Construire des logements chers rend le marché plus abordable
Jean Sasseville|Publié le 03 avril 2024«C’est paradoxal que plusieurs politiciens québécois, qui ont à cœur l’abordabilité, se méfient des promoteurs.» (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Construire des logements chers rend le marché plus abordable… Vous avez bien lu. L’explication est toute simple. Par le jeu de déménagements, ces logements neufs libèrent d’autres logements plus abordables.
Paul emménage dans un appartement neuf avec un loyer de 2200$. Marie emménage dans l’ancien logement de Paul. Son loyer est de 1500$. Un autre locataire va emménager dans l’ancien logement de Marie et débourse 1100$ par mois. Cette chaîne prendra fin lorsque, par exemple, quelqu’un quittera un logement qu’il partage avec un autre colocataire.
Répercussion
Cette étude pour douze villes américaines démontre que pour la construction de 100 nouveaux logements dégagent en moyenne de 45 à 70 logements pour des locataires gagnant un revenu inférieur au revenu médian de la région. La majorité de ces logements se libèrent lors des trois premières années.
Cet effet domino, ou chaîne de déplacements, a une répercussion majeure et permet d’offrir indirectement plus de logements abordables.
Pourquoi les logements neufs sont-ils si chers?
Sans subvention, les promoteurs bâtissent des logements chers qui ne sont pas accessibles à tous. C’est mathématique. Les coûts de construction et les taux d’intérêt sont élevés.
Les promoteurs subissent des taxes, des redevances de développement et de longs délais pour l’obtention de leur permis. Cela se reflète dans les coûts chargés à leurs clients.
Ajoutons que les règlements de zonage favorisent la rareté des logements. Je ne suis pas en train de faire un plaidoyer pour les hautes tours à tout azimut. Ces tours ont leur place au centre-ville et dans des TOD (transit-oriented development).
Des immeubles de 3 étages augmentent grandement la densité d’un quartier et favorisent l’abordabilité.
Financement de la SCHL
Avec APH Select, la SCHL offre un financement avantageux aux promoteurs et encourage la construction de logements abordables, avec une meilleure efficacité énergétique ou une accessibilité pour les personnes avec un handicap. La grande majorité des logements abordables sont construits grâce à ce programme.
Mais il n’y a aucune contrainte à qui offrir ces logements abordables. Donc, dans une construction neuve, ces logements peuvent être offerts à des professionnels. C’est aberrant. Ces logements devraient être offerts à ceux qui en ont le plus besoin. Il est hautement souhaitable de réviser ce programme.
Un logement usagé est plus abordable qu’un neuf
C’est une évidence qui mérite d’être rappelée. On insiste sur le besoin de construire des logements abordables. N’oublions pas que l’on a déjà un important parc de logements usagés qui pourrait encore mieux utiliser pour combler la demande.
Le Québec a de loin le plus grand nombre de logements locatifs au Canada. En construisant plus, on serait en mesure de libérer plusieurs logements usagés abordables.
C’est aux gouvernements de s’occuper des personnes plus vulnérables en leur offrant des logements sociaux.
Arène politique
L’abordabilité du logement est un problème répandu dans de nombreux endroits, en particulier dans les régions qui connaissent une demande extrêmement élevée de logements, malgré une offre limitée de logements pour répondre à cette demande. Cette situation difficile affecte particulièrement des villes comme New York, Los Angeles, San Francisco, Vancouver et Toronto.
C’est une patate chaude pour les politiciens un peu partout dans le monde.
C’est paradoxal que plusieurs politiciens québécois, qui ont à cœur l’abordabilité, se méfient des promoteurs.
Construisons plus
Nous avons vu que la construction de logements aide indirectement la classe moyenne et ceux qui ont des revenus peu élevés.
Les hausses de loyers sont élevées lorsque le taux d’inoccupation est faible.
Tant qu’il y aura une pénurie, les locataires qui se cherchent un logement sont dans une situation précaire. Peu importe les lois que l’on met en place, il y a des surenchères et de la discrimination. C’est malheureux.
Entre l’achat d’un terrain et la livraison de logements, il y a un délai de quelques années. La crise du logement ne va pas se résorber avant plusieurs années. Il est temps de prendre des mesures efficaces.
C’est dans les années 1970s que l’on a construit le plus grand nombre de logements par habitant pour combler une forte pénurie. J’ai récemment suggéré que l’on s’en inspire et que le fédéral implante un IRLM 2.0.
Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a annoncé que son prochain budget va aider les premiers acheteurs. Espérons que ce budget ne fera pas que hausser la demande, mais aussi l’offre de logements.
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