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Comment séduire subtilement les jeunes talents?

L'économie en version corsée|Édition de février 2020

Comment séduire subtilement les jeunes talents?

Chers employeurs, ne considérez plus les jeunes comme des êtres bizarroïdes. (Photo: Annie Spratt/ Unsplash)

CHRONIQUE. Chers employeurs, vous dites souffrir de la pénurie de main-d’oeuvre. En souffrir terriblement. Horriblement. Pourtant, une solution saute aux yeux : recrutez de nouveaux talents, ceux qui sont fraîchement diplômés ou arrivés sur le marché du travail. Selon les données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), on dénombre 1,1 million de 15-29 ans prêts au travail, si bien que vous devriez juste souffrir de l’embarras du choix.

Le hic ? C’est que toutes sortes d’idées reçues circulent à propos des jeunes d’aujourd’hui, du genre « Ils ne veulent pas travailler » et autres « Ils changent d’employeur comme de chemise ». Ce qui nuit directement à leur embauche.

OK. Laissez-moi vous parler d’une étude qui date de 1975, c’est-à-dire de l’époque où nombre d’entre vous entriez sur le marché du travail. Les chercheurs Rousselet, Balazs et Mathey notaient : « La plupart des employeurs se font l’écho de nouvelles difficultés qu’ils ont avec les jeunes, en prétendant qu’ils ne trouvent plus chez eux les qualités d’amour du travail, d’ambition et de sérieux qui, à les en croire, caractérisaient les générations précédentes. » Voilà ce que les employeurs de l’époque disaient de vous.

Les trois chercheurs ont regardé si tout cela était vrai, si la génération montante des années 1970 présentait bel et bien des spécificités par rapport aux autres. Résultat : « Rien dans l’analyse ne permet de trouver les reflets d’une idéologie jeune homogène, qui s’opposerait en tout ou en partie à celle des adultes. Il n’y a là aucun hiatus de valeurs au travail entre « jeunes » et « vieux » », avaient-ils conclu.

Autrement dit, vous étiez perçus – à tort – comme différents des générations précédentes, et voilà qu’aujourd’hui, à votre tour, vous percevez les jeunes comme différents de vous. À tort ou à raison, cette fois-ci ? C’est justement ce qu’ont tenu à regarder trois autres chercheurs, Mircea Vultur, de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), ainsi que Daniel Mercure et Charles Fleury, tous deux de l’Université Laval. Voici ce qu’ils ont découvert : même centralité, même finalité, même attitude. Au Québec, les 18-34 ans accordent la même importance au travail que les autres générations. Ils tiennent, tout comme les autres, à ce que leur travail ait un sens. Et ils se montrent tout aussi engagés dès lors que le travail demandé leur paraît pertinent. Cela étant, des nuances s’imposent. « Les jeunes d’aujourd’hui sont plus en quête de reconnaissance et de réalisation personnelle que les autres, notent les chercheurs. Leur engagement au travail passe donc davantage par ce qu’ils sont que par ce qu’ils font. » Ce qui les amène à effectuer deux constats fondamentaux pour qui entend séduire les jeunes :

1. Le juste équilibre

Le travail se situe au deuxième rang dans l’échelle des valeurs des jeunes Québécois, tout juste derrière la vie privée. D’où l’importance de trouver un juste équilibre entre le « temps travaillé » et le « temps socialisé ».

« Les jeunes sont prêts à se donner corps et âme à leur travail, pourvu que celui-ci n’empiète pas sur la vie privée et constitue une sphère de réalisation de soi », a d’ailleurs dit Thomas Ferland-Dionne, fondateur, de Boite PAC, un cabinet-conseil en certification B Corp, lors d’une conférence sur le recrutement des Z (les 14-26 ans) organisée par Desjardins et Academos, une firme spécialisée dans le mentorat.

2. Les quatre conditions gagnantes

Les jeunes font preuve d’engagement dès lors que quatre conditions gagnantes sont réunies : le développement personnel ; la reconnaissance ; la connexité (la possibilité de nouer des liens fructueux avec les autres) ; le sens (le fait de faire oeuvre utile).

« Pour moi, Element AI, ce n’est pas une firme d’intelligence artificielle, mais une firme de RH : ce sont les employés qui font notre succès, rien d’autre, a dit au même événement Alex Shee, chef du bureau du PDG et chef du développement des affaires chez Element AI. Je me considère comme au service du développement personnel et professionnel de chaque employé. C’est bien le minimum à accomplir quand on reçoit 26 000 CV pour l’ouverture de 500 postes : il convient de se plier en quatre pour conserver chez nous ces jeunes talents qui pourraient briller n’importe où ailleurs s’ils le désiraient. »

Et Marie Amiot, PDG et cofondatrice de l’école de créativité La Factry, d’ajouter dans la foulée : « Les employeurs doivent arrêter de croire que leurs employés sont là pour dix ans, a-t-elle dit. Tout leur personnel va changer dans les trois prochaines années, voilà ce qu’ils doivent considérer. À moins, bien sûr, de fournir les efforts requis pour séduire durablement. »

Bref, chers employeurs, ne considérez plus les jeunes comme des êtres bizarroïdes. Ce sont des talents en herbe qui ne demandent qu’à grandir et à embellir, tout comme vous, à votre époque. Soyez un merveilleux jardinier, et vos affaires fleuriront d’elles-mêmes. C’est aussi simple que ça.

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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