Qui dit confinement dit, inévitablement, ennui. Certaines entreprises en ont profité pour offrir des séances virtuelles et gratuites de consolidation d'équipe. Au programme, entre autres, le yoga du rire. (Photo: Brooke Cagle pour Unsplash)
S’ADAPTER À LA CRISE. Du jour au lendemain, la donne a changé du tout au tout. Des entreprises ont dû mettre la clé sous la porte sans savoir si elles pourraient jamais la rouvrir. Des employeurs se sont «temporairement» séparés de certains de leurs employés sans savoir s’ils seraient jamais en mesure de les réembaucher. Des employés ont mordu la poussière, en réalisant que leur travail n’était pas si «utile» que ça. Résultat ? L’avenir de tous ceux-ci est brutalement devenu incertain, pour ne pas dire compromis.
D’autres, en revanche, ont vu la catastrophe de la COVID-19 comme une occasion en or d’innover comme jamais, et donc de faire des affaires autrement. Ces entreprises-là ont réussi, en général, à tirer leur épingle du jeu. Ce qui s’explique par le fait qu’elles ont adopté, consciemment ou pas, cinq règles de conduite précises, mises au jour par Pauline Rosen, vice-présidente à la stra- tégie, à l’agence montréalaise Sid Lee, et son équipe.
1. Se rendre utile
L’idée est d’adapter son offre de service aux nouveaux besoins des gens. Un exemple lumineux est celui de FoodRelay, une start-up montréalaise qui se présente comme une «cafétéria virtuelle». «Notre application permet à un patron de commander et de payer en ligne des repas préparés en restaurant à tous ses employés, lesquels sont livrés le midi au bureau, explique Benjamin Chalier, PDG et cofondateur. D’un seul coup, nous avons perdu 100 % de notre clientèle. Sauf que nous avons eu l’idée de non plus livrer au bureau – ils sont tous fermés -, mais au domicile de chaque employé. La logistique est certes plus complexe, mais ça nous a sauvés.»
2. Miser sur les centres d’intérêts communs
L’entreprise, ses partenaires et sa clientèle ont des centres d’intérêts communs qui dépassent parfois leurs liens d’affaires ; ce peut être une même valeur (ex. : la bienveillance), ou encore une même façon de voir les choses (ex. : l’argent est un outil, pas une finalité). D’où l’intérêt de s’en servir pour nouer des liens plus forts que jamais entre les uns et les autres.
Kanuk a demandé à ses employés, en avril, de revenir à la manufacture de la rue Rachel, à Montréal, pour confectionner des jaquettes d’isolation destinées à différents établissements de santé québécois. Le fabricant de manteaux d’hiver a également distribué 100 vestes et 100 foulards en duvet aux employés du CHUM affectés à l’extérieur de l’hôpital. Enfin, il s’est lancé dans la confection de masques, vendus en ligne depuis mai.
«Nous voulions venir en aide aux travailleurs de la santé, qui sont au front, mais aussi à l’ensemble de la collectivité, dit Richard Laniel, PDG de Kanuk. Ça nous a procuré une force créative et un engagement du personnel qui dépassent l’entendement.»
3. Embrasser l’ennui
Qui dit confinement dit, inévitablement, ennui. Et par suite, le moment propice pour se démarquer de la concurrence. À l’image de MSP Teambuilding, qui s’est mise à offrir des séances virtuelles et gratuites de consolidation d’équipe. Au programme: le yoga du rire, des jeux brise-glace et autres amusements créatifs qui font appel à l’enfant qui sommeille en chacun de nous.
«Plus que jamais, la santé physique et psychique des employés est vitale pour les entreprises. C’est pourquoi nous avons jugé bon de faire oeuvre utile, sans chercher à faire de l’argent. C’est notre façon à nous d’aider chacun à surmonter les affres de la distanciation sociale», explique Claire Hayek, PDG de MSP Teambuilding.
4. Se montrer généreux
Signé François Roy est une agence de marketing établie à Sainte-Perpétue, dans le Centre-du-Québec. Une idée a germé dès que le nouveau coronavirus a commencé à faire des ravages : devant l’adversité, il fallait impérativement se serrer les coudes.
L’agence a aussitôt mis en place une plateforme numérique B2B destinée à faciliter la vie des entrepreneurs, en particulier leurs achats devenus incontournables pour faire face au virus. C’est ainsi qu’il y est possible de se procurer des écrans de protection en plexiglas, des masques à visière ou bien du matériel d’affichage (ex. : affiches, autocollants à apposer au sol…) fabriqués notamment par les entreprises québécoises Proplas, Sanixel et Imprimerie Maxime.
«Le site web Boucliercollectif.ca est un regroupement d’entreprises manufacturières qui entendent contribuer au redémarrage des autres entreprises et commerces d’ici. L’objectif consiste avant tout à nous soutenir les uns les autres en ces temps si difficiles. C’est bien simple, plus nous serons nombreux à participer sur ce site, plus notre action sera efficace», dit Kathleen St-Louis, conseillère à la stratégie et au développement chez Signé François Roy.
5. Penser local
Kingsdown fabrique des lits et des matelas depuis un siècle ; ses trois usines se situent aujourd’hui à Mebane, en Caroline du Nord, à Toronto, en Ontario, et à Shawinigan. En seulement cinq jours, il s’est créé dans chacune d’elles une chaîne de production et d’approvisionnement local capable de fournir des lits d’hôpitaux aux établissements de santé ainsi qu’à des sites temporaires destinés au traitement de la COVID-19, tant aux États-Unis qu’en Ontario et au Québec.
«Nous avons contacté nombre d’hôpitaux pour évaluer leurs besoins. Nous nous sommes renseignés sur les standards de fabrication des lits d’hôpitaux, et nous nous sommes lancés, certains que notre effort permettrait de contribuer efficacement à la lutte contre la pandémie», dit David Gélinas, vice-président de Zedbed, la division québécoise de Kingsdown.
L’opération, montée en un clin d’oeil, devrait permettre à 40 % des employés de Kingsdown de conserver leur emploi, selon les estimations de la haute direction.
«La clé du succès, c’est maintenant d’adopter des comportements authentiques, qui se révèlent bénéfiques pour l’ensemble de l’écosystème dans lequel on évolue. Et d’en profiter pour subtilement renforcer sa marque, sans se montrer aucunement opportuniste», résume Pauline Rosen, de Sid Lee.