Sylvie Pinsonnault, première vice- présidente aux stratégies et aux solutions d’affaires d’Investissement Québec (Photo: courtoisie)
LA COMPÉTITIVITÉ VERTE. Conjuguer réduction de son empreinte environnementale avec productivité, croissance et innovation, mission impossible ? Depuis le lancement de l’initiative Compétivert d’Investissement Québec (IQ), en mars dernier, elle l’est de moins en moins.
La société d’État s’est donné une cible de 375 millions de dollars (M$) pour les trois prochaines années afin de financer des projets visant l’intégration de technologies propres ou de pratiques écoresponsables des entreprises de toutes les régions du Québec. Pour ce faire, IQ leur « propose des solutions créatives de financement et d’accompagnement ainsi que des outils concrets », lit-on dans l’annonce.
« Ça nous prenait un plan taillé sur mesure pour les entreprises qui souhaitent passer à l’action sur le plan environnemental. L’économie verte va créer des occasions d’affaires de 23 000 milliards d’ici 2030 ; ce n’est pas de la pensée magique que de vouloir prendre part à ce marché », affirme Sylvie Pinsonnault, première vice-présidente aux stratégies et aux solutions d’affaires d’IQ.
Bien au contraire : réduire ses émissions de gaz à effet de serre sera de plus en plus incontournable dans les années à venir. « Négocier ce virage ouvrira des portes. Les appels d’offre de demain tiendront compte des critères du développement durable », illustre celle qui est à la tête de l’initiative Compétivert.
Solutions adaptées
Compétivert s’articule autour de « toutes nouvelles solutions » qui répondent aux besoins des entreprises québécoises. À celles déjà bien établies, IQ propose par exemple une solution de financement assortie d’un moratoire de remboursement de capital pouvant s’étendre jusqu’à 48 mois, soit quatre ans. « Choisir des technologies, les implanter et les éprouver prend du temps. Ce qu’on offre avec une telle modalité, c’est la flexibilité nécessaire pour bien déployer le projet », souligne Sylvie Pinsonnault.
Une idée que salue Corinne Gendron, professeure au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal. « Il y a toujours une part d’incertitude liée au fait d’adopter une technologie verte, analyse-t-elle. Un tel moratoire lève en quelque sorte ce frein et favorise l’engagement dans une démarche de modernisation. » Cela est d’autant plus vrai qu’Investissement Québec est parmi les rares bailleurs de fonds à se permettre de prendre un tel risque, ajoute la chercheuse.
Un autre volet de Compétivert est la prise de participation en capitaux au sein des entreprises qui développent des technologies propres au Québec. Cette solution en capital de risque s’adresse spécifiquement aux entreprises qui en sont à leurs premiers stades de développement. Seul critère : avoir réalisé des ventes à la suite d’une preuve de concept. « L’idée est de terminer rapidement le montage financier en collaboration avec les fonds d’investissement dont nous sommes commanditaires, comme Cycle Capital », précise Sylvie Pinsonnault.
Diagnostic environnemental
L’un des aspects les plus novateurs de Compétivert demeure néanmoins son service d’accompagnement technologique personnalisé. Ce diagnostic de performance environnementale permet aux entreprises d’analyser leurs procédés et processus industriels, puis de dresser une liste d’actions et de projets prioritaires et rentables. Le tout est offert par les experts techniques du Centre de recherche industrielle du Québec, qui a récemment été fusionné à IQ. Attention ! La société d’État ne « vend » pas de technologies propres, même si elle priorise des solutions québécoises dans ses suggestions.
« Au quotidien, les entrepreneurs ont rarement le temps et l’énergie de creuser les solutions qui s’offrent à eux afin d’améliorer leur bilan environnemental. Ce service d’accompagnement leur permet d’accéder à la fois aux informations et à l’expertise qui leur fait défaut », explique Corinne Gendron. Cela est d’autant plus vrai pour les PME qui ne disposent pas nécessairement de ressources attitrées à ce sujet en interne. « On peut avoir envie de prendre le virage vert, mais à quoi bon si on ne sait pas par où commencer ? » fait-elle valoir.
Au moment où ces lignes étaient écrites, à la mi-août, Investissement Québec était incapable de fournir des données attestant de la popularité de l’initiative Compétivert. « L’engouement est au rendez-vous ; nous avons plusieurs projets concrétisés ou en cours de l’être dans le pipeline », fait cependant valoir Sylvie Pinsonnault.
« Nous ne devrions pas avoir de difficulté à atteindre notre cible de 375 M$, qui est un minimum, estime-t-elle. Si on double, triple ou quadruple cette somme, comme cela a été le cas avec l’initiative Manufacturiers innovants, nous n’en serons que plus satisfaits. »