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Dominic Gagnon

Innovation entrepreneuriale

Dominic Gagnon

Expert(e) invité(e)

Comment déchiffrer les «oui mais» en capital-risque

Dominic Gagnon|Publié le 07 septembre 2023

Comment déchiffrer les «oui mais» en capital-risque

Alors que certaines sociétés de capital-risque sont excellentes dans l’art de transmettre un refus en proposant des explications claires, d’autres ne semblent toujours pas avoir bien compris l’importance de la rétroaction. (Photo: Campaign Creators pour Unsplash.com)

EXPERT INVITÉ. Tous les fondateurs qui ont déjà été en levée de fond auront fait face à cette situation, j’en suis certain. Vous êtes le fondateur d’une start-up qui cherche du financement et vous rencontrez un investisseur en capital-risque (VC) pour lui présenter l’opportunité. Vous êtes convaincu que vous avez eu une excellente rencontre et que vos chances d’obtenir l’investissement sont relativement élevées, mais vous recevez l’une des nombreuses variantes d’un «non» vague par l’investisseur.

 

  • «Nous admirons sincèrement votre produit et avons une confiance totale en vous et en votre équipe… mais»
  • «Nous aimerions vous voir atteindre au moins 100 000 dollars de revenu récurrent mensuel (MRR) avant…»
  • «Nous recherchons davantage de partenariats avec…»
  • «Nous espérons X mille utilisateurs supplémentaires…»
  • «Peut-être pas maintenant, mais si vous avez d’autres investisseurs intéressés, appelez-nous…»

Vous êtes peut-être en train de vous dire : mais ce n’est pas un non, c’est simplement un «pas maintenant». Soyons toutefois transparents, cela veut dire la même chose dans le cadre d’un financement.

En fait, ce «non» subtil de l’investisseur semble provenir d’un mélange d’hésitation à paraître agressif ou trop dur (après tout, il ne faudrait pas les décourager) et d’une profonde peur de rater un accord prometteur («Fear of missing out» : FOMO).

Lorsqu’un fondateur reçoit ce type de non, très souvent il se dira qu’il ne lui suffit que de faire quelques changements pour convaincre l’investisseur d’embarquer ou encore qu’il pourrait proposer «un meilleur deal». Mais la vérité, même si ces nouveaux objectifs que vous présente l’investisseur semblent réalistes, ne les confondez pas avec autre chose qu’un rejet.

Alors que certaines sociétés de capital-risque sont excellentes dans l’art de transmettre un refus en proposant des explications claires, d’autres ne semblent toujours pas avoir bien compris l’importance de la rétroaction et s’efforcent d’être conviviales pour les fondateurs et d’éviter de les incommoder.

Malheureusement, encore aujourd’hui, de nombreux investisseurs en capital-risque hésitent à dire simplement «non». Et personnellement, j’ai de la misère à comprendre pourquoi.

Le fléau du «ghosting»

Le «ghosting» est un terme initialement utilisé dans le contexte des relations amoureuses pour décrire une situation où une personne cesse soudainement et inexplicablement tout contact avec l’autre sans explication ni avertissement. Ce phénomène est maintenant aussi présent dans la vie professionnelle et arrive lorsque des partenaires, des fournisseurs, des clients, voire même des employés, disparaissent sans laisser de trace. Ils cessent de répondre aux courriels, aux appels téléphoniques et aux messages laissant l’autre partie dans un état de confusion et d’incertitude.

Et malheureusement, même les investisseurs font parfois du «ghosting».

En tant que fondateur, vous attendez un courriel de l’investisseur qui n’arrive jamais. Vous vous demandez probablement: «mon courrier électronique fonctionne-t-il mal?» ou «mon message de suivi est-il resté piégé avec les pourriels?» et lorsque vous réalisez que ce n’est aucunement un problème technique, vous vous demandez maintenant «pourquoi cela arrive même si la réunion s’est super bien déroulée?»

Pour ma part, un investisseur qui fait du «ghosting» devrait être placé sur une liste noire. De plus, dites-vous que si cela vous arrive, vous êtes bien content de ne pas avoir celui-ci en tant qu’actionnaire.

Les conséquences néfastes de ces «non»?

Avec maintenant près de dix ans dans l’écosystème des start-ups, parfois en tant qu’investisseur et souvent en tant qu’entrepreneur en résidence ou mentor, j’ai pu constater à quel point ces «faux-non» peuvent avoir un impact négatif sur les entreprises.

Confusion: de nombreux fondateurs interprètent à tort ces «non» comme des réponses conditionnelles: «oui, quand…», ce qui les amène à s’accrocher à de faux espoirs et à les percevoir comme des objectifs.

Pivots inutiles: j’ai vu des fondateurs modifier leurs stratégies en fonction du «oui, quand» d’un investisseur. C’est une erreur, car il y a une bonne raison pour laquelle les investisseurs ne sont pas fondateurs: ce n’est tout simplement pas leur rôle! Selon moi, les fondateurs doivent donner la priorité à l’écoute de leurs clients, à l’analyse du marché et à l’écoute des mentors et finalement des investisseurs, dans cet ordre.

Perte de concentration: même si une entreprise ne pivote pas, ces subtils «non» introduisent du bruit. Ils sèment le doute. Comme me l’a dit un fondateur: «je sais que je devrais me concentrer sur X, mais un investisseur me dit de me concentrer sur Y.» 

Un investisseur qui n’a passé que 30 minutes à écouter votre argumentaire ne devrait pas vous dicter votre orientation.

Découragement: Bien que cela soit vrai en général, c’est encore pire lorsqu’on a l’impression que l’investisseur est devenu un fantôme. Effectivement, le «ghosting» est particulièrement préjudiciable, car il exploite le comportement toxique d’exclusion souvent associé à la dépression chez l’entrepreneur.

 

Reconnaître la réalité derrière les «non»

C’est simple: tout ce qui n’est pas un «oui, allons-y» retentissant équivaut à un rejet. Il est aussi important de comprendre que ce rejet est contextuel à cet investisseur, mais n’est pas une finalité pour votre projet. Pour ma part, lors de notre premier financement chez Connect&GO de 5 millions de dollars, sur plus de 50 rencontres, plus de 20 nous ont offert un «non» franc et tout autant un «oui, mais».. En soi, il n’en faut qu’un seul pour que cela fonctionne (ou quelques-uns, selon ce que vous cherchez).

Vous devez aussi tenir compte de l’activité des sociétés de capital-risque. Elles ont des horaires chargés et certaines questions peuvent passer entre les mailles du filet : ce n’est pas toujours un non. Vous pouvez aussi dès le début du processus, demandez quelle est la durée typique du processus.

Cependant, si un VC n’a pas répondu dans un délai de deux semaines, même après un suivi, c’est un «non» clair.

Vous devez aussi ne pas donner plus d’importance qu’ils en ont aux commentaires des potentiels investisseurs. Oui, vous devez valoriser les commentaires d’un VC, mais ni plus, ni moins que les autres informations pertinentes. N’essayez pas non plus d’argumenter au sujet des commentaires donnés par l’investisseur: cela n’a aucun sens. Prenez l’information, digérez-la et réfléchissez si celle-ci semble suffisamment valide pour apporter un changement à votre trajectoire.

Finalement, n’attendez personne: n’arrêtez pas votre progression et n’attendez pas qu’un VC dicte le rythme de votre processus. Explorez d’autres options simultanément. C’est selon moi le conseil le plus valable pour réussir un financement.

En comprenant les règles du jeu et en reconnaissant ces «non» subtils pour ce qu’ils sont réellement, vous pouvez rester concentré sur vos clients, trouver le bon investisseur et maintenir l’enthousiasme et l’optimisme à l’égard de votre entreprise.