Les chantiers de construction de bâtiments commerciaux, institutionnels et industriels qui débuteront après le 27 décembre prochain au Québec devront être conformes à de nouvelles exigences en efficacité énergétique. (Photo: courtoisie)
INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION. Même si les nouvelles normes québécoises de construction écoénergétiques sont en vigueur depuis plus de huit mois, les acteurs de l’industrie ont encore des questions sur leur application concrète. Les Affaires se penche sur les principaux enjeux à éclaircir d’ici la fin de la période transitoire, fin décembre.
Les chantiers de construction de bâtiments commerciaux, institutionnels et industriels qui débuteront après le 27 décembre prochain au Québec devront être conformes à de nouvelles exigences en efficacité énergétique, entrées en vigueur à la fin du mois de juin 2020. Par conséquent, l’industrie devra adapter ses pratiques, mais ce n’est pas chose faite.
Ces changements concernent également les édifices d’habitation de plus de trois étages, ainsi que ceux d’au plus trois étages abritant des logements et des locaux destinés à un autre usage. Les projets d’agrandissement de plus de 25 % sont aussi visés.
Les répercussions sur l’industrie de la construction seront «colossales», estime Mélanie Robitaille, vice-présidente et directrice générale de Rachel Julien, un promoteur immobilier montréalais. «D’emblée, l’élément le plus difficile en matière de gestion et de coûts sera l’enveloppe du bâtiment, plus particulièrement les murs et les toitures», note-t-elle. L’enveloppe inclut aussi les fondations, le fenêtrage et les portes.
Le nouveau règlement a effectivement des exigences plus élevées en matière de calcul de la capacité d’isolation. Il faudra mettre davantage d’isolant, mais ce ne sera toutefois pas suffisant pour obtenir une bonne étanchéité à l’air. «Pour assurer l’étanchéité, il ne faut pas des matériaux très complexes et nous les avons déjà», nuance Marco Lasalle, directeur du Service technique à l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ). «La différence est dans la qualité de l’assemblage», explique-t-il. Il ajoute que cet aspect n’est pas maîtrisé sur les chantiers au Québec à l’heure actuelle et qu’il y aura un «sérieux»travail de formation à faire.
Ponts thermiques
Porter attention aux ponts thermiques — là où la barrière isolante est rompue — sera un autre changement marquant pour les entrepreneurs, renchérit Nathalie Brisson, qui a participé à la rédaction du règlement à la Régie du bâtiment du Québec (RBQ). «Les jonctions entre un plancher et un mur, un toit et un mur, sont des endroits où il y a beaucoup de pertes thermiques, expose-t-elle. C’est là qu’il est payant de travailler pour éviter la diffusion de la chaleur.»
Les ponts thermiques devront maintenant être calculés et il faudra tendre à les éliminer. «Avant, on calculait le mur entre deux colombages et on prenait la partie la mieux isolée, et nos professionnels partaient avec ça», explique Mélanie Robitaille. «Aujourd’hui, le calcul est un pourcentage. Donc, supposons que j’ai un mur composé de briques… Je vais devoir calculer mon pourcentage de briques multiplié par le R (capacité d’isolation) de la brique. Ensuite le pourcentage de fenêtre multiplié par le R de la fenêtre… et le pourcentage de colombage multiplié par le R de mon colombage.» Il faudra aussi inclure les bris thermiques dans le calcul.
Bien reçue
Les précédentes règles en matière d’efficacité énergétique dataient de 1983 et la mise à jour est bien reçue, assure la RBQ. Sauf qu’il y aura des adaptations à faire.
Rachel Julien, par exemple, fait affaire avec des professionnels qui dessinent des plans et qui doivent s’assurer du respect de la nouvelle règlementation. La construction se fait ensuite en fonction desdits plans. «L’information vient du gouvernement vers les professionnels, et ensuite les professionnels vont nous dire comment appliquer les changements», souligne Mélanie Robitaille.
Tous les acteurs de l’industrie ne sont pas rendus au même point en la matière. Début février, les fournisseurs du promoteur montréalais n’étaient par exemple pas encore en mesure de livrer des fenêtres dont le cadre est conforme aux nouvelles normes.
Comme les ingénieurs et architectes en sont encore à l’étape de comprendre comment appliquer les exigences, l’industrie n’est pas encore prête à s’y conformer. «Nous sommes bien loin d’avoir des sous-traitants qui sont en mesure d’appliquer les différents changements», constate Mélanie Robitaille.
Quelles vérifications?
Un autre défi sera de s’assurer que les nouvelles exigences sont bel et bien appliquées, estime André Legault, de la firme de génie-conseil Martin Roy & Associés et spécialiste du sujet. «Pour avoir un permis de construction au Manitoba ou à New York, il y a beaucoup plus de vérifications par les autorités, illustre-t-il. Au Québec, on met ça sur la responsabilité professionnelle des architectes.»
Il ajoute que la RBQ peut faire des vérifications, mais que l’organisme provincial ne peut pas être partout.
Roland Charneux, directeur de la firme de génie-conseil Pageau Morel, partage ces considérations. «Je ne suis pas convaincu que, dans le passé, tous les bâtiments ont vraiment été bâtis selon ce qui a été prescrit, soutient-il. Mais la RBQ semble avoir l’intention de s’assurer que ce soit bien fait. On verra les moyens à leur disposition.» La RBQ n’a pas donné suite aux demandes de précision de Les Affaires.