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ANALYSE. Chaque fois que les dirigeants d’Alimentation Couche-Tard (ATD-B, 43,32 $) s’adressent aux analystes, ils font la démonstration du soin consacré à leurs décisions d’affaires. Le premier achat en Asie-Pacifique de Circle K Hong Kong, pour 360 millions de dollars américains (M$US), est la plus récente incarnation de cette rigueur.
L’achat stratégique est modeste tant par sa taille que par sa contribution immatérielle aux profits. L’exploitant de dépanneurs lavallois paie un peu plus cher que de coutume, mais il s’offre une quatrième plateforme de croissance dans un marché convoité depuis 18 ans, tout en s’assurant d’avoir les ingrédients pour réussir à moindre risque, a expliqué aux analystes le chef de direction Brian Hannasch lors d’une téléconférence. «L’actif principal est l’équipe de direction chevronnée et son savoir-faire dans la gestion de dépanneurs dans les marchés urbains à haute densité qu’on trouve un peu partout dans la région», a-t-il fait valoir.
La nouvelle filiale profitera aussi du capital de Couche-Tard pour raviver sa propre expansion locale. La chaîne hongkongaise détient 30 % du marché des dépanneurs de Hong Kong (derrière sa grande rivale 7-Eleven). Sa mise en marché et son programme de loyauté O K Stamp It lui ont valu le titre de détaillant de l’année, à deux reprises depuis cinq ans.
Le fondateur Alain Bouchard dit d’ailleurs vouer une «profonde admiration»aux dirigeants locaux depuis des décennies, par voie de communiqué. La relation d’affaires entre les deux organisations dure depuis plus de 30 ans en raison de la marque commune Circle K.
Les magasins occupent en moyenne 850 pieds carrés par rapport à la superficie moyenne de 3 000 en Amérique du Nord, précise Martin Landry de Stifel Canada. L’assortiment de produits est optimisé «au pouce carré»au lieu d’au pied carré. La transaction constitue un premier pas parfait pour Couche-Tard dans ce marché, ajoute l’analyste. «Sa petite taille réduit les risques d’intégration tout en lui procurant une solide base opérationnelle», dit-il.
La crédibilité de l’équipe de Hong Kong est une excellente carte de visite pour conclure d’autres transactions et partenariats dans la région, a ajouté Brian Hannasch en précisant que Circle K Hong Kong détient aussi les droits à cette marque pour le marché chinois.
Couche-Tard a pisté une demi-douzaine de marchés d’Asie où elle aimerait s’implanter. Le PDG a cité le Vietnam, le Laos et le Cambodge. Vishal Shreedhar, de Financière Banque Nationale, évoque l’achat potentiel de 2 000 autres dépanneurs opérant sous la licence Circle K en Asie-Pacifique.
Le prix payé de 12 fois le bénéfice d’exploitation se justifie aux yeux Chris Li, de Desjardins Marché des capitaux, même si les synergies se révéleront modestes parce qu’il s’agit d’un nouveau continent. Il cite la constance de la croissance des ventes par magasins comparables de 5% à 7 % en moyenne depuis 2002. Malgré les restrictions de la COVID-19, ces ventes ont crû de 8,3% au premier semestre de 2020, souligne pour sa part Martin Landry, de Stifel Canada.
Chris Li, qui a grandi à Hong Kong dans les années 1990, a dit avoir gardé un bon souvenir des plats de nouilles et des boulettes de poisson vendus par la chaîne. La COVID-19 a transformé les habitudes d’achat des Hongkongais, et ce pour peut-être encore longtemps, croit l’analyste de Desjardins Marché des capitaux.
Afin de contrer la plus faible fréquentation et le recul de la facture moyenne, la chaîne s’appuie donc plus que jamais sur son outil de gestion de la relation client, explique Chris Li. Il donne en exemple une récente promotion du jeu mobile Shake Shake Lucky Star, qui offrait de gagner 1 000 abonnements d’un an au service Netflix pour chaque tranche de 2,60 $dépensé en magasin.
Bien que la qualité de la transaction plaise aux deux analystes consultés, ils ne touchent pas à leur cours cible respectif de 51$et de 54 $. Leur recommandation d’achat repose plutôt sur les perspectives de croissance à long terme, tant en interne que par acquisition, l’optionalité que lui procure son bilan sain et la longue feuille de route de création de valeur.
Les États-Unis et l’Australie: toujours dans la mire
Interrogé par les analystes sur leurs intentions pour de possibles transactions aux États-Unis et sur son offre retirée pour le groupe australien renommé Ampol, Brian Hannasch n’a pu complètement cacher sa frustration d’avoir vu Speedway lui échapper aux États-Unis à cause de la surenchère de sa rivale 7-Eleven. «Nous sommes déçus par les évaluations observées aux États-Unis, mais restez fidèle au poste», a-t-il laissé tomber.
Couche-Tard n’a pas fait une croix sur le groupe Ampol, mais la pandémie et l’inhabituelle récession ont fortement affaibli le marché du carburant en Australie, comme en témoigne la décision du géant BP d’y fermer sa raffinerie. «Nous attendons que la poussière retombe avant de procéder», a-t-il dit.