur maraicher de la région. Tout le monde est fort occupé à servir les clients. Il doit y avoir au bas mot sept ou huit employés. Je suis accueilli par un jeune homme de 11 ans. Sa mère travaille aussi au stand et c’est elle qui me sert habituellement. Sans faire de jeu de mots, on peut dire que le fruit n’est pas tombé très loin de l’arbre.
«Bonjour Monsieur, qu’est-ce que je peux faire pour vous ?»
Je sors ma liste.
«J’aimerais acheter des concombres.»
Il sort un sac.
«Les concombres sont à 5 $ pour un sac. C’est 7 $ pour deux.
– Je vais en prendre deux. Merci. J’aimerais aussi de la laitue, qu’avez-vous ?
– Nous avons de la frisée, de …
– Une laitue frisée SVP. Vos tomates, elles sont de serre ou des champs ?
– Elles sont des champs.»
Je poursuis mes achats.
«Ça fera 24 $ (il a en main le terminal de paiement et je paye à l’aide de ma carte de crédit). Merci beaucoup Monsieur. À la prochaine !
– Au revoir»
Que doit-on retenir de cette interaction ? Premièrement, l’attitude et la politesse. Bravo pour ce jeune, je rappelle de 11 ans, qui connait les bonnes manières. Assurément, il a été éduqué par sa mère à la bienséance et à la façon d’accueillir un client.
Deuxièmement, la connaissance des produits. Le stand est immense, et l’offre des légumes l’est tout autant. Vous me direz qu’il n’est pas difficile de distinguer des carottes de pommes de terre, certes, mais plusieurs variétés de salade, de tomates, etc. sont offertes. J’ai aussi en mémoire l’histoire d’une caissière dans une épicerie qui ignorait ce qu’était un panais, croyant qu’il s’agissait probablement d’une carotte souffrant d’anémie.
Troisièmement, le sens du commerce. Son offre de rabais à l’achat de deux sacs de concombres était parfaitement exécutée. Elle ne donnait pas l’impression d’être apprise par coeur et récitée telle que le ferait un robot. La phrase a coulé naturellement dans la conversation.
Quatrièmement, j’ai pu payer avec ma carte de crédit. J’aurais très bien pu le faire aussi avec de l’argent comptant. Certains kiosques, encore aujourd’hui, n’acceptent que ce mode de paiement. C’est dommage.
Finalement, le jeune vendeur a terminé sa transaction par un beau « Merci beaucoup Monsieur », avec le sourire, et une toute petite phrase qui fait toute la différence « À la prochaine ! ». C’est certain que je reviendrai. Comme bien des clients, quand je suis bien servi et que les produits sont de qualité, j’ai plutôt tendance à être fidèle. Pourquoi prendrais-je le risque d’aller ailleurs et d’être déçu ?
Une étude bien connue de PwC a établi que pour vivre une belle expérience, les clients recherchent:
1. de l’efficacité;
2. de la commodité;
3. des employés gentils;
4. des employés qui connaissent leurs produits;
5. une facilité de paiement.
Mon producteur maraicher et ses employés cochent toutes les cases et répondent à tous ces critères. C’est probablement pour cette raison qu’il est fort achalandé… et que d’autres le sont moins.