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PHILANTHROPIE. À la suite de la crise, les donateurs pourraient donner moins, et certains OBNL risquent d’avoir de la difficulté à obtenir du financement. Par conséquent, plusieurs organismes ayant une mission similaire pourraient avoir à fusionner, du moins à collaborer de plus près, si elles veulent survivre. Un changement qui était attendu par le milieu depuis un certain temps.
«J’ai relu un article écrit durant la crise de 2009. On disait déjà que les OBNL allaient devoir être agiles et collaborer. J’ai envie de demander, est-ce qu’on a beaucoup appris ? Combien de crises ça va nous prendre ?» demande Danielle Poulin, fondatrice de Caméo Consultation, une firme d’accompagnement en gestion philanthropique.
Selon elle, la collaboration sera donc la clé ou, du moins, une des clés pour survivre et se développer dans l’après-COVID, une crise plus profonde encore que celle de 2009 pour le secteur philanthropique.
Elle ajoute toutefois un bémol. À son avis, ceux qui ne collaborent pas déjà, en ce moment, dans un contexte qui demande plus que jamais de collaborer, ne le feront pas plus tard. «La crise va départager les OBNL qui vont tranquillement disparaître des autres qui vont franchir le cap.»
De la pression des bailleurs de fonds
La bonne nouvelle, c’est que plusieurs organismes collaborent déjà. Danielle Poulin explique que les besoins de première ligne sont si importants, dans certains cas, qu’aucun organisme travaillant en silo ne peut prétendre y répondre seul.
«Des organismes comme Dans la rue, le Réseau autochtone ou Exeko, par exemple, travaillent ensemble à la demande de la Ville de Montréal pour créer des haltes-répits pour les personnes itinérantes», dit Danielle Poulin. Un travail qu’ils auraient été incapables de mettre sur pied s’ils avaient travaillé de façon individuelle.
Les grands bailleurs de fonds pourraient d’ailleurs, après la crise, mettre de la pression sur les organismes pour leur demander de travailler ensemble plus étroitement. «C’est évident que ça va arriver, dit Mme Poulin. Le terreau est mûr. Les grands donateurs répètent sans cesse qu’ils ne peuvent pas gérer 20 organismes qui demandent des fonds et qui font à peu près la même chose. C’est ça qui est arrivé pour la cause du cancer.»
De son côté, Louise Giroux, fondatrice de Philanthrôpia, une firme de conseil stratégique en philanthropie, estime que les regroupements deviendront particulièrement importants en culture. «Les petits théâtres, les petites salles de musique, les petits musées, ces gens-là, s’ils ne s’associent pas pour faire une seule grande collecte de fonds pour leur région, ça va être plus difficile», dit-elle. Même chose en sport : peut-être qu’un OBNL lié au kayak, par exemple, devrait s’associer avec un OBNL qui s’intéresse à la voile ?
L’heure est aux vents de changements
Daniel Asselin, président et fondateur d’Épisode, une firme d’experts-conseils en philanthropie, croit pour sa part que si les PME réfléchissent aux alliances et aux fusions, les OBNL doivent y réfléchir aussi. «De toute façon, on savait que ça s’en venait. Beaucoup de donateurs trouvaient qu’il y avait trop d’organismes qui faisaient trop d’affaires similaires, mais personne n’ose le dire haut et fort : parlez-vous avant de venir nous voir plutôt que d’être morcelés, de travailler en silos !»
Loin des grandes tribunes, les grands bailleurs de fonds le lui disent pourtant clairement. «On me dit « Il y a huit organismes similaires qui me demandent du financement, alors je leur donne chacun 10 000 $ pour ne pas les laisser tomber, mais je serais prêt à faire plus s’ils travaillaient ensemble ».»
Trouver du financement autrement
Collaboration ou pas, les OBNL devront faire preuve de plus de créativité dans la recherche de financement, estime Catherine Rowe, cofondatrice de Pur Philanthropie, une firme de consultation stratégique spécialisée en philanthropie.
Beaucoup d’organismes, surtout les petits, dépendent beaucoup des revenus des événements qu’ils organisent, explique-t-elle. Sauf qu’à court et à moyen terme, l’événementiel est en pause.
«Ceux qui dépendaient des événements devront réagir vite et trouver d’autres sources de financement», dit Catherine Rowe. Ce qui n’est pas entièrement une mauvaise nouvelle. Les événements sont lourds à organiser pour les petits OBNL, et leur prenne beaucoup de temps et d’énergie. Ils sont si lourds, raconte-t-elle, que les équipes n’ont parfois plus le temps nécessaire pour explorer d’autres filons de revenus. «C’est une occasion de développer d’autres options plus efficaces et plus faciles à mettre en place, comme les dons mensuels, dit-elle. Ceux qui sauront d’adapter seront ceux qui survivront.»