Si les entreprises ont parfois l’air moins sincères dans leurs gestes philanthropiques, c’est entre autres parce qu’elles communiquent mal ou peu. (Photo: 123RF)
PHILANTHROPIE. Les valeurs de solidarité et d’engagement social sont plus populaires que jamais depuis la crise, au point où plusieurs entreprises rivalisent d’originalité pour remettre argent et produits à ceux qui viennent en aide à leurs concitoyens dans le besoin. Une situation gagnant-gagnant pour les employeurs et les organismes communautaires.
Suffit-il d’entreprendre des initiatives philanthropiques qui ne sont pas uniquement à des fins de marketing pour en assurer la réussite ? Certes, la sincérité est importante, répondent les experts, mais il faut aussi savoir la communiquer.
«Ça fait 20 ans que je travaille dans ce milieu-là avec une foule d’entreprises, d’OBNL et de fondations, et je pense qu’en général, leurs intentions sont sincères», dit Pascal Lépine, fondateur d’Atypic, une entreprise spécialisée en stratégie, communication et financement pour les organisations du domaine caritatif. Il reconnaît cependant que plusieurs personnes – au sein du grand public et du personnel des entreprises – sont parfois méfiantes et sont portées à croire que certains acteurs du milieu philanthropique ont des motivations autres que celles qu’ils professent. Que les entreprises font de la philanthropie pour les avantages qui y sont associés.
«La réalité, cependant, c’est que la plupart des dirigeants avec lesquels je m’entretiens ne réalisent même pas que leur engagement caritatif peut leur amener un lot d’avantages, notamment sur le plan de la rétention d’employés. S’ils agissaient par dessein, ils seraient plus enclins à en tirer avantage», raconte Pascal Lépine. Selon lui, là où ça achoppe, c’est souvent dans la communication : si les entreprises ont parfois l’air moins sincères, c’est parce qu’elles communiquent mal ou peu. «Est-ce qu’il y a des entreprises qui font de la philanthropie pour bien paraître ? demande M. Lépine. Ça se peut. Mais pour la plupart, c’est sincère. Sauf qu’en général, je leur donnerais un « B- » pour leur manière de communiquer. Ça fait vraiment défaut.»
Mieux expliquer
Le storytelling est d’importance capitale pour faire transparaître sa sincérité dans ses communications explique le fondateur d’Atypic. Selon lui, nombreuses sont les entreprises qui mènent de bonnes actions et qui ne parlent pas, ou pas de la bonne façon, de leurs objectifs et motivations.
«Souvent, les entreprises font des dons et expliquent mal leur geste, alors que quand on creuse, on réalise qu’il y a une belle histoire qui montre bien la sincérité des actions», dit-il. Une firme devrait expliquer pourquoi elle a choisi une cause plutôt qu’une autre, et pourquoi elle est importante pour la direction.
«Je me souviens de Jacques Ménard, l’ancien président de la Banque de Montréal. Pour lui, le décrochage scolaire, c’était viscéral. Il en parlait, il l’exprimait. Personne ne doutait de sa sincérité.» Pascal Lépine mentionne aussi l’exemple d’Ed Clark, ancien président de la Banque TD, qui a soutenu la cause de la diversité et de la communauté LGBTQ. Selon lui, tout le monde comprenait que son engagement était sérieux, qu’il n’agissait pas pour aller chercher de nouveaux clients. Il joignait la parole à l’acte.
«Pour lui, c’était une question de droits de la personne, dit M. Lépine. À un moment donné, des organismes religieux ont dit qu’ils allaient retirer leur argent de sa banque, et il leur a répondu qu’ils pouvaient prendre leur argent et aller l’investir ailleurs.»
Pour convaincre, ce genre de conviction doit toutefois être communiqué, conclut Pascal Lépine. «Il y a des gens qui donnent, mais qui sont gênés de le faire. Surtout dans les milieux francophones. Ils ne veulent pas avoir l’air de se péter les bretelles. Mais ça reste important de le dire, de s’expliquer, et de le faire habilement. C’est ça qui fait toute la différence en matière de jugement des gens.»
Relations solides
Si la sincérité n’est pas toujours garante de succès en philanthropie, estime Jean-Marc Fontan, codirecteur du PhiLab, elle demeure importante. Selon lui, les organisations doivent faire comprendre la dimension humaine de leur geste : «C’est certain qu’on n’amputera jamais la dimension économique ou la dimension politique d’un geste philanthropique, parce que c’est un mélange de tout ça, mais de faire ressortir que l’aspect dominant, c’est de vouloir apporter de l’aide et de contribuer à sa façon, je pense que c’est la clé.»
Pour Louise Giroux, fondatrice et présidente de Philanthrôpia, une firme longueuilloise de conseil stratégique en philanthropie, la sincérité découle de la façon dont on entretient des relations avec notre entourage. «Il faut faire du friend-raising, établir des liens d’empathie avec notre cause, dit-elle. Il faut développer les relations avec notre équipe, avec les conseils d’administration avec lesquels on travaille, et avec les gens qui partagent un intérêt pour notre cause.»
Pour elle, il est important de faire en sorte que le microcosme de notre cause soit soudé. Les organismes doivent aussi arriver à montrer qui ils sont, comment ils travaillent pour leur cause, et à quel point leurs actions sont pertinentes. «Quand on réussit à montrer notre sincérité et l’honnêteté de notre travail, on réussit mieux à atteindre les donateurs, à les associer à notre cause, à faire qu’ils soient fidèles.»
Gentille réputation
50 %
C’est le pourcentage des employés qui affirment avoir tenu compte de la réputation de leur employeur relativement à son travail communautaire et caritatif avant d’avoir accepté leur offre d’emploi.
Source : Imagine Canada, Rapport «Bénéfices, objectifs et employés qualifiés : tendances et motivations relatives aux dons et au bénévolat des entreprises», 2019.