Ce que les dirigeants peuvent apprendre du président de Shopify
Karl Moore|Publié le 27 juillet 2022Harley Finkelstein (Photo: courtoisie Shopify)
BLOGUE INVITÉ. L’esprit d’entreprise a toujours occupé une place importante dans la vie de Harley Finkelstein, de l’immigration de sa famille au Canada jusqu’à la création de sa première entreprise à l’âge de 17 ans. Aujourd’hui, il est président de Shopify, l’une des principales plateformes de commerce électronique au monde, qui réduit les obstacles à l’entrepreneuriat en aidant les autres à démarrer, gérer et développer leur propre entreprise.
Shopify a été inspiré par une mauvaise expérience d’achat en ligne. En 2004, trois Canadiens ont ouvert une boutique d’équipement de planche à neige en ligne, mais les solutions de commerce électronique insatisfaisantes de l’époque ont freiné leur succès — ils ont donc lancé la leur deux ans plus tard.
La plateforme de commerce tout-en-un approvisionne désormais des millions d’entreprises de toutes sortes dans 175 pays et représente 23% de la part de marché aux États-Unis.
D’abord client, puis président
Harley Finkelstein a rejoint Shopify en 2010 après avoir rencontré l’un de ses fondateurs et PDG actuel, Tobias Lütke, dans un café d’Ottawa. À l’époque, l’entreprise commençait tout juste à aider les gens à créer une boutique en ligne, et le jeune entrepreneur est devenu l’un de ses premiers clients.
«L’expérience que j’ai vécue en tant que commerçant Shopify, en construisant une entreprise incroyable qui faisait concurrence à des entreprises comme Walmart, était tellement spéciale, se souvient-il. J’aimerais aider d’autres personnes à vivre cette même expérience.»
«C’est plus une question de philosophie que de taille»
Pour Harley Finkelstein, un élément clé du succès rapide de l’entreprise réside dans son effort pour maintenir une culture d’espace de travail flexible et dynamique.
«Même si nous sommes une entreprise beaucoup plus grande avec une empreinte beaucoup plus importante, nous agissons culturellement comme une start-up, précise l’entrepreneur. [La culture] doit être aussi ambitieuse, aussi optimiste, aussi entreprenante, aussi entrepreneuriale qu’une entreprise de t-shirt individuelle.»
Selon lui, les grandes entreprises ont tendance à promouvoir une culture à laquelle tous les nouveaux employés doivent s’intégrer. Ce n’est pas le cas chez Shopify, où chaque nouvelle embauche peut avoir des répercussions positives au sein de l’organisation.
«Plutôt que de garder une culture statique, rendez-la dynamique, laissez-la être un arbre vivant et permettez-lui d’évoluer, dit-il. C’est pourquoi je peux encore utiliser aujourd’hui les compétences que j’ai acquises en vendant des t-shirts à l’université tout en dirigeant une grande entreprise cotée en bourse.»
Une équipe géographiquement diversifiée
Une part importante de la philosophie de Shopify est la conviction que le maintien de bonnes relations de travail avec vos collègues portera ses fruits, quelle que soit la distance qui vous sépare.
«Le modèle hybride passe souvent pour de l’indécision, ajoute Harley Finkelstein. Nous essayons d’être plus résolus quand nous disons aux gens qu’ils peuvent travailler de n’importe où dans le monde, mais qu’ils s’assurent bien qu’eux et leur équipe se réunissent.»
Depuis l’adoption d’un modèle de «travail de n’importe où», même l’équipe de direction peut être installée à différents endroits, où que ce soit, pourvu qu’elle dispose d’une connexion Internet. Par exemple, leur cheffe du contentieux est située à Washington, D.C., tandis que le directeur de la technologie est à San Francisco et le directeur financier à New York.
«Cette idée d’être géographiquement indifférent a fait que Shopify est un réservoir de talents, et notre capacité à recruter est tellement plus facile et plus élevée maintenant.»
Et pourtant, certaines décisions exigent que l’équipe soit dans la même pièce. L’entreprise a également lancé un concept appelé bursting qui rassemble les employés pour des activités de cohésion d’équipe quelques fois par année.
«Le fait de savoir quand il est approprié de travailler seul et quand on est plus productif en équipe a fait de Shopify une entreprise mieux gérée», confie le président.
Dans le cadre de leur virage numérique, les dirigeants d’entreprise ont également décidé d’accroître le niveau de transparence au sein de l’entreprise. Par exemple, les lettres envoyées au conseil d’administration chaque trimestre sont partagées avec l’ensemble du groupe, tandis que l’entreprise permet à ses employés d’exprimer leurs préoccupations ou de poser des questions aux dirigeants par le biais de forums anonymes «Ask Me Anything.»
La vulnérabilité pour un meilleur leadership
En ce qui concerne ses principes directeurs en matière de leadership, Harley Finkelstein croit fermement en l’apprentissage continu, en la conscience de soi et en un état d’esprit orienté vers la croissance.
«Nous nous développons si rapidement et dans tellement de nouvelles directions que pour rester président de l’entreprise, je dois grandir à une vitesse égale ou supérieure à celle de la croissance de Shopify, soutient-il. Si vous voulez diriger une entreprise comme Shopify, vous devez tout simplement vous qualifier de nouveau pour votre poste chaque année.»
Alors que de nombreuses entreprises cherchent à ce que les dirigeants soient «bien expérimentés», Shopify envisage le leadership sous un angle opposé.
«Nous aimons l’idée de produits qui sortent de l’ordinaire, affirme-t-il. Si vous avez un ensemble de compétences particulières, mon travail consiste à les rendre encore plus performantes. Je dois également être incroyablement conscient de mes faiblesses et embaucher en tenant compte de mes faiblesses.»
«Cela nous permet d’avoir une compréhension très simple de la division du travail et des responsabilités, dit-il. Nous savons sur quoi chacun travaille, et il y a un profond respect mutuel autour de la table de direction pour les compétences de chacun.»
Son dernier conseil aux administrateurs? Soyez ouverts et honnêtes. Les dirigeants qui font preuve de vulnérabilité et révèlent un aspect plus personnel d’eux-mêmes peuvent permettre un dialogue beaucoup plus ouvert dans l’ensemble de l’organisation. Cela renforce la confiance, stimule l’innovation et peut contribuer à créer un espace psychologiquement sûr au travail.
«Nous nous portons tous mieux lorsque nous enlevons notre masque de rigidité et que nous parlons avec plus de vulnérabilité de ce que nous ressentons», assure-t-il.
Karl Moore et Stéphanie Ricci. Karl est professeur agrégé dans la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill. Stéphanie est étudiante en journalisme à l’Université Concordia.