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CHRONIQUE. Depuis le début de l’année, plusieurs «experts» suggèrent dans les médias d’augmenter la pondération d’actions dans un portefeuille au détriment des obligations. L’explication offerte tourne généralement autour du fait que les actions offrent une protection à long terme contre l’inflation lorsque celle-ci est élevée et que les obligations vont perdre de la valeur si les taux d’intérêt augmentent. C’est vrai à plusieurs égards, mais cette suggestion m’apparaît toutefois risquée, voici pourquoi.
Pour mieux comprendre, il est important de savoir que les meilleurs rendements à long terme s’obtiennent lorsque les rendements d’une période à l’autre, par exemple d’une année à l’autre, ne sont pas trop volatils. Pour l’illustrer, il est préférable de tenir un portefeuille qui génère 10 % par année, plutôt qu’un portefeuille qui génère 30 % une année et 10 % l’année suivante. Dans les deux cas, la moyenne est de 10 % par année, mais dans le premier cas, 100$ investis vaudront 121$ après deux ans, tandis qu’il ne vaudra que 117$ dans le deuxième cas. La volatilité d’un portefeuille réduit le rendement à long terme, c’est facilement démontrable mathématiquement.
Une des meilleures façons de limiter la volatilité d’un portefeuille est donc de construire un portefeuille composé de plusieurs actifs qui n’offrent pas des rendements trop similaires d’une période à l’autre. Dans un portefeuille diversifié, il est souhaitable de détenir des actifs qui évoluent différemment dans différents environnements de marché.
De façon générale, les actions et les obligations permettent d’atteindre cet objectif de diversification, mais pas toujours. Par exemple, en 2021, les actions ont très bien performé, mais les obligations ont majoritairement obtenu des rendements négatifs.
Les actions sont généralement beaucoup plus volatiles et risquées que les obligations. Si l’on revient à l’objectif mentionné précédemment de limiter la volatilité d’un portefeuille, alors augmenter la pondération d’actions afin de réduire les pertes éventuelles des obligations est contre-productif. Ça augmente encore plus le risque d’un portefeuille, et ça limite sa capacité à profiter des effets bénéfiques de la diversification.
Préjugé pour les actions Après avoir discuté avec plusieurs investisseurs récemment, je réalise qu’il y a un préjugé certain envers les actions. Les investisseurs sont si habitués aux rendements exceptionnels de la Bourse qu’ils ne réalisent pas que des pertes substantielles peuvent survenir. Et si des pertes surviennent, ils sont convaincus qu’elles seront récupérées en quelques mois, de deux à trois ans au maximum. Il est alors intéressant de se rappeler que la Bourse américaine a mis 25 ans à se relever de la Grande Dépression et que l’indice Nikkei, au Japon, n’a toujours pas retrouvé son sommet de 1989.
Je ne prétends pas que ces scénarios vont se reproduire prochainement, mais simplement qu’il est possible de connaître des périodes de rendements négatifs qui s’échelonnent sur plusieurs années. C’est d’autant plus probable après une période d’euphorie boursière comme celle des dernières années.
Attentes de rendement réalistes Je n’ai pas de boule de cristal, mais il semble évident que les rendements des prochaines années seront plus faibles que ceux obtenus dans les cinq ou dix dernières années. Ce n’est pas un hasard si les actions, les obligations et les biens immobiliers nous semblent tous chers. La baisse des taux d’intérêt au cours des dernières années a largement contribué à la hausse de la valeur de pratiquement tous les actifs financiers. C’est très peu probable que ce vent de dos soit aussi porteur à l’avenir.
L’exposition aux obligations Enfin, les marchés fonctionnent par anticipation. On prévoit que les banques centrales canadienne et américaine relèveront leur taux directeur plusieurs fois cette année et, depuis environ un an, les taux d’intérêt sur les obligations de 5 ans ont déjà triplé et les taux sur celles de 10 ans ont presque doublé. Bien que possible, rien ne garantit que cette hausse va se poursuivre et il est probablement préférable de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.
Dans un tel contexte, il semble évident que les obligations ont encore une place dans un portefeuille diversifié, ne serait-ce que pour mieux contrôler le niveau de risque et profiter des effets positifs de la diversification. Toutefois, le marché des obligations, ou plus largement des titres à revenu fixe, est très vaste et il est important de cibler les risques auxquels on veut s’exposer.
Ainsi, depuis plusieurs années, je trouve plus pertinent d’investir dans des obligations à long terme liées à l’inflation plutôt que dans des obligations du gouvernement canadien traditionnelles. Ou encore d’investir une portion plus importante dans des obligations de société que dans des obligations gouvernementales. Contrôler et comprendre les risques de son portefeuille obligataire est primordial si l’on veut construire un portefeuille bien diversifié efficace.
Si votre portefeuille est déjà bien construit, bien diversifié, et correspond à votre tolérance au risque, vous devriez continuer à bien dormir. La meilleure approche est probablement encore de maintenir un portefeuille diversifié dans plusieurs catégories d’actifs, incluant une exposition ciblée à certains secteurs du marché obligataire.