Dominique Tardif, présidente de l’agence de recrutement d’avocats et de notaires ZSA Québec. (Photo: courtoisie)
GRANDS DU DROIT. Le talent est le nerf de la guerre dans les services professionnels, et les cabinets d’avocats n’échappent pas à cette règle. En pleine période de pénurie de main-d’œuvre, ils doivent apprendre à exceller dans la rétention des membres de leurs équipes.
Chaque année, des dizaines d’avocats, parfois de grosses pointures, quittent un cabinet pour un autre. Qu’est-ce qui suscite ces départs ? « Les raisons sont nombreuses et peuvent être très différentes selon que l’on est associé ou salarié », explique Dominique Tardif, présidente de l’agence de recrutement d’avocats et de notaires ZSA Québec.
Chez les avocats salariés, le sentiment d’avoir un horizon bouché peut donner l’envie d’aller voir ailleurs. C’est le cas, par exemple, d’un avocat bloqué au poste de numéro deux dans son groupe de pratique, mais qui pourrait devenir chef de pratique chez un concurrent. Sans compter tous les salariés qui désespèrent de devenir associés. « S’il y a beaucoup d’associés pas très vieux dans un groupe de pratique, cela réduit les chances des salariés d’atteindre ce statut », souligne Dominique Tardif. Pour contrer cela, certains cabinets créent un niveau d’associé sans participation. L’avocat touche alors une partie des profits de l’entreprise, sans en être propriétaire.
« La rémunération demeure une cause fréquente de départ », ajoute Dominique Tardif. Un avocat qui effectue beaucoup de travail pour un client peut avoir l’impression qu’on devrait lui créditer ce client, mais pour différentes raisons ce client reste au bilan d’un autre avocat. Ou bien un professionnel doit refuser un gros client pour éviter de placer le cabinet en conflit d’intérêts, mais perd du même coup un important revenu.
Selon la recruteuse, la culture du cabinet est devenue un argument de rétention majeur. « Ça compte beaucoup plus qu’il y a dix ans, prévient-elle. La cohésion, la collégialité, la flexibilité, le rythme de travail et les valeurs constituent des éléments cruciaux pour conserver ses professionnels. »
Un milieu plus convivial
Chez Norton Rose Fulbright, la volonté de répondre aux attentes des équipes est passée récemment par une réflexion sur l’organisation des lieux de travail. « Les gens souhaitent revenir au bureau, mais pas pour y faire la même chose qu’avant la pandémie, croit Me Luc Morin, associé directeur du cabinet à Montréal. Ils désirent des espaces de travail plus conviviaux et très axés sur la rencontre et le travail collectif. »
Par un heureux hasard, Norton Rose Fulbright arrivait en fin de bail. Les dirigeants avaient donc toute la latitude voulue pour revoir la taille et la disposition de leurs locaux. Ils ont entrepris un important projet de rénovation pour développer des espaces qui correspondent aux nouvelles attentes de leur personnel. Me Morin s’est gardé de dévoiler les détails pendant l’entrevue,
puisque les travaux demeurent en cours, mais le résultat devrait être connu dans les prochains mois.
Le cabinet mise aussi sur la flexibilité, notamment dans sa politique de retour au bureau, qui est modulée en fonction des besoins de chacun. « Les attentes peuvent varier beaucoup entre les groupes de pratiques, ainsi que de la part des employés qui ne sont pas avocats, indique Me Morin. Nos gestionnaires reçoivent des formations chaque mois pour rester connectés sur ces attentes, qui peuvent évoluer rapidement. »
Communication et formation
De son côté, Fasken souhaite s’assurer de suivre en temps réel la satisfaction des membres de son personnel. « Nous mesurons toutes les six semaines la satisfaction de nos équipes avec des questionnaires d’une quinzaine de questions, qui visent aussi à cerner leurs attentes », explique Me Éric Bédard, associé directeur pour le Québec.
Le cabinet s’efforce de créer une culture organisationnelle forte en multipliant les rencontres en personne entre les professionnels. « Nous sommes surtout soucieux de bien les traiter, ajoute Me Bédard. Que ce soit sur le plan de nos approches du travail ou de la rémunération, nous devons faire en sorte que nos actions s’accordent avec notre discours. »
Fasken accorde beaucoup d’importance au développement de ses équipes. Chacun des membres a droit à un plan individuel, qui lui permet de se projeter deux ou trois ans en avant. Le cabinet mise énormément sur la formation des chefs d’équipe et de l’ensemble de ses professionnels, notamment par l’entremise de forums de développement personnel réalisés en groupe. Il paie des « coach » à ses nouveaux associés et parfois aussi des formations plus poussées, dans des universités ici ou à l’étranger ou dans des organismes de formation accrédités.
« La pandémie a amené les cabinets à retravailler leur culture d’entreprise et à offrir plus de flexibilité et une meilleure conciliation entre la vie personnelle et professionnelle, soutient Dominique Tardif. Ce sont des éléments importants pour augmenter la rétention de son personnel. »