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Dominique Beauchamp

La Sentinelle de la Bourse

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Analyse de la rédaction

Comment un analyste choisit ses titres de consommation

Dominique Beauchamp|Publié le 19 avril 2021

Comment un analyste choisit ses titres de consommation

(Photo: ATOMS pour Unsplash)

Pendant que les sommets boursiers, la fièvre crypto et le yoyo des taux obligataires attirent toute l’attention des investisseurs, le secteur canadien de la consommation fait moins parler de lui.

Il compte pourtant des entreprises de grande qualité fort rentables qui se distinguent par leur croissance et leur répartition du capital.

Chris Li, de Desjardins Marché des capitaux, profite de la remontée de 14% des épiciers depuis la fin de février, des prochains résultats de Metro (MRU, 58,87$) et de Vêtements de sports Gildan (GIL, 41,27$) et du récent rebond des titres de Saputo (SAP, 39,63$) et de Dollarama (DOL, 57,63$) pour faire le point sur les neuf entreprises du secteur de la consommation de base et discrétionnaire dont il assure le suivi.

Depuis le début de l’année, la moitié des titres de consommation ont surpassé le gain de 10% du S&P/TSX (Source: Desjardins Marché des capitaux)

Cette mise à jour ouvre une fenêtre sur le raisonnement des analystes qui ont à choisir les poulains préférés de leur écurie.

Chris Li propose toujours d’acheter Alimentation Couche-Tard (ATD.B, 41,47$), Canadian Tire (CTC.A, 194,39$), Empire (EMP.A, 39,59$), Gildan et George Weston (WN, 113$). Il hausse aussi ses cours cibles pour Loblaw (L, 69,33$), Saputo et Weston.

En revanche, l’analyste ne recommande pas les titres de Dollarama, Metro, Loblaw et Saputo, au cours actuel.

 

Weston et Empire préférés à Metro et Loblaw

L’analyste attribue le récent sursaut des épiciers aux nouvelles restrictions sanitaires imposées par la recrudescence de la pandémie. Les bons résultats du propriétaire de Sobeys et d’IGA, Empire, au troisième trimestre et le retour de Galen Weston à la tête de Loblaw ont aussi joué en leur faveur.

Puisque ces titres ont déjà bien performé pendant les premières vagues de la pandémie et que l’évaluation du secteur a retrouvé sa moyenne des cinq dernières années par rapport à l’indice S&P/TSX, on ne peut pas compter sur une hausse supplémentaire des multiples d’évaluation, à moins que la pandémie ne se dégrade.

«La plus grande inconnue concerne la trajectoire de l’épicerie en ligne puisque la pandémie a tiré vers l’avant deux à trois ans de demande. Tous les épiciers doivent néanmoins trouver la stratégie qui leur permet à la fois de répondre à la demande et de rentabiliser ce service», explique l’analyste de Desjardins.

Chris Li fait donc des choix relatifs en fonction du potentiel de rendement total qu’il prévoit pour chacun.

Sur cette base, George Weston (WN, $) le propriétaire de Loblaw et de Propriétés de Choix et Empire offrent des rendements totaux de 13 et 12%, incluant le dividende, d’ici un an.

Le cours de la société de portefeuille de la famille Weston est 14% moins cher que la valeur totale de 130$ accordée à l’entreprise et à ses filiales. Cet écart pourrait se rétrécir lorsqu’elle dévoilera comment elle entend déployer les capitaux de la vente éventuelle du boulanger Weston Foods. En théorie, une cagnotte de 1,8 milliard de dollars après impôts pourrait servir au rachat de 10% de ses actions, dit-il.

Pour sa part, Empire continuera à bénéficier à court terme de la distanciation sociale puisque les épiceries conventionnelles représentent 90% de son réseau au moment où les consommateurs centralisent leurs achats.

Les plus récents résultats financiers donnent aussi confiance que le plan de relance pourrait porter les bénéfices à plus de 3$ par action en 2023, d’où son cours-cible de 44$. L’évaluation du titre est encore inférieure à la moyenne depuis trois ans.

Le changement de la garde à la tête de Loblaw pourrait apporter plus de constance dans l’exécution et la croissance, soutient l’analyste. L’entreprise a tout ce qu’il faut pour y parvenir (avec des épiceries conventionnelles et au rabais, le programme de loyauté, le vaste réseau d’épicerie en ligne et les services connectés de santé), mais la création de valeur prendra du temps, prévient-il.

Metro mérite sa plus-value par rapport à ses rivaux, étant donné la qualité de son exécution et de ses rendements financiers. Au cours actuel toutefois, le potentiel d’appréciation apparaît plus limité au moment où le rythme de croissance se modérera après la pandémie.

 

Couche-Tard gère bien ce qu’elle contrôle

À court terme, Alimentation Couche-Tard pourrait continuer à vivoter en Bourse parce que ses bénéfices se compareront à des résultats antérieurs difficiles à battre au chapitre des marges d’essence et des ventes comparables en magasin.

Ceci dit, les volumes d’essence augmentent à nouveau aux États-Unis et les marges à la pompe tiennent bon depuis la fin du mois de mars si l’on se fie aux résultats de la chaîne 7-Eleven, indique l’analyste.

À moyen et long terme long terme, son appréciation repose de deux piliers: les retombées de tous les efforts pour améliorer la croissance interne des ventes ainsi que plus de confort avec sa stratégie élargie d’acquisitions et de retour de capital aux actionnaires.

Le société bénéficie d’une énorme capacité transactionnelle, un avantage que son évaluation ne reflète pas, croit-il. Après un recul de 4% depuis le début de l’année, Couche-Tard se négocie à un multiple de 16,5 fois les bénéfices prévus, nettement moins que ses rivaux américains.

Chris Li réitère sa recommandation d’achat et son cours-cible de 45$.

 

Saputo va mieux, son titre aussi

Le retour de la restauration et de l’hôtellerie améliore les perspectives fondamentales du transformateur laitier. Les prix du fromage, du lait et de la poudre de lait augmentent aussi, mais les stocks sont encore élevés, note Chris Li.

Toutefois, la hausse récente de 13% du titre depuis le 4 février tient compte de ces «bonnes nouvelles» et anticipe les nouvelles orientations financières de l’entreprise attendues en juin.

L’action a déjà retrouvé l’évaluation moyenne des cinq dernières années. Chris Li serait donc acheteur si le cours se repliait. Son nouveau cours-cible de 42$ représente déjà un multiple de 20 fois les bénéfices prévus dans deux ans, au lieu de 19 fois auparavant.

 

Canadian Tire devra préserver ses gains

Le détaillant iconique a démontré sa résilience pendant la pandémie. La demande pour les produits pour la maison a été si exceptionnelle en 2020 que le profit brut additionnel de 3,75$ par action dégagé par les magasins Canadian Tire a complètement compensé pour le déclin des autres enseignes (Sport Chek, L’Équipeur et Helly Hansen), la rentabilité affaiblie de la division des services financiers et les coûts additionnels de la COVID-19, explique Chris Li.

À ses yeux, le détaillant émerge de la pandémie mieux équipé qu’avant pour améliorer ses ventes, réduire ses coûts et relever sa rentabilité.

Pour soutenir son évaluation le marchand devra exploiter ses avantages concurrentiels afin de gagner des parts de marché et remplacer les ventes d’articles privilégiés pendant le confinement.

«Si le marchand réussissait à préserver une partie de la croissance pandémique, on peut imaginer un bénéfice 15$ par action en 2022 et un cours de 220$», dit-il. Pour le moment, son cours-cible reste à 195$.

 

La qualité de Dollarama n’est pas bon marché

À court terme, les nouvelles restrictions sanitaires en Ontario nuiront au ventes, mais le détaillant continuera à bénéficier de la solide demande pour les articles pour la maison.

Les ventes et les marges devraient se modérer par rapport aux trimestres forts de l’été et de l’Halloween en 2020. Ce retour à la normale ralentira d’ailleurs la croissance des bénéfices de 27% en 2021 à 15% en 2021, prévoit-il.

Au cours actuel, soit 25 fois le bénéfice prévu, l’action est toutefois déjà bien évaluée en fonction de ce taux de croissance prévu.

Chris Li rappelle que le multiple a historiquement dépassé 25 fois lorsque le bénéfice croissait de plus de 20% par année, grâce à l’expansion des marges.

L’offre éventuelle de produits aux prix de 4,50 et 5$ devrait avoir un effet favorable sur les marges, mais la hausse des coûts en approvisionnement et la compétition d’autres détaillants amortiront son impact sur les marges, entrevoit l’analyste.

Dollarama atteint déjà le cours cible de 61$ de Chris Li qui repose sur un multiple de 23 fois les bénéfices prévus dans deux ans.

La qualité de la société et son positionnement ne font aucun doute, et l’introduction de prix plus élevés sera un catalyseur, mais l’analyste préfère attendre «un meilleur point d’entrée» avant de recommander le titre à nouveau.

 

Gildan est un bon choix de reprise

La pandémie a obligé le fabricant de t-shirts, chandails, sous-vêtements et chaussettes à sabrer dans ses coûts. L’entreprise croit donc pouvoir dégager des marges d’exploitation de 18% dès que les revenus retrouveront le niveau d’avant la pandémie.

Chris Li y croit, mais pas pour l’an prochain. Gildan gère bien ses dépenses, mais elle n’a aucun contrôle sur le retour des événements corporatifs et culturels qui alimentent la demande pour les t-shirts à imprimer.

L’analyste prévoit que les commandes se rétablissent cette année parce que les fournisseurs de t-shirts à imprimer voudront regarnir leurs stocks pour profiter de la reprise de 2022.

Les vêtements de détente sont très populaires, mais les consommateurs pourraient aussi s’en lasser après la pandémie. Heureusement, après sa rationalisation, Gildan peut offrir des prix imbattables aux détaillants pour rafler des commandes pour leur marque maison.

L’analyste s’attend à ce que Gildan rétablisse son dividende cet été et recommence à racheter des actions l’an prochain. Sans acquisitions en vue, la société partage ainsi le capital excédentaire qui s’accumule.

L’évaluation actuelle de 16,5 fois les bénéfices prévus en 2022 se situe dans la moyenne à long terme, mais elle pourrait grimper jusqu’à 19 fois dans une reprise, d’où le cours-cible de 45$.

Du con de l’œil, Chris Li surveille aussi les discussions du G20 au sujet d’un impôt minimum mondial qui pourrait faire monter la facture fiscale de Gildan qui bénéficie d’un taux d’imposition dont les revenus aux Barbades se solde par un taux d’imposition de moins de 5% grâce aux revenus enregistrés aux Bardades.

Chaque hausse de 10% du taux d’imposition amputerait le bénéfice d’autant, précise l’analyste.

Avec ces repères boursiers en main, bon magasinage.