(Photo: Gaelle Marcel pour Unsplash.com)
EXPERT INVITÉ. Selon moi, il est totalement faux de dire que d’échouer rapidement est la meilleure des idées. En fait, j’ai parfois l’impression que l’écosystème des start-ups est devenu tellement à l’aise de célébrer l’échec qu’il en a peut-être oublié sa vraie valeur.
Il y a quelques semaines, on m’a invité dans un événement «Fuckup Night» où les fondateurs célèbrent leurs échecs. L’une des start-ups présentait son échec: elle avait créé et lancé ce qu’elle espérait devenir une application populaire dans l’industrie de la mode, mais ils n’ont pas réussi à la faire adopter et ont finalement fermé l’entreprise. Durant leur présentation, ils semblaient ultra «fiers» d’avoir échoué rapidement.
Je suis ensuite allé à la rencontre d’un des cofondateurs pour lui demander pourquoi il croyait que leur histoire d’échec était une raison de célébrer. Il m’a simplement répondu:
«Nous faisons simplement ce que les entrepreneurs sont censés faire: nous avons échoué rapidement!»
Il a été un peu surpris de ma réponse: «je ne pense pas que c’est une bonne raison de célébrer. Votre objectif ne devrait pas être d’échouer rapidement. Votre objectif devrait être d’échouer efficacement.» Toutefois, je persiste et signe: célébrer l’échec est stupide — nous devrions célébrer l’apprentissage.
Quand vitesse se confond avec efficacité
Je comprends qu’«échouer rapidement» semble accrocheur. Personne n’a envie d’échouer lentement, c’est un peu comme le supplice de la goutte d’eau. Il est aussi crucial de parler et normaliser l’échec dans le monde de l’entrepreneuriat, car c’est sans aucun doute l’une des finalités les plus probables. Cependant, convaincre les fondateurs d’«échouer rapidement», c’est aussi essentiellement leur apprendre à agir de manière stupide, car cela les encourage à ne pas trop réfléchir et simplement se lancer dans le vide le plus rapidement possible plutôt que de bien se préparer pour la course qu’ils vont entreprendre. Pourtant, faire les choses sans une bonne préparation garantit presque l’échec.
Les fondateurs de la start-up dans la mode constituent un excellent exemple de la raison pour laquelle «échouer rapidement» ne fonctionne pas. En donnant la priorité à la vitesse avant tout, ils ont créé et lancé leur application le plus rapidement possible. À leur honneur, ils ont effectué un travail impressionnant en créant et en lançant rapidement une application complexe, mais ils n’ont jamais pris la peine de se poser la question la plus importante: est-ce que quelqu’un serait réellement prêt à payer pour ça?
La raison principale de leur échec est qu’ils n’avaient pas effectué le travail de préparation nécessaire pour bien comprendre si une opportunité de marché existait et comment la saisir. Ils ne savaient pas qui avait besoin de ce qu’ils construisaient, ils ne savaient pas si beaucoup de gens en avaient besoin, et ils ne savaient pas s’ils pouvaient ou non atteindre ces personnes et les convertir en utilisateurs payants. Au lieu de cela, ils ont simplement construit quelque chose qu’ils pensaient que les gens voudraient utiliser, car eux aimeraient l’utiliser puis ils s’attendaient à ce que les gens la téléchargent par magie. Finalement, ils ont réalisé que la magie n’existait pas et que presque personne ne téléchargeait l’application. À la fin, ils se sont dit: on arrête et on célèbre le fait qu’au moins on n’a pas perdu autant de temps qu’on aurait pu.
C’est d’ailleurs cette dernière partie qui me dérange le plus. Dans leur esprit, parce qu’ils n’avaient passé «que» six mois au lieu de 12 mois ou deux ans, ils considéraient ce projet d’échec comme une réussite. Mais NON, ce n’est pas une réussite. Ils ont quand même passé six mois et qui sait combien d’heures à construire quelque chose dont personne ne voulait. Ce n’était pas un échec efficace. C’était une perte de temps tout simplement et on ne devrait clairement pas célébrer cela!
Comment échouer efficacement
Je réalise qu’«échouer efficacement» est un concept beaucoup plus difficile à adopter que d’échouer rapidement. C’est aussi un peu moins accrocheur comme approche. Mais n’oubliez pas que même si «échouer rapidement» semble un conseil tout à fait valable, cela encourage les entrepreneurs à ignorer la partie la plus essentielle de l’entrepreneuriat, à savoir d’apprendre de ses échecs.
Oui, des échecs sont attendus en entrepreneuriat. Et non, un échec n’est pas la fin. Nos échecs sont les leçons que nous exploitons pour déterminer ce qui fonctionnera. C’est là que «échouer efficacement» devient important. Il y a même des étapes à suivre pour échouer de manière productive.
Le processus d’échec efficace commence par la validation de votre idée avant de consacrer des ressources à la création d’un produit. Attendez-vous à consacrer beaucoup de temps et d’efforts à vous assurer que votre idée brillante est vraiment aussi brillante que vous le pensez. Cela impliquera de discuter avec des clients potentiels, de se pencher sur des études de marché et de travailler dur pour valider vos nombreuses hypothèses.
Cette première phase d’un processus entrepreneurial plus efficace n’est pas toujours la plus excitante pour l’entrepreneur, car d’une certaine manière il a l’impression de ne rien créer. En fait, cette étape ressemble davantage au travail d’un journaliste d’investigation alors que vous devez vous concentrer sur la recherche et tenterez de découvrir les faits qui prouvent ou réfutent votre hypothèse sur l’opportunité de marché.
Vous avez réussi à prouver qu’il y a une opportunité de marché? Félicitations! Mais non, la prochaine étape n’est toujours pas de débuter à bâtir le produit. Vous devez maintenant vous fixer des objectifs et des jalons. Il s’agit maintenant de savoir dans quelle direction vous allez, si vous êtes sur le bon chemin et d’avoir des panneaux indicateurs tout au long du chemin qui vous indiquent si vous faites de bons progrès. Encore une fois, c’est ce qui garantit l’efficacité.
Bien sûr, vous ne pouvez pas simplement avoir des objectifs et des jalons sans un moyen d’évaluer vos progrès, vous devrez donc également vous assurer d’avoir des indicateurs de performances et des données valables. Cela vous permettra d’éviter de vous fier aux intuitions qui malheureusement parfois nous conduisent à de mauvaises décisions. Votre objectif devrait être de prendre autant de décisions que possible sur la base de données et de preuves.
Rien de tout cela ne signifie que vous ne vous tromperez pas ou ne ferez pas beaucoup de mauvais choix tout au long de votre parcours. Et c’est parfait comme cela. Assurez-vous simplement d’utiliser vos échecs correctement. Ce ne sont pas des occasions de célébrer. Ce sont des occasions d’apprentissage qui vous apprennent à fonctionner plus efficacement — et avec succès — à l’avenir.
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