(Photo: 123RF)
ANALYSE. Avez-vous déjà entendu parler de l’approche fondée sur les notations internes (NI) avancée pour mesurer le risque de crédit ? Parfois, des informations intéressantes se cachent derrière des concepts pointus et méconnus des non-initiés. L’approche NI avancée est une manière de mesurer le risque de crédit des institutions financières. Son but est de mesurer la quantité de fonds propres à conserver selon les prêts alloués. Avant d’utiliser cette méthode, une banque doit toutefois obtenir l’autorisation du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF).
En quoi est-ce intéressant, direz-vous? Eh bien, pour les analystes qui suivent la Canadian Western Bank (CWB, 30,44$), il s’agit d’un sujet passionnant. La transition vers l’approche NI avancée permettrait de dégager des centaines de millions de dollars (M$) qui pourraient être déployés vers des activités plus lucratives plutôt que de servir de coussin financier, croit Cihan Tuncay, de Stifel GMP. L’analyste croit que l’utilisation de cette approche permettrait à la Canadian Western Bank de libérer entre 247 M$ et 677 M$de ses réserves. Son scénario de base table sur 467 M$, soit 5,31$par action. Ça représente environ 17% du prix de l’action à la Bourse, ce n’est pas rien.
Ce changement comptable, attendu pour 2022, représente un catalyseur important, selon Cihan Tuncay. En attendant, l’action est une aubaine, juge-t-il. Le titre s’échange à 0,95 fois la valeur comptable tangible par action, contre 1,31 fois pour les comparables.
Impatience
La transition ne va pas toutefois assez vite au goût de Lemar Persaud, de Cormark. Elle était attendue pour la fin 2020, mais ne se concrétisera probablement pas avant 2022, souligne-t-il. Ce retard survient au moment où le contexte semble moins favorable, commente-t-il. La direction a mentionné, en décembre, qu’elle anticipait que le bénéfice par action demeurerait stable au cours de l’exer-cice 2021 (qui se termine le 31 octobre 2021). Gabriel Dechaine, de la Financière Banque Nationale, espérait mieux.
L’analyste y voit une occasion manquée. Les marges d’intérêts ont repris un peu de tonus, le portefeuille de prêts devrait continuer de croître et les provisions pour pertes, pour leur part, devraient diminuer en 2021. Il s’agit d’une combinaison gagnante, si ce n’était des dépenses plus élevées que prévu en 2021. En attendant l’approbation du BSIF, la Canadian Western Bank doit tout de même produire des estimations selon l’approche NI avancée en plus d’utiliser le système actuel. Cela engendre des coûts, explique l’analyste.
Une autre source d’inquiétude est la situation économique en Alberta, vulnérable aux aléas du secteur pétrolier. Près de 32% du portefeuille de prêts est en Alberta, note Darko Mihelic, de RBC Marchés des capitaux. Si les cours du pétrole demeurent sous pression, cela pourrait freiner la croissance du portefeuille de prêts et faire augmenter les défauts de paiement, prévient-il. La forte croissance du portefeuille de prêts de la Canadian Western Bank est l’un des éléments qui la démarquent des six grandes banques canadiennes. Or, Darko Mihelic craint que le rythme se modère à 4,1 % en 2021 et 2022 par rapport à 5,9 % en 2020. Les prévisions de Paul Holden, de Marchés mondiaux CIBC, sont plus optimistes, bien qu’il reste, lui aussi, sur les lignes de côté. Il voit la lumière poindre au bout du tunnel en 2022, avec une augmentation de 8 %. En attendant, il est vrai que la banque doit naviguer avec des vents de face, admet Mario Mendoca, de Valeurs mobilières TD. Il estime cependant que la direction a fait ses preuves avec un bon historique de croissance, peu de pertes sur prêts et une gestion efficace de ses coûts. «Avec un titre qui s’échange sous la valeur comptable, nous pensons que les actionnaires seront récompensés pour leur patience.»
Parlant de patience
Petit aparté: l’année 2020 aura été sous le signe du lâcher-prise à la Bourse comme dans la vie. Les investisseurs indiciels qui ont pris un grand respire durant la chute boursière du printemps auront tout de même eu de bons rendements en 2020. Qui l’aurait cru, dans la foulée d’une telle crise sanitaire et économique ! Il est payant d’établir un plan et de s’y conformer contre vent et marée.
Si c’est vrai pour l’investisseur indiciel, le lâcher-prise devrait parfois s’exprimer autrement quand on fait un pari précis. Encore en 2020, Bombardier affichait le pire rendement annuel du groupe des 50 plus grandes sociétés québécoises en Bourse, avec une chute de 75,1 %. Depuis son sommet des années 2000, la société a perdu 98 % de sa valeur. Parfois, la patience nous emprisonne dans un piège à valeur. Dans ce cas, mieux vaut admettre ses erreurs et repartir à neuf.