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Dominique Beauchamp

La Sentinelle de la Bourse

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Analyse de la rédaction

Comment ce stratège se positionne pour la rentrée?

Dominique Beauchamp|Publié le 02 septembre 2022

Comment ce stratège se positionne pour la rentrée?

Les quatre grands indices nord-américains ont perdu de 11 à 24% à ce jour en 2022. (Photo: 123RF)

Même si les Bourses ont déjà subi beaucoup de dommages depuis le début de l’année, et que certains titres se sont littéralement effondrés, le stratège quantitatif de Canaccord Genuity reste prudent à la rentrée.

Les quatre grands indices nord-américains ont perdu de 11 à 24% à ce jour en 2022. La culbute de presque 17% du S&P 500 en 167 séances représente le cinquième pire début d’année répertorié, rapporte Charlie Bilello, fondateur de Compound Capital Advisor.

Essentiellement, Martin Roberge fait valoir que les actions n’intègrent pas encore l’inévitable ajustement à la baisse des profits attendus pour le reste de 2022 et pour 2023.

Pour ses clients institutionnels actifs qui cherchent à placer leurs pions pour 3 à 6 mois, le stratège sous-pondère encore les actions américaines et fait un peu plus de place aux obligations, à plus court terme.

Ainsi, le stratège accorde une pondération de 51% aux actions dans son portefeuille tactique, soit 4% de moins que la répartition de base. Les obligations occupent 37% du portefeuille au lieu de leur balise de 35%. L’encaisse de 7% est aussi plus élevée que la répartition habituelle de 5%.

 

Le pétrole préféré aux métaux

Dans le segment des matières premières, le stratège préfère le pétrole aux métaux de base parce que la dépréciation de plusieurs monnaies (en Chine, en Inde et dans plusieurs autres marchés émergents) diminue le pouvoir d’achat des acheteurs de métaux dans ces pays, alors que l’économie mondiale se dirige vers une récession manufacturière.

Le secteur manufacturier ressentira le nouveau régime de taux davantage l’an prochain, croit le financier qui prévoit encore 150 points de pourcentage de resserrement monétaire.

Les matières premières comptent donc pour 5% du portefeuille tactique, soit une posture neutre.

À plus court terme, les fabricants doivent aussi composer avec les surplus de biens en stock et un ralentissement prononcé des importations chinoises.

«La reprise de la production de biens risque de se faire attendre plusieurs trimestres parce que les stocks des entreprises croissent encore mondialement», dit-il.

Une récession de la consommation devrait se pointer plus tard en 2023.

La consommation restera résiliente à court terme, mais elle pliera éventuellement l’échine sous le poids des pertes d’emplois, du renversement de l’effet de richesse et du déclin de l’écart entre les salaires et l’inflation.

Le pétrole devrait mieux faire que les métaux en raison des contraintes de production qui forcent entre autres les raffineurs à l’acheter sur le marché au comptant. De plus, l’OPEP semble déterminer à réduire sa production si le pétrole iranien devait revenir sur les marchés dans l’éventualité d’une entente nucléaire.

 

Pourquoi les obligations?

Le marché obligataire a été trop hâtif à miser sur un pivot de la Fed tôt en 2023 et il s’ajuste au long combat pour mâter l’inflation par les banques centrales. Déjà, le marché des contrats à terme sur le taux directeur se rapproche du taux médian de 3,8% des prévisions des membres de la Fed pour décembre 2023.

«Ce rattrapage par les marchés à terme signifie que les taux obligataires approchent d’un pic cyclique. Si l’on se fie aux récessions passées, le rendement des obligations de référence de dix ans fait son nid de 75 à 100 points de pourcentage sous le niveau du taux directeur», explique Martin Roberge.

 

Deux scénarios et une tactique pour les actions

Bien que les actions reflètent déjà en bonne partie l’effet de dépréciation de la remontée brutale des taux sur leur évaluation, leur trajectoire future dépendra entièrement de celle de l’économie et des profits d’ici 12 mois.

«Si une récession est évitée, les Bourses devraient évoluer probablement au-dessus des planchers de juin (de 3636 pour l’indice S&P 500), et atteindre de nouveaux pics l’an prochain. Par contre, dans une récession, les Bourses retomberaient sous le plancher de juin», scénarise le stratège qui soutient que la prochaine phase du marché baissier proviendra des perspectives de profits plus ternes et d’une révision en règle des prévisions de bénéfice pour 2023.

Martin Roberge s’attend à ce que le levier de rentabilité des entreprises se renverse à partir du troisième trimestre.

 

«La croissance des profits sera inférieure à celle des revenus parce que la hausse des coûts érodera les marges»

Le stratège se dit à l’aise avec sa posture prudente parce que les «quatre conditions pour que la Bourse forme un plancher durable ne sont pas réunies». Historiquement, le secteur financier mène le bal lorsque la Bourse rebondit pour de bon, le dollar américain culmine et se met à décliner, l’écart entre les taux obligataires de 10 ans et de 2 ans s’élargit et redevient positif, et enfin les indicateurs avancés de l’activité économique (LEI ou Leading Economic Indicators) se contractent, mais se trouvent un seuil plancher.

Ces quatre conditions ne sont pas encore réunies pour valider que le plancher de juin est le bon. (Source: Canaccord Genuity)

 

Marge de sécurité trop faible

Il est aussi possible que la Bourse fluctue à l’intérieur d’un large couloir (de 3600 à 4300 pour le S&P 500) au cours des douze prochains mois ce qui fournira l’occasion aux investisseurs d’ajouter à leurs placements lorsque les marchés faiblissent et l’inverse lorsqu’ils rebondissent.

À ses yeux toutefois, la Bourse n’a pas encore touché «le» plancher. Le rendement supérieur ajusté pour le risque (Equity Risk Premium ou ERP) qu’offrent actuellement les actions (de 2,7%) n’est pas assez élevé par rapport au rendement que procurent désormais les obligations en raison de la hausse des taux.

L’ERP est la différence entre le rendement des bénéfices (soit l’inverse du ratio cours-bénéfices) et celui des obligations phares de dix ans. Au multiple actuel de 17 fois les bénéfices prévus dans un ans, l’ERP du S&P 500 est de 2,7% (5,9% moins 3,2%). L’ERP fluctue dans le temps en fonction des risques économiques. Plus le risque économique est élevé, plus les investisseurs exigent une prime ou une marge de sécurité pour favoriser les actions, explique le stratège.

Depuis la crise financière, la marge de sécurité minimum s’établit à 3%, mais la dette publique et privée ayant explosé, cette prime de risque» devrait dépasser 4%, croit Martin Roberge.

Pour y parvenir, l’évaluation des actions doit se contracter afin d’améliorer le rendement futur. Une «prime de risque» de 4% équivaut à un multiple de 14 fois les bénéfices prévus au lieu de l’actuel 17 fois, et donne au S&P 500 une valeur juste de 3300, élabore le stratège.

Sans l’aide de la Fed, la Bourse doit trouver son propre équilibre, conclut le stratège. L’approche qui consiste à échelonner l’achat d’actions en trois tranches lorsque le S&P 500 se négocie à 3100, à 3360 et à 3600 est logique puisqu’historiquement la Bourse rebondit de plus de 40% en moyenne sur un an, après la fin d’un marché baissier persistant.